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				Ma Jinyu 马金瑜 
				 
				
				Présentation 
				 
				par 
				Brigitte Duzan, 11 mai 2019 
				  
						
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							Ma Jinyu est née en 1978 à Shihezi (石河子), 
							dans le nord du Xinjiang, ville administrée par un
							bingtuan (兵团), 
							ou corps de production et construction du Xingjiang 
							(新疆生产建设兵团), 
							où ses parents travaillaient. Elle a grandi là.   
							
							  
							
							
							Du Xinjiang à Canton et au Qinghai 
							
							  
							
							C’était une très bonne élève, mais tellement 
							appliquée et naïve que ses parents l’avaient 
							surnommée « 205 » (“二百五”), 
							ce qui signifie « qui a une case en moins » ; sa 
							mère n’osait même pas, dit-elle, l’envoyer acheter 
							une bouteille de sauce au soja parce qu’elle se 
							faisait facilement berner 
							
							
							. 
							
							  
							
							Après avoir terminé ses études universitaires, elle 
							est devenue journaliste dans le groupe de presse 
							Nanfang Baoye (南方报业传媒集团), 
							groupe basé dans le Guangdong qui  |  | 
							
							 
							Ma Jinyu |  
					
					regroupe les plus grands journaux du sud, comme le Nanfang 
					daily (《南方日报》) 
					ou le Southern Weekly (《南方周末》). 
					Elle a été chargée de reportages importants. En 2008, elle a 
					gagné le prix 
					
					
					SOPA 
					pour l’Asie 
					
					
					, 
					récompensant la qualité de ses reportages. 
					
					Sa 
					mère a été rassurée sur ses capacités mentales.    
						
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							Ma Jinyu et Zhaxi en 2015 |  | 
							
							Puis, en 2010, après quatorze ans de journalisme, et 
							avoir parcouru le Yunnan, le Sichuan et le Gansu, 
							elle a été chargée d’un reportage sur l’industrie 
							apicole et s’est rendue au Qinghai pour interviewer 
							des apiculteurs. L’un des premiers qu’elle a 
							rencontrés était un Tibétain dénommé Zhaxi (扎西), 
							du district de Guide (贵德县), 
							au sud-ouest du Qinghai, dans la préfecture de Yushu 
							(玉树州).
							 
							
							  
							
							Un mois et demi plus tard, ils se sont mariés. Ses 
							collègues ont tenté en vain de l’en dissuader et, 
							dans le village, les gens ont pensé, comme sa mère 
							auparavant, qu’elle était un peu dérangée. 
							Cependant, elle a continué pendant deux ans à faire 
							les allers-retours pour continuer son travail de 
							journaliste. L’été 2011, elle a eu un premier bébé. 
							Mais ce n’est qu’en 2012, alors qu’elle attendait un 
							deuxième enfant, qu’elle a abandonné Canton et le 
							journalisme pour s’installer dans les hauts plateaux 
							du Qinghai. |  
					
					  
				
				
				Apiculture et commerce électronique 
				
				  
						
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							Le problème, c’est qu’ils n’avaient plus de revenu 
							régulier. Zhaxi élevait des abeilles depuis l’âge de 
							treize ans, et son miel était d’une pureté de 
							première catégorie, mais il le vendait à un 
							intermédiaire à des prix très modiques. Jinyu, un 
							jour, a donc décidé de le court-circuiter et, en 
							2015, s’est lancée dans le commerce en ligne. En 
							vendant le miel dans des pots de terre cuite 
							produits localement et bien emballés, ils ont tout 
							de suite vendu leur miel à des prix bien supérieurs. |  | 
							
							 
							Ma Jinyu faisant la promotion de son 
							commerce en ligne |    
				
				En outre, Jinyu a étendu ses ventes à celles de produits 
				« écologiques » de la région, en particulier des poivrons et des 
				champignons jaunes. Finalement, elle a constitué un groupe de 
				femmes venues travailler avec elle pour s’occuper de l’emballage 
				et de la distribution, contre la volonté de leurs maris qui les 
				voyaient d’un mauvais œil sortir de chez elles.  
				
				  
						
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							Les pots de miel  |  | 
							
							Son micro-magasin s’appelle « Perles de la prairie » 
							(“草原珍珠”) 
							car ces femmes sont de véritables perles. Elles 
							n’ont pas la vie facile. Il leur faut parfois faire 
							des heures supplémentaires car le courrier arrive 
							vers 17 heures, mais si elles arrivent trop tard 
							chez elles, elles sont battues. Cepndant, le fait de 
							travailler et de gagner de l’argent les fait 
							évoluer. Le commerce en ligne a une fonction 
							émancipatrice aussi. |  
					
					  
				
				Aujourd’hui, Ma Jinyu a trois fils. Son commerce marche bien. 
				Elle a écrit un petit livre pour en raconter l’histoire, il a 
				été publié en mars 2017 et elle est allée dans le Gansu le 
				présenter, avec son mari et trois femmes tibétaines qui 
				n’étaient jamais sorties de leur province. 
				
