Cinéma

 
 
 
          

 

 

« Xiaoxiao » (萧萧)

La nouvelle de Shen Congwen  (沈从文) et son adaptation par Xie Fei (谢飞)

par Brigitte Duzan, 4 octobre 2010

      

« Xiaoxiao » est l’une des plus célèbres nouvelles parmi celles écrites par Shen Congwen pendant les années 1928-1929 sur le thème qui lui est le plus cher : la vie dans son Hunan natal, et plus spécifiquement dans le Nord-Ouest du Hunan, le Xiangxi.

       

La nouvelle, écrite pendant l’hiver 1929, puis révisée en 1935, dépeint le sort d’une jeune orpheline donnée en mariage à douze ans à un enfant de trois ans : c’est une coutume locale que les écrivains de gauche ont dénoncée comme l’une de ces coutumes féodales qu’il fallait abolir pour libérer les femmes.

      

Shen Congwen s’attache au contraire à montrer qu’il n’y a rien là d’inhumain, mais que c’est une coutume fondée sur des considérations économiques et pratiques où chacun trouve son avantage : la famille qui s’assure une aide familiale et l’assurance future d’une descendance, et la petite fille qui trouve un bol de riz quotidien et la chaleur

d’une nouvelle famille.

      

Sa nouvelle est empreinte de la douceur d’une vie que Shen Congwen décrit sans l’idéaliser, mais en en faisant ressortir le caractère cyclique aussi inexorable que le rythme des saisons. En ce sens, il est intéressant de la confronter à

l’adaptation cinématographique qu’en a réalisée Xie Fei (谢飞), au milieu des années 1980 : l’esprit général en est préservé, tout comme la beauté des images, mais la conclusion en est radicalement différente.

 

Réalisateur Xie Fei (谢飞)

       

I. La nouvelle : « Xiaoxiao » (萧萧)

       

1. La nouvelle commence, en quelques lignes introductives, par camper la situation et le caractère de la jeune Xiaoxiao, en route dans son palanquin pour se rendre dans sa nouvelle famille :

         乡下人吹唢呐接媳妇,到了十二月是成天会有的事情。

Les gens du coin accompagnaient la jeune épouse au son des suonas, c’est chose courante au mois de février.

[note : le suona est un instrument semblable au hautbois et le « douzième mois » dont il est question est celui du calendrier lunaire, comme tous ceux mentionnés dans la nouvelle]

Dans ces cas-là, dit l’auteur, on voit souvent les fillettes pleurer, mais ce n’était pas le cas de Xiaoxiao :

也有做媳妇不哭的人。萧萧做媳妇就不哭。这小女子有母亲,从小寄养到伯父种田的庄子上,出嫁只是从这家转到那家。因此到那一天这小女人还只是笑。她又不害羞,又不怕,她是什么事也不知道,就做了人家的媳妇了。
 Il y en a aussi qui ne pleurent pas quand on les marie. Xiaoxiao ne pleurait pas d’être mariée. Ayant perdu sa mère toute petite, elle avait été élevée par un oncle, à la ferme, et avait travaillé dans les champs. Se marier n’était pour elle que passer d’une famille à une autre ; c’est pourquoi, ce jour-là, elle ne faisait que rire. Elle n’avait aucune honte, aucune crainte non plus ; elle n’avait aucune idée de ce que tout cela signifiait, elle savait juste qu’elle allait être la nouvelle bru de quelqu’un.

       

Le petit garçon dont elle est la nouvelle épouse a trois ans, il vient juste d’être sevré. La principale tâche de Xiaoxiao va désormais être de s’occuper de lui, jouer avec lui, le consoler quand il pleure, comme un petit frère : elle va d’ailleurs l’appeler ainsi, dìdi 弟弟.C’est la coutume, tout simplement.

