Extraits de romans

 
 
 
     

 

 

Fang Fang – Funérailles molles

方方《软埋》

Fin du dernier chapitre et extraits de l’épilogue

par Brigitte Duzan, 26 janvier 2021

 

Fin du dernier chapitre (69)

69 悲伤从骨头里出来

 

青林把父亲的骨灰也迁了过来,与母亲同葬。这个墓地实际离刘晋源的墓地不算太远。刘小安说:“吴医生,丁孃孃,你们好好安息。我爸妈就在附近,你们都是老朋友了,闲的时候,也串串门吧。”

 

这番话把烧纸的人们说得全都笑了起来。所有的悲伤便随着纸灰和笑声,向空中散开。

这天的晚上,青林睡在母亲的房间。

 

他躺在母亲的床上,闻着母亲遗留的气息,终于难过地哭了起来。他觉得自己的悲伤是从骨头里出来的。他哭他的母亲,也哭父亲。这两个孤单的人彼此都藏着一生的秘密。他们小心翼翼,不让人知。即使是夫妻,也互不知底。而自己作为他们的儿子,所晓之事,也只是一知半解。父亲说,你不必知道更多,自己轻松生活就可以了。青林想,做到这个当然不难。但是在夜深人静,自己独处时,真的可以轻松吗?

 

 

这一夜晚的青林,浮想联翩。几近天亮,他才睡着。

 

第二天早上,青林起来时,太阳已经升到头顶上。他去花园里把绿植做了修剪,又给菜地浇了一些水。空气很新鲜,他望着母亲房间的落地窗,那里空荡无人,白色的纱帘低垂着,有一种特别的温馨从那里散发出来。青林突然觉得生活真的轻松起来。

 

这一页已然翻过。他的家庭,这个姓吴的家族,将由他来开始。他将是他们这个家族的始祖。他们跟董姓者没有任何关系,也与其他吴姓者没有任何渊源。但他们姓吴。

 

父亲和母亲都葬在了石门峰公墓。青林亲手为他们的墓穴盖上石板。悄然之间,他把父亲所有的笔记装入一只塑料袋,也放了进去。青林没有学习楚人,为他们的灵魂留一个小孔自由出入。从此,他们和他们的秘密以及灵魂,都被埋葬在这石头之下。青林把一切都密闭得严严实实。青林低声道:“爸爸,老妈,你们放心吧,我会选择既坚强地又轻松地生活。”

 

青林想,坚强的另外一种方式,就是不去知道那些不想知道的事。时光漫漫,软埋了真实的一切。就算知道了,你又怎知它就是那真实的一切?

 

69.   Douleur émanant des tréfonds de l’être

 

[Ding Zitao est décédée, son fils Qinglin l’a fait incinérer]

 

Qinglin avait fait transférer les cendres de son père et les fit inhumer avec celles de sa mère. Le cimetière, en fait, n’était pas très loin de celui où était enterré Liu Jinyuan [1]. Liu Xiao’an dit : « Docteur Wu, tante Ding, reposez en paix. Mes parents sont tout près. Vous étiez de grands amis, maintenant que vous en aurez le loisir, vous pourrez vous rendre visite. »

 

En entendant ces mots, ceux qui étaient en train de brûler des billets se mirent à rire. Alors, toute l’affliction sembla s’envoler et se dissiper dans l’espace avec ces rires et les cendres du papier. 

 

Ce soir-là, Qinglin alla dormir dans la chambre de sa mère.

 

Couché dans son lit, il lui sembla percevoir la respiration qu’elle y avait laissée, et il se mit finalement à pleurer à chaudes larmes. Sa douleur lui semblait émaner du plus profond de son être. Il pleurait sa mère, mais pleurait aussi son père. Ces deux êtres solitaires avaient emporté avec eux dans leur tombe les secrets de toute leur vie. Ils avaient fait très attention que personne n’en sache rien. Ils s’étaient même soigneusement caché leurs secrets entre eux. Et lui-même, leur fils, n’en connaissait qu’une partie. Son père lui avait dit que ce n’était pas la peine qu’il en sache plus, il vivrait bien plus tranquillement ainsi. Qinglin pensa que, jusque-là, il est vrai qu’il en avait été ainsi. Mais, dans le calme de la nuit, au cœur de sa solitude, pouvait-il vraiment être en paix ?

 

Qinglin brassa ses pensées toute la nuit et ne s’endormit qu’aux premières lueurs de l’aube.   

