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Xu Yigua « Chenilles »

须一瓜 《毛毛虫》

par Brigitte Duzan, 11 août 2015

 

Introduction

 

Cette nouvelle de Xu Yigua (须一瓜) est à la fois très vivante et superbement construite.

 

En cinq parties, elle commence, dans les deux premières, par une présentation du cadre et des personnages qui constitue un petit condensé de vie locale, dans une Chine que l’on devine du sud, vu la végétation… et la présence des chenilles.

 

Puis soudain, la troisième partie ouvre le récit lui-même : cela s’est passé un jour de fin de semaine… C’est ce que l’on appellerait un non-événement, mais resté gravé dans la mémoire du narrateur, un enfant de dix ans qui l’a vécu comme un cauchemar.

 

Enfin, la cinquième partie conclut sur ce qu’il reste de l’affaire dans le souvenir des intéressés, l’enfant, sa mère et ses deux sœurs, et termine par une relativisation du souvenir qui donne une tonalité de conte à l’ensemble.

 

Le deus ex machina de l’histoire est constitué par … les chenilles, dont l’introduction donne un tableau cauchemardesque.

 

Mais le récit vaut surtout par le ton allègre avec lequel cette petite histoire est contée, l’humour avec lequel les personnages sont dépeints, et enfin le talent avec lequel Xu Yigua digresse à plaisir à chaque instant ; ce sont ces développements habilement menés, d’une plume légère, qui font du récit, à partir des détails de la vie quotidienne, un tableau évocateur de la société chinoise à l’époque de l’enfance de l’auteur, au début des années 1970. Tableau tellement vivant qu’on l’imaginerait très bien adapté au cinéma.

 

Comme dans les meilleures nouvelles d’aujourd’hui, il n’y a rien dans celle-ci de directement politique, mais une peinture sociale acérée bien plus intéressante.

 


 

Texte et traduction

 

 

  到现在,我依然觉得,这种毛毛虫,只有最急功近利的大人或者洪军这样的白痴小孩,才会下手弄它们。在我复述这种毛毛虫的时候,我的鸡皮疙瘩就微微乍起。当年,每一次我看到它们,就无法克制地颤抖,而在单位大院里,我是弹弓打鸟的神枪手,是能用两条红领巾做出游泳裤的孩子王。

  其实怕那种毛毛虫的人很多,比如我妈妈隋满芬,隋满芬不怕蟑螂、不怕老鼠,不怕普通的毛毛虫,不怕天不怕地不畏鬼神,但是,她怕我说的这种毛毛虫。在我们大院里生活过的人,说到六十年代,估计很多人脑子都挤满了那种毛毛虫。

Aujourd’hui encore, je pense qu’il n’y a que deux types de personnes pour essayer

 

Maomaochong

d’attraper ce genre de chenilles [1] : les adultes qui ne réfléchissent pas beaucoup et les enfants casse-cou un peu retardés. A y resonger, j’en ai encore instinctivement la chair de poule. Quand j’étais plus jeune, chaque fois qu’il m’arrivait d’en voir une, je me mettais à trembler de façon incontrôlée, et pourtant, dans l’enceinte de notre danwei, j’étais le roi des enfants, un as pour descendre les oiseaux au lance-pierres, et capable de faire un maillot de bain de deux foulards rouges.

En fait, les gens terrifiés par ces chenilles étaient légion, en particulier ma mère, Sui Manfen ; elle qui n’avait peur ni des cafards ni des souris ni des chenilles ordinaires, qui ne craignait ni le ciel ni les hommes, ni dieu ni diable, elle avait peur de ces chenilles. On peut dire que tous ceux qui ont vécu autrefois dans notre cour, disons jusqu’aux années 1960, avaient l’esprit obsédé par ces chenilles.

 

   我们大院大门进去,就是灯光球场,球场后面是纵向排列的五六栋平房套房,直到城墙边。在每栋宿舍房中间,分别是一溜比房子高两倍的喜树*、比房子高一倍的合欢树,还有比房子宽展很多的梧桐树和木头梨子树。但是,灯光球场周边,和连接五六栋宿舍楼房的大道,有好多棵像樟树一样的大树。

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*喜树 xǐshù arbre du genre campothe canatif du Tibet et de Chine du sud, appelé « happy tree » en traduction littérale du chinois, ou « arbre de vie », car son écorce et ses feuilles contiennent un alcaloïde dont certains dérivés pourraient permettre des traitements anti-cancéreux.

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Quand on entrait dans notre résidence, on tombait d’abord sur un terrain de sport éclairé, derrière lequel se trouvait une rangée de quatre ou cinq petites maisons basses qui allait jusqu’aux remparts de la ville. Les bâtiments d’habitation étaient séparés entre eux par des alignementsde « happy trees »* deux fois plus hauts que les maisons, d’arbres à soie à peu près de la même taille, ainsi que de nombreux poiriers et sterculiers à feuilles de platanes. Or, tout autour du terrain de sport, et le long de la grande allée reliant les bâtiments d’habitation, il y avait aussi beaucoup de grands arbres ressemblant à des camphriers.