       

Mais Xiaoxiao est encore une enfant, qui fait des rêves d’enfant – et Shen Congwen montre là qu’il a lu Freud :

便常常做这种年龄人所做的梦,梦到后门角落或别的什么地方捡得大把大把铜钱,吃好东西,爬树,自己变成鱼到水中各处溜。或一时仿佛身子很小很轻,飞到天上众星中,没有一个人,只是一片白,一片金光,于是大喊妈!人就吓醒了。

Elle faisait souvent des rêves comme en font les enfants de son âge : elle se voyait découvrant des pièces de cuivre dans quelque coin perdu derrière la maison, et se payant de bonnes choses à manger ; elle rêvait qu’elle grimpait aux arbres, ou qu’elle se transformait en poisson se faufilant dans l’eau. Ou encore, minuscule et légère, elle s’envolait dans le ciel jusqu’au milieu des étoiles, il n’y avait personne, tout était blanc et doré, alors elle poussait un grand cri « Maman ! », et réveillait tout le monde.

       

C’est une enfant simple, innocente et adorable, qui s’entend à merveille avec le petit garçon que Shen Congwen appelle simplement « le petit mari » (小丈夫). Elle le porte toute la journée, et, même la nuit, se lève pour le consoler quand il pleure, lui montrant un chat, la lune, les étoiles, jusqu’à ce qu’il se mette à rire et peu à peu se rendorme.

       

2. Après la présentation des deux enfants, le petit mari et son épouse de douze ans, Shen Congwen élargit le tableau à la famille et à l’atmosphère qui y règne, avec une pointe d’ironie dans sa description du grand-père. Les grands-parents, les parents et les deux aides de la ferme se retrouvent dans la cour de la ferme, les soirs d’été, après la journée de travail, et ce sont les dialogues échangés qui évoquent les mentalités arriérées, et méfiantes à l’égard du monde extérieur, ce monde de la ville qui se manifeste de temps en temps à travers les collégiennes délurées qui se promènent dans les rues du village pendant les vacances et, alimentant les bavardages et les rires, sont présentées à Xiaoxiao, qui ne les a encore jamais vues, comme d’étranges personnages vaguement effrayants :  

女学生这东西,在本乡的确永远是奇闻。[…]从乡下人眼中看来,这些人都近于另一世界中活下的人,装扮奇奇怪怪,行为更不可思议。

Les collégiennes, pour les gens du coin, c’était vraiment une chose incroyable. […] A leurs yeux, c’étaient des gens qui vivaient dans un monde différent, s’habillaient de manière étrange et agissaient de manière plus étonnante encore.

女学生由祖父方面所知道的是这样一种人:她们穿衣服不管天气冷热,吃东西不问饥饱,晚上交到子时才睡觉,白天正经事全不作,只知唱歌打球,读洋书。她们都会花钱,一年用的钱可以买十六只水牛。

Dans l’esprit du grand-père, les collégiennes étaient ainsi : elles s’habillaient sans se soucier du temps qu’il fait, mangeaient qu’elles aient faim ou non, veillaient jusqu’à des heures impossibles, ne faisaient rien de toute la journée, sauf chanter, jouer au ballon, et lire des livres étrangers. En revanche, elles savaient bien dépenser l’argent : en une année, elles en dépensaient autant que ce qu’il faut pour acheter seize buffles.

       

Shen Congwen en profite pour glisser une petite pique à l’égard des revendications féministes des cercles de gauche :

她们在学校,男女一处上课,人熟了,就随意同那男子睡觉,也不要媒人méirén,也不要财礼,名叫自由

Au collège, elles sont dans les mêmes classes que les garçons ; quand elles en connaissent un, elles couchent avec lui quand cela leur chante, sans se préoccuper d’intermédiaires ou de dot,

c’est ce qu’elles appellent la « liberté ».

Une liberté qui fait peur, vue du village : ce sont des femmes terribles, capables d’intenter des procès aux hommes, en partageant avec les juges les indemnités qui leur sont accordées. Le village, avec ses coutumes « féodales », apparaît en contrepartie comme un monde pur et intègre. Le grand-père s’amuse à effrayer Xiaoxiao qui proteste qu’elle n’a pas peur ; cependant, quand elle rêve parfois qu’elle est collégienne, c’est pour se voir circuler dans des sortes de boîtes comme celles décrites par le grand-père, mais celles de ses rêves sont pleines de rats dont les queues dépassent par les portes…

       