 

Le lendemain matin, lorsqu’il se leva, le soleil était déjà haut. Il alla dans le jardin tailler les plantes vertes et arroser les légumes. L’air était frais. Il regarda la chambre de sa mère par la porte-fenêtre ; elle était vide, maintenant, le rideau de mousseline blanc tombait jusqu’au sol, et il s’en dégageait un sentiment de confortable chaleur. Qinglin songea alors que sa vie, effectivement, était maintenant bien en paix.

 

Cette page était tournée. Sa famille à lui, nommée Wu, allait commencer avec lui ; il en était le primogéniteur. Elle n’avait aucun lien avec la famille Dong, ni avec d’autres individus du nom de Wu. Mais ils portaient le nom de Wu [2].

 

Ses parents reposaient tous les deux dans le cimetière public de Shimenling. […] Leurs âmes et leurs secrets étaient enterrés là avec eux, sous la dalle de pierre que Qinglin lui-même avait soigneusement refermée sur eux. « Papa, maman, leur avait-il dit, ne vous en faites pas, j’ai résolument choisi de vivre en paix. »

 

Il pensa que vivre en paix, cela signifiait ne pas chercher à savoir ce qu’il ne savait pas. Le temps, doucement, enterrerait la vérité toute nue. Alors, comment irait-on savoir quelle était réellement la vérité ?          

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Epilogue, extraits

尾声

70. 有人选择忘记,有人选择记录

 

青林开始真正地轻松了。

父亲和母亲都成了墙上的照片。他们在青林房间的墙上微笑。时间长了,青林经常都不记得抬起头望他们一眼。但他们却在青林不察觉的时候,始终望着他。

秋天又一次深了。树叶都泛出黄色。武汉的项目已近尾声。刘小川对他也越来越倚重。青林明白,除了爹妈的这层关系,最重要的是,他本人也非常尽职。

 

又一个新的项目马上要启动。这是梁子湖边一大片土地。[湖岸线被石头和小岛割裂成犬牙交错的形态。芦苇被风吹得倒伏着,在阳光的照射下,泛一层淡黄色光芒。风光可谓无限。

青林正在现场视察,他很兴奋。湖岸地形突然给了他灵感。好好利用这自然环境,他的项目独一无二。他想,一定要把龙忠勇抓来看看。]

 

恰这时,他接到龙忠勇的电话。青林兴奋道:“我正在想要抓你来看我的项目哩。”

龙忠勇在青林母亲去世时,短信悼念后,就再也没与青林联系。他说他是来问青林现在心情如何的。听起来,好像还不错。

[…]

龙忠勇说:“我在川东。我的书没写完,我哪有空帮你忙项目。”

青林的心咚了一下。

 

没等他开口,龙忠勇又说:“我在陆晓村。准确地说,我在三知堂。陆欢喜帮我找到了疯老头。疯老头叫富童。我磨了他一天,他只对我说了五个字:小茶。云中寺。”

青林忽觉一阵眩晕。小茶,这是他母亲曾经提过的名字。

龙忠勇继续说:“上次我们就听到过,说疯老头救出一个陆家丫头。这丫头后来出家了。我推测她或许就是叫小茶,她出家的地方可能是云中寺。陆欢喜告诉我,附近的确有个云中寺,那里的确有庵堂。他明天陪我一起过去。”

 

青林忽然觉得心口一阵刺疼。他真的一点都不想知道这些。他甚至觉得自己的愿望跟陆家二少爷一样,永远不要让人知道三知堂,且让时间风化掉它。

 

龙忠勇见他没有说话,缓了一下口气说:“我知道你的心情。我理解你。如果与你家有关,或是涉及你家隐私,我一定会用隐笔。你不要担心。只是这本书,我一定会认真地写出来。因为,历史需要真相。”

 

青林依然没有说话。他不是不想说,而是被“小茶”两个字,堵住了心口。

龙忠勇最后一句话说的是:“有人选择忘记,有人选择记录。我们都按自己的选择生活,这样就很好。”

 

青林关了手机,心下怅然。

眼前是开阔而苍茫的湖面,风起时,波浪一层层涌起。

他想,是呀,我选择了忘记,你选择了记录。但你既已记录在案,我又怎能忘得掉?而真相,青林心里冷笑了,真相又岂是你一本书所能描述出来的?这世上,没有一件事,会有它真正的真相。

 

70.  Certains choisissent d’oublier, d’autres de tout consigner par écrit

 

Qinglin commença dès lors une existence vraiment paisible.