				  
				
				Il lui manque maintenant de se remettre à l’écriture… 
				 
				
				  
				
				
				Retour à l’écriture ? 
				
				  
				
				
				Premier récit 
				
				  
						
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							Elle a commencé à écrire avant de rencontrer Zhaxi 
							et de venir vivre au Qinghai. Ses récits sont en 
							fait liés à ses reportages. L’un d’eux a été repris 
							sur divers sites après avoir été publiée en 2008 
							dans la revue en ligne Dan Du ou One Way 
							Street Magazine (《单读》) 
							– littéralement « lire à sens unique » - 
							principalement consacrée à la littérature 
							non-fictionnelle. Et effectivement, le récit de Ma 
							Jinyu est du matériau brut, pourrait-on dire, les 
							personnages ont une telle vie qu’on les sent 
							authentiques. Mais c’est une réalité tellement 
							brutale et il y a  |  | 
							
							 
							Présentation de son livre dans une 
							librairie  
							de Lanzhou (Gansu) le 8 mars 2017 |  
					
					une telle tension dans l’écriture qu’on le lit presque comme 
					de la fiction.     
				
				Le titre à lui seul attire d’emblée l’attention :
				
				« En 
				quête de cadavres à embaumer » (《寻找殓尸人》).
				
				
				C’est le vieux Liang (老梁) 
				qui fait ces recherches, et s’il le fait, c’est parce que c’est 
				son métier de faire la toilette des morts avant leurs 
				funérailles. Une introduction explique le contexte : l’histoire 
				se passe au Shanxi, et l’âge du vieux Liang donné au début 
				permet de la dater de 2005.  
				
				  
				
				
				山西多煤矿,也多矿难。特殊的环境催生出一个特殊的行业:为遇难矿工收殓尸体的人,也就是给死人“穿衣服的”。那些死去的矿工,在殓尸人的清洗和缝合之后,长眠于黑暗的地下。这些离死亡最近的人,都充满了关于生的温情。 
				
				Il y a au Shanxi de nombreuses mines de charbon, mais il y a 
				aussi beaucoup de catastrophes minières. Cet environnement très 
				particulier a donné naissance à un type d’activité très 
				particulier : la recherche des corps des mineurs accidentés pour 
				« les vêtir ». Tous ces mineurs morts, après avoir été nettoyés 
				et recousus par l’embaumeur, s’en vont dormir du sommeil éternel 
				dans les ténèbres sous la terre. Ces professionnels si proches 
				de la mort ont pour la vie une grande tendresse. 
				
				老梁,1960年代生人,现年45岁,河北邯郸农民。27岁到陕西煤矿干活,30岁开始在乡村诊所帮忙,2000年左右开始做殓尸工作。   
				
				Né en 1960, le vieux Liang avait alors 45 ans ; c’était un 
				paysan originaire du district de Handan dans le Hebei. A l’âge 
				de 27 ans, il était venu gagner sa vie comme mineur dans le 
				Shanxi, puis, à trente ans, avait été embauché dans une petite 
				clinique à la campagne. C’est une dizaine d’années plus tard, 
				vers 2000, qu’il avait entrepris le métier d’embaumeur. 
				 
				
				  
				
				Voilà notre personnage campé en quelques lignes : « vieux » 
				avant l’âge, le terme impliquant juste un certain respect 
				distancié pour quelqu’un vivant du toilettage des morts. 
				Cependant, il n’est pas la seule vedette : outre son 
				prédécesseur, il y a aussi une femme nommée « L’immortelle 
				Xia », la seule femme à des lieues à la ronde à pratiquer ce 
				métier et considérée pour cela comme un personnage hors du 
				commun, entre sorcière et divinité protectrice. C’est à travers 
				ces trois figures emblématiques que Ma Jinyu dresse un tableau 
				très vivant du monde de la mine et de la zone montagneuse du 
				Shanxi où ils opèrent. 
				
				  
				
				Le style est âpre et sans fioritures, comme il convient à la 
				peinture d’un monde qui l’est tout autant, mais l’auteure 
				parvient quand même, au détour d’une phrase, à faire surgir 
				l’émotion.
				
				
				Le récit 
				se lit d’une traite. 
				
				  
				
				
				Un autre…  
				
				  
				
				Elle en a publié un autre en février 2017 sur weibo et sur sohu ; 
				c’est une histoire d’amour dans la prairie des hauts plateaux du 
				Qinghai. Et elle est illustrée comme un roman-photos : 
				 
				
				
				
				https://www.weibo.com/ttarticle/p/show?id=2309614075778164818000 
				
				  
 
				  
				
				
				Traduction en anglais 
				
				  
				
				Searching for Bodies 
				
				《寻找殓尸人》, 
				tr. Kate Costello 
				
				A lire en ligne sur Read Paper Republic  
				
				
				
				https://paper-republic.org/pubs/read/searching-for-bodies/ 
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