3. Shen Congwen passe ensuite à la description du garçon de ferme par lequel le malheur arrive : il

s’appelle Huagou (花狗), il a vingt trois ans, Xiaoxiao quinze, mais elle semble presque adulte. Le nom Huagou signifie ‘chien tacheté’ : c’est un garçon bien bâti, qui a une belle voix et tout un répertoire de chansons propres à troubler l’enfant qu’est encore Xiaoxiao, mais c’est un chien, couard et profiteur. Il conquiert d’abord le « petit mari » en jouant avec lui, en lui ramassant des dattes et en lui apprenant des chansons que l’enfant répète sans les comprendre – et Shen Congwen glisse là quelques chants populaires qui apportent de la couleur locale à la nouvelle :

  天上起云云起花,Dans le ciel montent les nuages, s’y transformant en fleurs,
  包谷林里种豆荚,Au milieu des plants de maïs poussent des pois, 
  豆荚缠坏包谷树,des pois qui grimpent en s’accrochant aux tiges,
  娇妹缠坏后生家。comme les filles en fleurs casées chez les garçons.
  天上起云云重云,Dans le ciel montent les nuages, nuage sur nuage,
  地下埋坟坟重坟,Sur terre on creuse des tombes, tombe sur tombe,
  娇妹洗碗碗重碗,Les jolies filles lavent les bols, bol sur bol,
  娇妹床上人重人。Et dans leurs lits servent les hommes, homme sur homme.

        

Xiaoxiao, méfiante et mal à l’aise, garde d’abord ses distances et s’accroche au « petit mari » comme à un rempart providentiel, mais Huagou finit par avoir raison de sa résistance un beau jour d’été, dans les bois… ce n’est pas un événement, cela tient en une ligne :

终于有一天,萧萧就这样给花狗把心窍子唱开,变成个妇人了。
Finalement, un beau jour, charmée par les chansons de Huagou, Xiaoxiao lui ouvrit son cœur, et devint femme.

       

Le vers est dans le fruit, pourtant. Quand elle sent son corps changer, et qu’elle s’en ouvre à Huagou, celui-ci révèle sa couardise, et Xiaoxiao se rend compte qu’elle ne peut pas compter sur lui. Peu de temps plus tard, il finit par s’enfuir, sans un mot. Xiaoxiao est réduite à tenter d’éliminer cette chose qui grandit en elle, jusqu’à avaler des cendres d’encens au temple local où elle s’est rendue en cachette, mais rien n’y fait.

       

Elle essaie alors de s’enfuir elle aussi, mais elle est découverte, et enfermée à double tour. Quand la famille tente de comprendre pourquoi elle voulait partir ainsi, le secret de Xiaoxiao est dévoilé.

       

4. C’est une catastrophe pour la famille qui risque y perdre la face. Selon la coutume, elle a deux solutions :

沉潭还是发卖la noyer ou la vendre ?

La noyer, cependant, serait perdre totalement la face, mieux vaut donc la vendre. L’oncle, appelé

d’urgence, en convient ; comme il doit dédommager la famille du « petit mari » du préjudice subi, la vente de Xiaoxiao à une autre famille lui permettra de pouvoir payer la somme.

       

Une fois le compromis convenu, tout le monde est soulagé, et il ne reste plus qu’à trouver un client. Mais personne ne se présente. Xiaoxiao reste donc en attendant, passe le nouvel an avec la famille ; de toute façon, le « petit mari » l’adore et ne veut pas s’en séparer :

又仍然如月前情形,姊弟一般有说有笑的过日子了。

Et ils retrouvèrent leur vie antérieure, leur vie de frère et sœur, ponctuée de bavardages et

de rires.

       

Elle finit par accoucher, en donnant naissance à un bébé vigoureux, qui ravit tout le monde :

         生下的既是儿子,萧萧不嫁别处了。

     Comme elle avait accouché d’un garçon, Xiaoxiao ne fut pas envoyée dans une autre famille.

