Auteurs de a à z

 
 
 
     

 

 

Xu Xu 徐訏/徐𬣙

1908-1980

Présentation

par Brigitte Duzan, 15 juin 2020

 

Né à la toute fin de la dernière dynastie, Xu Xu a été l’un des auteurs chinois les plus populaires dans la Shanghai des années d’avant-guerre, puis à Hong Kong après 1950 : avec ses contes à la Pu Songling, ses histoires d’espionnage et d’amour, il suscite toujours une nostalgie teintée de romantisme.

 

Un parcours littéraire en deux temps

 

Auteur populaire à Shanghai et Chongqing pendant la guerre

 

Il s’appelait Xu Chuanzong (徐传琮), nom social Boyu (伯𬣙), d’où son nom de plume de Xu Yu (徐𬣙), ou Xu Xu. Il est né en 1908 dans un village du district de Cixi (慈溪) dans le Zhejiang. Ses parents divorcent quand il a cinq ans, et il est alors envoyé pensionnaire dans une école.

 

Xu Xu vers 1976

C’est une expérience de triste solitude dont on retrouve des reflets dans son œuvre.

 

Xu Xu avec Lin Yutang en 1934

 

De 1927 à 1931, il fait des études de philosophie, puis de psychologie à l’université de Pékin. Il commence à écrire pendant ses années à l’université et publie ses premiers récits dans la revue « The Eastern Miscellany » (《东方杂志》).

 

En 1932, il part à Shanghai, fait la connaissance de Lin Yutang (林语堂) et devient son collaborateur. En 1934, il devient rédacteur de l’une de ses deux revues littéraires, le mensuel « Le Monde des hommes » (Rénjiānshì 《人间世》).

Il est également rédacteur du bi-mensuel « Le Vent du cosmos » (Yǔzhòu fēng宇宙风》) créé en septembre 1935, et de « Vent d’ouest » (《西风》), puis devient rédacteur en chef de la revue « Le Ciel, la terre et l’homme » (Tiāndìrén 《天地人》) quand elle est créée en mars 1936.  

 

Il est pris dans le feu des critiques de Lu Xun envers Lin Yutang, et de ses journaux en particulier. Plus généralement, on reproche à la dernière revue de ne rien apporter de nouveau par rapport aux précédentes, Tiāndìrén étant souvent confondue dans les critiques avec Rénjiānshì. Et ce ne sont pas seulement les critiques de gauche qui l’attaquent, le fondateur des théories chinoises sur l’esthétique Zhu Guangqian (朱光潛) publie une lettre ouverte « à M. Xu, rédacteur de Tiāndìrén » où il reproche à ce dernier journal de trop ressembler à Rénjiānshì et au « Vent du cosmos » 

《人间世》和《宇宙风》里面有许多我爱读的文章,但是我觉得它们已算是尽了它们的使命了,如果再添上一个和它们同性质的刊物,恐怕成功也只是锦上添花,坏就不免画蛇添足了。

我的老妈看见我欢喜吃菠菜,天天给菠菜我吃,结果使我一见到菠菜就生厌。《人间世》和《宇宙风》已经把小品文的趣味加以普遍化了,让我们歇歇口味吧。 [1]

 

Renjianshi, numéros années 1934

« J’ai aimé beaucoup d’articles publiés dans « Le Monde des hommes » et « Le Vent du cosmos », mais je pense qu’ils ont amplement rempli leur mission ; si vous ajoutez encore une autre revue de la même sorte, j’ai bien peur que son succès ne soit que celui d’une broderie venant orner une pièce de brocart.

« Quand j’étais petit, comme j’aimais les épinards, ma mère m’en faisait tous les jours si bien que j’ai pris les épinards en horreur. En généralisant le même type d’articles, « Le Monde des hommes » et « Le Vent du cosmos » ont épuisé l’intérêt qu’on leur porte. Il serait temps de nous offrir des saveurs différentes. »

 

Le Vent du cosmos, n° 33,

illustré par Feng Zikai 丰子恺

 

Xu Xu lui répondit sur le même ton en disant qu’on préférait prendre les conseils de ses amis plutôt que des anciens (Zhu Guangqian avait onze ans de plus que lui). Ceci donne une idée de l’atmosphère de l’époque et des luttes de clans littéraires.