 

Ses parents devinrent des portraits accrochés au mur de sa chambre, qui lui souriaient de là. Mais, le temps passant, il en oublia même de lever la tête pour les regarder. Eux, cependant, sans qu’il en soit conscient, continuaient de l’observer.

 

Ce fut à nouveau l’automne. Les feuilles des arbres jaunirent. Les projets de Wuhan touchaient à leur fin. Liu Xiaochuan s’en reposait de plus en plus sur lui. Qinglin comprit que les liens parentaux étaient une chose, mais que le plus important était son caractère extrêmement consciencieux.

 

Une nouvelle affaire démarra tout de suite. C’était un grand terrain au bord du lac Liangzi. […]  

 

[Le projet l’enthousiasme, il veut en parler à Long Zhongyong qu’il n’a pas vu depuis la mort de sa mère. Or celui-ci, justement, l’appelle au téléphone et se réjouit de le savoir en forme. Oui, dit Qinglin, finalement tout s’est bien passé, ma mère était malade depuis tant d’années, la mort est dans l’ordre des choses.]

 

« Oui, répondit Long Zhongyong, il n’y a pas de problème de valeurs. Chacun, dans la vie, fait des choix, les uns choisissent de bien mourir, d’autres de mener une vie de chien, certains font le choix de se souvenir, d’autres de tout oublier. Aucun choix n’est correct à cent pour cent, seuls sont valables ceux qui conviennent à chacun. Ce n’est donc pas la peine que tu y réfléchisses trop. Ta manière d’opter pour une solution confortable est tout à fait acceptable. »

- Je ne sais pas ce qui me convient le mieux, dit Qinglin, tout ce que je sais, c’est que je ne peux pas faire autrement. »

 

[Long Zhongyong lui apprend alors qu’il est à l’est du Sichuan, où il fait des recherches pour le livre qu’il écrit sur l’histoire de la famille de Qinglin.  Il a retrouvé les traces de Xiao Cha, la petite servante de sa mère…]

 

Qinglin sentit soudain son cœur se glacer. Il ne voulait vraiment pas savoir tout cela. Il allait même jusqu’à penser que, comme lui, le grand-père Lu avait toujours voulu éviter que l’on sache ce qui s’était passé à Sanzhitang, qu’il avait voulu laisser le temps effacer toute trace.

 

Voyant qu’il ne disait rien, Long Zhongyong continua après avoir repris son souffle : « Je sais ce que tu ressens, et je te comprends. Si certains faits sont en rapport avec ta famille, ou relèvent d’affaires familiales la concernant, ne t’inquiète pas, j’utiliserai des noms d’emprunt. Simplement, je veux absolument écrire ce livre de la manière la plus sérieuse possible. Car l’histoire a besoin que l’on fasse toute la vérité. »     

 

Qinglin ne disait toujours rien. Ce n’est pas qu’il ne voulait rien dire, c’est que le nom de Xiao Cha lui serrait le cœur. Sa mère lui avait raconté qu’ils étaient allés la chercher chez ses parents.

 

Long Zhongyong lui dit encore pour terminer : « Certains choisissent d’oublier, d’autres de tout consigner par écrit. Chacun vit en fonction de ses choix personnels. Et c’est bien ainsi. »

 

Qinglin coupa son téléphone, avec un certain regret.

Devant lui s’étendait l’immensité des eaux du lac, où le vent soulevait une succession de vagues.

Il se disait, c’est vrai, j’ai choisi d’oublier, et toi tu as choisi de tout consigner par écrit. Mais, justement à cause de tes écrits, comment veux-tu que je puisse oublier ? Et pour ce qui est de la vérité, pensa-t-il avec un rire sarcastique en lui-même, n’est-ce pas simplement ce que tu as pu en retracer ? Il n’y a rien en ce bas monde qui ait une réelle vérité.  

 

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[1] Ling Jinyuan était un vieil ami des parents de Qingling, qui a une place importante dans le roman. Liu Xiao’an est son fils.

[2] Le patronyme du premier mari de Ding Zitao – alors Daiyun - était Lu. Après son sauvetage, elle a épousé le docteur Wu. Son fils s’appelle donc Wu Qinglin. Le nom de Lu a disparu, ce qui est une autre manière d’effacer le passé.



 

 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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