       

5. Le dénouement final est exposé en quelques lignes (1) :

到萧萧正式同丈夫拜堂圆房时,儿子已经年纪十岁,能看牛割草,成为家中生产者一员了。平时喊萧萧丈夫做大叔,大叔也答应,从不生气。

Lorsque Xiaoxiao consomma effectivement son mariage, son fils avait déjà dix ans, il pouvait garder les buffles et faucher l’herbe, il était devenu un membre à part entière de la famille. Il appelait « oncle » le mari de Xiaoxiao, qui lui répondait sans jamais se fâcher.
这儿子名叫牛儿。牛儿十二岁时也接了亲,媳妇年长六岁。媳妇年纪大,才能诸事作帮手,对家中有帮助。唢呐吹到门前时,新娘在轿中呜呜的哭着,忙坏了那个祖父曾祖父。

On avait appelé l’enfant Niu’er [bouvier]. Quand il eut douze ans, on le maria lui aussi, à une jeune fille qui avait six ans de plus que lui. Il fallait qu’elle soit plus âgée pour pouvoir aider. Lorsque les suonas arrivèrent à la porte, la nouvelle mariée sanglotait dans son palanquin, entourée du grand-père et de l’arrière-grand-père.
这一天,萧萧抱了自己新生的月毛毛,却在屋前榆蜡树篱笆看热闹,同十年前抱丈夫一个样子。

Ce jour-là, Xiaoxiao regardait le chahut depuis la clôture en bambou, sous l’orme devant la maison, tenant dans les bras son dernier né, un bébé d’un mois, comme, dix ans auparavant, elle avait porté son mari.

       

Cette nouvelle s’achève ainsi sur un cycle qui recommence, la vie humaine étant calquée sur celle des saisons qui scandent la progression de l’histoire. Tout tragique est gommé, les accidents de la vie humaine étant peu importants au regard de la vie, et de son caractère inexorable.

       

(1) Ce sont celles de la version de 1929, celles de la version révisée de 1935 sont un peu plus longues, reprenant en outre des paroles que Xiaoxiao avait prononcées dix ans auparavant pour calmer le bébé qui pleurait.

       

II. Le film : « La jeune fille Xiaoxiao » (湘女萧萧)

       

Le film, sorti en 1986, a fait partie de la sélection de la section ‘Un certain regard’ au festival de Cannes, en 1987 ; il a ensuite été couronné du prix Don Quixote au festival de San Sebastian, puis du prix du Panda d’or au festival de Montpellier en 1988.

       

C’est un film superbe d’un réalisateur de la quatrième génération, injustement méconnu : Xie Fei (谢飞) (1). Si le scénario suit assez fidèlement la nouvelle, en en captant

l’esprit par les images et la musique, la subtilité de la nouvelle est cependant dramatisée, et le message final totalement différent.

       

L’univers de Shen Congwen en musique et en images…

       

Xie Fei est très proche de Shen Congwen : à une exception

 

Affiche du film

près, toute son œuvre reflète un lyrisme et une paix profonde face aux difficultés et tristesses de la vie. Diplômé de l’Institut du cinéma de Pékin en 1965, sa carrière a été brutalement étouffée dans l’œuf par la Révolution culturelle ; il n’a pu retrouver une caméra qu’après 1978, et le film qui marque véritablement ses débuts date de 1983. A ce moment-là, cependant, c’est la nouvelle génération, celle des Chen Kaige et Zhang Yimou, une génération de rebelles qui remettait en question tout l’héritage des aînés, qui a attiré sur elle l’attention des critiques, des médias et du public.

       

Musique

       

Xie Fei, lui, a continué tranquillement une œuvre classique, au ton beaucoup plus retenu. Il suffit de comparer le début de « La jeune fille Xiaoxiao » et celui du film de Zhang Yimou « Le sorgho rouge » pour que la différence saute aux yeux, et aux oreilles. Il s’agit de deux séquences très semblables puisqu’elles décrivent l’avancée d’un palanquin ; mais, là ou Zhang Yimou a choisi une musique violente, dans un paysage désertique où vole la poussière, et une tension sensuelle à fleur de peau, Xie Fei, après une introduction musicale de chants du Hunan,  nous sert une musique traditionnelle de suonas, comme dans la nouvelle, et nous fait deviner une enfant dont la voix candide nous parvient à travers le rideau fermé, et qui demande d’arrêter un instant la procession parce qu’elle a envie de faire pipi.