 

En 1936, Xu Xu part à Paris préparer un doctorat de philosophie à La Sorbonne. Il y est encore début 1937 quand paraît sa nouvelle moyenne (中篇小说) « Un amour de fantôme » (《鬼恋》), publiée à Shanghai dans « Le Vent du cosmos ». Mais, plus tard dans l’année, la guerre contre le Japon l’amène à rentrer en Chine.

 

Dans Shanghai occupée, il s’installe dans l’îlot de sécurité relative qu’offre la Concession internationale et il continue de publier de la fiction non politique et des journaux de voyage teintés d’exotisme et de cosmopolitisme.

 

Après l’occupation totale de Shanghai suivant Pearl Harbor, Xu Xu quitte Shanghai et rejoint Chongqing, devenue capitale du gouvernement nationaliste, où se trouve une bonne partie des intellectuels de Shanghai. En 1942, il enseigne le chinois à l’Université centrale de Chongqing. En 1943, il publie son grand roman « Le Bruissement du vent » (Fēng xiāoxiāo 《风萧萧》). Roman d’amour et d’espionnage dans Shanghai occupée, il devient le bestseller de l’année 1943. Il est publié en feuilleton dans la revue « Liquider l’ennemi » (Sǎodàng bào 《扫荡报》) dont Xu Xu devient en 1944 le correspondant spécial aux Etats-Unis.

 

Il revient à Shanghai après la fin de la guerre, en 1946, et reprend ses activités éditoriales.

 

Ecrivain et enseignant à Hong Kong après la guerre

 

Fēng xiāoxiāo 1943, publication

dans le Sǎodàng bào

 

Cependant, ayant été la cible des critiques de gauche dans les années 1930 et pendant la guerre, à la fondation de la République populaire, il part à Hong Kong où il continue d’écrire en publiant la plupart de ses nouvelles, pendant toutes les années 1950, dans les suppléments littéraires des journaux comme le quotidien Sing Tao Daily (《星岛日报》) ou le journal du soir Sing Tao Evening News (《星岛晚报》). Dans ces nouvelles, il aborde les thèmes de l’exil, de l’aliénation dans une ville étrangère, mais aussi des sujets fantastiques, comme dans deux de ses nouvelles les plus célèbres de l’époque : « Paroles d’oiseau » (《鸟语》) publiée en 1950 et « L’autre rive » (《彼岸》), publiée l’année suivante.

 

Entre 1956 et 1961, il publie son magnum opus : le roman « La Rivière en furie » (《江湖行》), adapté en film de wuxia par la Shaw Brothers en 1972. Mais il écrit aussi des essais de critique littéraire, est rédacteur de journaux littéraires et enseigne la littérature chinoise dans différentes universités.

 

En 1960, invité par Lin Yutang, Xu Xu part à Singapour enseigner à l’Université Nanyang. Il retourne à Hong Kong en 1966 et enseigne à l’Université chinoise de Hong Kong ainsi qu’à l’Université baptiste. En 1970, il est nommé président du département de chinois de l’Université baptiste et en 1977 doyen de la Faculté des beaux-arts de cette même université.

 

En novembre 1976, quarante ans après la création de Tiāndìrén, il crée la nouvelle revue, Qiyi (《七艺》), littéralement « les sept arts ».

 

Il meurt de maladie en 1980.

 

Œuvre

 

 Xu Xu a écrit des poèmes, en style classique et vernaculaire, dont cinq recueils, écrits entre 1942 et 1944, ont été publiés à Hong Kong en 1948.

 

Mais il est surtout connu pour son œuvre de fiction qui reprend des thèmes traditionnels en les replaçant dans un contexte moderne. C’est le cas de sa nouvelle de 1937 « Un amour de fantôme » (《鬼恋》), dont l’histoire semble être inspirée d’un Conte du Liaozhai de Pu Songling. Le narrateur relate en effet sa rencontre, une nuit, avec une belle femme qui lui dit être un fantôme ; frustré, il cherche à se consoler dans d’autres plaisirs, et en particulier dans l’alcool. Or, il la rencontre à nouveau, cette fois habillée en nonne, et elle lui explique alors qu’elle a un passé de révolutionnaire, mais que son amant a été exécuté et qu’elle a alors disparu de la surface de la terre… il tombe ensuite malade, elle lui envoie des fleurs, mais ils ne se revoient jamais plus.

