Sun Pin (孙频)
fait partie de la génération des auteurs chinois dits
« post’80 » arrivés à maturité à la fin des années 2010.
Elle écrit surtout des novellas (zhongpian xhiaoshuo
中篇小说).
Son recueil paru en 2018, « Dîner nocturne dans la forêt de
pins » (《松林夜宴图》),
a été le lauréat du prix littéraire Yu Dafu (郁达夫小说奖).
En 2021, elle a été couronnée du prix « Écrivain.e du
futur » (“未来文学家”大奖).
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Dîner nocturne dans une
forêt de pins, 2018 |
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Née en
1983 dans le Shanxi, elle a un diplôme de littérature
chinoise de l’université de Lanzhou (dans le Gansu).
Mais elle n’a commencé à écrire qu’en 2008, à l’âge de 25
ans, avec, déjà, une grande maturité.
L’univers
de ses récits est peuplé de personnages sans éclat, voire
défavorisés, mais dont elle dresse des portraits attachants,
aux marges du surréel. Son recueil de nouvelles publié en
juin 2016, « Pain » (《疼》),
en est un bel exemple. Ces récits semblent dresser un
catalogue de maladies étranges, dont les souffrances sont le
plus souvent auto-infligées voire imaginées, mais qui ne
sont finalement, sous sa plume, qu’un aspect des complexités
de la nature humaine.
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Pain, rééd. déc. 2022
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C’est le
cas de l’une des nouvelles du recueil, qui a été traduite
pour le numéro 6 (2016) de la revue Chinese Arts and Letters
sous le titre « Shadow » (《相生》),
mais qui signifie littéralement « auto-génération ». Sun Pin
y conte l’histoire du dernier né d’une famille de six
personnes, tous malades mentaux sauf lui. Il commence à
travailler dès l’âge de douze ans pour pouvoir payer des
soins psychiatriques à ses sœurs et à ses parents, jusqu’au
jour où, à l’âge de 25 ans, il décide de vivre un peu pour
lui-même : il s’achète un appareil photo, et, convaincu par
ses lectures et les statistiques que ses gènes de fou le
prédisposent à devenir un génie, il entreprend d’en devenir
un, un génie de la photo… mais, n’y parvenant pas, dans une
parfaite logique, il devient fou.
Le recueil
a été un incroyable succès de librairie : il s’en est vendu
150,000 exemplaires. Succès qui a incité Sun Pin à
poursuivre. En août 2017, sous le titre « Sel » (《盐》),
est sori une sélection de six de ses meilleurs zhongpian initialement
publiés en revues au cours des dix années précédentes.
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Sel, 2017 |
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En avril
2018, elle publie un recueil de trois novellas, « Dîner
nocturne dans une forêt de pins » (《松林夜宴图》),
« Jours superbes » (《光辉岁月》)
et « La nuit des monstres » (《万兽之夜》),
trois récits qui relatent, d’un point de vue féminin, les
combats et amères expériences de différents artistes de deux
générations différentes.
Il est
suivi de deux autres recueils : le premier au titre
énigmatique, traduit « La Chimère au fond du lac » (《鲛在水中央》),
a été publié en Chine en 2019 et le deuxième, sorti l’année
suivante, « Au nom des oiseaux et des bêtes » (《以鸟兽之名》),
a été finaliste du
prix
Blancpain-Imaginist 2021.
Comme celui de 2018, le premier est un recueil de trois
novellas : outre celle du titre, « Poème des sphères
célestes » (《天体之诗》)
et « Le marin parti pour l’Australie » (《去往澳大利亚的水手》).
Sun Pin y décrit des individus aux destins différents, mais
qui ont une même manière de se poser des questions sur leur
sort, et la vie en général, sans l’accepter.
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Requins au milieu de
l’eau, 2019 |
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Au nom des oiseaux et
des bêtes, 2021 |
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En août
2020, son recueil « Partis à dos de baleine » (《我们骑鲸而去》)
a une table des matières originale, en trois parties,
comportant la nouvelle du titre et des commentaires la
concernant, puis deux autres nouvelles courtes – « Le
général des chats » (猫将军)
et « Le balcon » (《阳台上》)
– et enfin une interview.
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Partis à dos de baleine,
2020 |
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En février
2023, une novella d’elle intitulée « Le cavalier monté sur
un cheval blanc » (《骑白马者》)
ouvre le recueil collectif « Calme et sans contrainte » (《寂静与逍遥》)
qui regroupe cinq novellas et cinq nouvelles courtes de dix
auteurs différents, dont, outre elle-même, Luo Weizhang (罗伟章),
Ban Yu (班宇),
Zhu
Wenying (朱文颖 )
et Jin Renshun (金仁顺).
La novella
de Sun Pin dégage une atmosphère caractéristique, de réalité
hantée par le passé, comme en témoigne l’extrait suivant :
我在废墟一般的度假山庄里游荡了半日,仿佛在梦游,我曾经熟悉的宿舍、厂房、熏窑、食堂,连一点痕迹都没有留下,好像他们只是我的一个梦境,从来就不曾真实存在过,但分明的我每踩下去一脚,都有一种心惊胆战的感觉,好像踩在了他们的尸骨上面,我走的步履蹒跚,像一场战争之后唯一剩下的幸存者。
Je me suis
promené une partie de la journée, comme en songe parcourant
des ruines, dans cette résidence de vacances où ne restait
pas la moindre trace du dortoir, de l’usine, du four ni de
la cantine qui m’étaient familiers, comme s’ils n’avaient
jamais existé que dans mes rêves. Pourtant, à chacun de mes
pas, je ressentais une terreur très palpable, comme si je
marchais sur leurs cadavres ; j’avançais ainsi d’un pas
incertain, tel l’unique survivant d’un champ de bataille.
C’est une
atmosphère semblable, un malaise, voire une sorte de terreur
latente engendrée par un passé qui ne cesse de revenir
hanter les vivants, que l’on retrouve dans son autre
zhongpian : « La Chimère au
fond du lac » (《鲛在水中央》).
Traductions en anglais
- Shadow (Xiang
Sheng《相生》),
trad. Luisetta Mudie,
Chinese
Arts and Letters n° 6
(2016).
Traduction à lire en ligne :
- Balcony
(《阳台上》),
trad. Jesse Young,
The World
of Chinese,
Jan. 2, 2022
Traduction en français
- La
Chimère au fond du lac (《鲛在水中央》),
trad. Brigitte Duzan et Zhang Guochuan, L’Asiathèque, coll.
Novella de Chine, 25 juin 2025.