       

Le ton est donné, et correspond tout à fait à celui de la nouvelle : l’accent est mis sur la candeur de Xiaoxiao, l’innocence d’une enfant de la campagne qui a déjà un fond de fatalisme inné en elle et accepte avec bonne grâce le sort qu’on lui réserve.

       

Les chants serviront ensuite de transition, puis d’instrument de séduction, avant que la dernière séquence retrouve les suonas du début, le cycle étant bouclé.

       

Paysages

      

Le film emprunte aussi à la nouvelle sa construction qui fait progresser l’histoire en la liant au passage des saisons, annoncé régulièrement par une courte phrase rimée et rythmée comme un poème, traduite dans le film par l’image correspondante, voire par un paysage.

      

 

Paysage du film

 

       

Mais, là encore, il n’y a pas le travail sur l’image d’un Zhang Yimou : tout est fait au contraire pour donner un sentiment de paix intérieure par des tableaux lisses, sans aspérités, de la campagne du Hunan : paysages de champs en terrasses, dorés au soleil, ou buffles dans les rizières, dans une légère brume.         

       

         …Mais réalisée dans un esprit différent

       

Si le film est imbu d’un humanisme proche de celui de Shen Congwen, il se démarque cependant de l’esprit de la nouvelle au moins par deux aspects essentiels : par la dramatisation de certaines scènes qui, justement, étaient traitées de manière volontairement retenue, et comme en passant, dans la nouvelle, et surtout par le message qu’il véhicule.

       

Dramatisation

      

Shen Congwen, on l’a vu, a décrit en une ligne la scène où Huagou séduit Xiaoxiao. Dans le film, au contraire, cette scène est traitée avec une dramatisation qui en fait l’un des moments forts du film : elle se passe pendant un orage, Xiaoxiao s’est réfugiée, trempée, avec son ‘mari’ dans une grange,

 

Xiaoxiao enfant avec son ‘petit mari’

et elle est en train d’enlever ses vêtements mouillés quand arrive Huagou à l’improviste. Tentant de se cacher sous de la paille, elle ne laisse apercevoir qu’un œil, terrorisé, avant de se laisser gagner par le désir jusque là refoulé.

      

L’autre scène extrêmement dramatique, qui n’existe pas dans la nouvelle, est celle où les villageois assemblés dans la nuit brisent les jambes d’un homme adultère, tandis que la femme est  emmenée en barque au milieu du lac pour la noyer. C’est évidemment cette scène qui fait croître la frayeur de

      

Xiaoxiao adolescente

 

Xiaoxiao et monter la tension. Dans la nouvelle, la menace est larvée et beaucoup moins tragique : ce n’est que lorsque l’état de Xiaoxiao a été découvert qu’est exposée

l’alternative : la noyer ou la vendre. Mais la première solution est exclue tout de suite.

      

Dans la nouvelle, par ailleurs, c’est la perte de face et le préjudice subi par la famille qui motivent leur décision ; dans le film est rajouté un élément de superstition qui est totalement étranger à l’univers de Shen Congwen qui s’attache au contraire à démontrer que ce que l’on prend pour

des coutumes « féodales » est en réalité empreint d’une logique pratique.

      

Dénouement final

       

La différence essentielle est cependant dans le dénouement final. Shen Congwen, fin 1929, comme Xie Fei en 1986, voient Xiaoxiao soumise à un cycle inexorable qui lui fait soumettre une autre enfant au même sort que celui qu’elle a elle-même subi. Si, cependant, cela paraît logique chez Shen Congwen, puisque le monde qu’il décrit est idyllique, comme un éden miraculeusement préservé, ce n’est plus le cas chez Xie Fei qui dénonce, lui, le sort réservé aux femmes dans les campagnes.

       

Mieux, en 1986, son jeune « mari » est allé étudier à la ville, et, lorsqu’il revient au village, pour le mariage du fils de Xiaoxiao, il rejette le mariage arrangé qui l’a marié contre son gré, et repart en laissant son baluchon au bord du chemin. La vie a changé, et la Chine aussi.

       

 

(1) Notons pour être précis que le film a été co-réalisé par Wu Lan (乌兰).

       

       

      


      
 

 

 

   

 

 

 

 

     

 

 

 

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