 

Fēng xiāoxiāo, rééd. 2019

 

Loin des analyses sociales et intrigues psychologiques caractéristiques de la littérature du 4 mai, les récits de Xu Xu sont essentiellement destinés à divertir et c’est la raison pour laquelle ils sont devenus des bestsellers pendant la guerre. C’est le cas en particulier du roman « Le Bruissement du vent » (《风萧萧》) publié en 1943 à Chongqing. L’intrigue se passe à Shanghai pendant l’occupation japonaise, mais la ville ne sert que de toile de fond à la romance qui en est l’argument principal. L’intrigue est construite, comme le Jin Ping Mei (《金瓶梅》), autour de trois personnages féminins, mais ce sont toutes trois des espionnes : le narrateur, nommé Xu (), soupçonne la belle Baiping (白苹), entraîneuse dans une boîte de nuit, d’être une espionne japonaise, mais découvre qu’elle est en fait un agent secret des communistes ; elle est tuée par une espionne japonaise, etc.

 

Le roman a été sérieusement critiqué en Chine continentale dans les années 1950 comme « roman bourgeois », mais a été adapté au cinéma à Hong Kong en 1954. L’œuvre de Xu Xu a été redécouverte dans les années 1980, et le roman a été réédité aux éditions Huacheng en 1994, signalant un nouvel intérêt pour les œuvres de Xu Xu, en même temps que pour la littérature des années 1930 et 1940. Au début des années 2000, on recommençait à trouver chez certains libraires chinois d’occasion des éditions rares des revues des années 1930, dont « Le Monde des hommes ». En 2020, une traduction en anglais des principales nouvelles de Xu Xu a été publiée à Berkeley…

 


  

Adaptations

 

Au cinéma

(à Hong Kong)

 

1954 : Rustling Winds《风萧萧》, un film de la Shaw Brothers écrit et réalisé par Tu Kuang-chi (屠光启), avec la grande actrice Li Lihua (李丽华) dans le rôle de Baiping et Yan Jun (严俊) dans celui du narrateur.

 

1973 : River of Fury (《江湖行》), de Chang Tseng-chai (张曾泽), scénariste Ni Kuang (倪匡), avec Lily Ho (何莉莉) et Danny Lee (李修贤).

 
 

River of Fury

En opéra

 

Adaptation en opéra de chambre de la nouvelle « Un amour de fantôme » (《鬼恋》)

12-14 janvier 2018 :  Ghost Love 歌劇《鬼戀》, musique de Chan Hing-yan (陳慶恩), livret Yi Heng (意珩), mise en scène du Japonais Tomo Shugao, trois

 

Opéra Ghost Love

représentations au Hong Kong City Hall Theater. 

Un soir, un acteur ivre rencontre une belle jeune femme qui lui dit être un « fantôme » … 

 

 

 


 

Traduction en anglais

 

- Bird Talk and Other Stories, Modern Tales of a Chinese Romantic, tr. and afterword Frederik H. Green, Stonebridge Press, May 2020, 240 p.

Cinq nouvelles de la période 1937-1965 :

- Ghost Love   鬼恋

- The Jewish Comet  太的彗星

 - Bird Talk  鸟语

- The All-Souls’ Tree  百灵树

- When Ah Heung Came to Gousing Road  来高升路的一个女人

Afterword: A Chinese Romantic’s Journey through Time and Space: Xu Xu and Transnational Chinese Romanticism [2].

 

Bird Talk and Other Stories

 

 


[1] Exrtrait d’un article sur les relations tendues entre Lu Xun et Lin Yutang, étendues à Xu Xu : https://kknews.cc/culture/5rz3jl8.html

[2] Il s’agit du sujet de la thèse de doctorat de Frederik H. Green: A Chinese Romantic’s Journey through Time and Space: Cosmopolitanism, Nationalism, and Nostalgia in the Work of Xu Xu (1908-1980). Ph. D. diss. New Haven: Yale University, 2009.

Sujet qu’il a développé à travers les premiers journaux de voyage de Xu Xu : The Making of a Chinese Romantic: Cosmopolitan Nationalism and Lyrical Exoticism in Xu Xu’s Early Travel Writings,  Modern Chinese Literature and Culture 23, 2 (Fall 2011): 64-99.
Abstract : https://u.osu.edu/mclc/journal/abstracts/green/

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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