 

我已经忘了是什么季节,应该是夏末秋初,那个树下就会垂吊着、爬行着绿色的巨大的毛毛虫。它实在是比普通毛毛虫大了太多,匍匐在地上,就像一条条人的食指,每一条都有男人指头粗长,肥硕,鲜粉绿色的,体侧有蒺藜*一样的毛刺。那个季节,我们院子里经常听到女人和小孩的惊叫声,有的是一打眼正面相遇了,就在你鞋子前面,也许不止一条;有的是哔就一声踩到了,毛毛虫被挤出一大堆令人恶心的内腔,与此同时,踩它的人,就惊恐地补叫。甚至是晚上,踩到它的人,根本看不到它,光听了哔就一声,她们就没命地尖叫;我妈妈隋满芬就打黑布伞,她以为很安全地走了一趟,但是,回家一收伞,天啊,一根绿色的食指就扒在她的伞上,她就一声连一声啊以啊以啊以地歇斯底里补叫。那时候,太穷了,要不她肯定要把伞丢了。她就命令我去刮掉,我用眼神命令我大妹妹去,大妹妹就命令我小妹妹去。小妹妹就厉声尖叫。我妈妈就过来狠狠拧我耳朵。强龙斗不过地头蛇,我只好去了。

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*蒺藜 jílí tribule terrestre, ou Croix-de-Malte ; le fruit porte des piquants capables de crever des pneus de vélo.

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Je ne me rappelle plus en quelle saison exactement, mais ce doit être vers la fin de l’été ou au début de l’automne, sur tous ces arbres grimpaient d’énormes chenilles vertes qui menaçaient d’en tomber ; bien plus grosses que les chenilles ordinaires, quand elles rampaient par terre, on aurait dit des doigts, des index gras et longs, d’un vert vif, couverts de poils aussi piquants que ceux d’une tribule*. A cette époque de l’année, on entendait souvent des cris terrifiés de femmes ou d’enfants, soit parce qu’ils venaient d’en voir une devant eux, tout près de leur chaussure, et qu’ils avaient failli ne pas l’éviter, soit parce qu’ils en avaient carrément écrasé une, avec un « crac », et qu’il en sortait des entrailles répugnantes qui ajoutaient encore à la terreur ressentie. Le pire était le soir : on ne les voyait pas, et, quand on en écrasait une, on entendait juste le « crac », alors les femmes poussaient des cris aigus comme si elles étaient en danger de mort. A la nuit tombée, ma mère sortait avec un parapluie de toile, elle se sentait ainsi en sécurité dehors ; mais, quand elle était rentrée et qu’elle refermait le parapluie, ah… dieu du ciel ! Il y avait un index vert dessus, et c’étaient des cris hystériques à n’en plus finir,  ah… ah… ah… A l’époque, nous étions trop pauvres, autrement elle aurait certainement jeté le parapluie. Alors elle m’ordonnait de la débarrasser de l’animal ; moi, du regard, je transmettais l’injonction à ma grande sœur, elle la transmettait de même à sa cadette, qui se mettait alors à pousser des cris stridents. Ma mère furieuse me tiraient les oreilles, et j’étais bien forcé d’y aller – le personnage le plus puissant ne peut lutter contre un potentat local, c’est bien connu.

 

从拿起黑伞开始,我就开始打抖。我非常想控制自己,想稳住——不是想到要撑孩子王的面子,而是怕那根绿食指被我自己抖下来,掉在我脚上。有一次,我拿奶奶的吹火棍,敲山震虎*地打击雨伞,要它跌下台阶下面的水沟,它却扒得很紧,我只好用吹火棍的一头推它,那个肥大的绿色身子,一戳就软陷下去,身子上两颗蒺藜刺互相碰了一下,而头上倏地伸出两枝鲜红欲血的触须。我哇地跳一边,吐出了刚吃不久的地瓜稀饭。后来我大妹妹英勇接手,把那绿肥食指狠狠打进明沟里,可是,我小妹妹忽然大叫说,呀,你握的是刚才哥哥捅虫子的那一头!我大妹妹触电一样,哇地甩手惨叫,也吐出了刚吃下去的地瓜稀饭。

 

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*敲山震虎 qiāoshān zhènhǔ battre la montagne pour en faire sortir le tigre – expression utilisée pour des opérations anti-guérilla et par extension pour des opérations de ratissage visant à déloger des bandits, des truands, etc - évidemment ironique ici.

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A partir du moment où j’avais saisi le parapluie noir, je me mettais à trembler. Je voulais avant tout arriver à me contrôler, à cacher ma peur – cela m’aurait fait perdre la face, moi, le roi des enfants, mais j’avais aussi très peur, en tremblant, de faire chuter le doigt vert du parapluie, et de me le faire tomber sur les pieds. Un jour, j’ai pris le tuyau de bambou que ma grand-mère utilisait pour attiser le feu, et j’ai mené une attaque tambour battant contre le parapluie noir pour déloger l’ennemi et l’envoyer dans la rigole en bas de chez nous ; mais il est tombé tout près de moi, ne me laissant d’autre choix que de pousser le gros index vert du bout du tuyau de bambou ; quand je l’ai piqué, c’était mou, mais c’était un piège : je l’ai alors vudarder deux piquants très durs et sur la tête sont soudain apparus deux tentacules rouges assoiffés de sang. J’ai détalé en hurlant, et j’ai vomi les patates douces que je venais de manger. Après quoi c’est ma grande sœur qui a pris les choses en main avec bravoure et a énergiquement fait rouler la bestiole dans le caniveau, mais ma petite sœur lui a crié : Ah ! C’est la chenille que le grand frère vient juste d’empaler ! Ma grande sœur en est restée comme électrocutée, puis elle a rétorqué avec un cri d’épouvante : c’est pour ça qu’il a vomi toutes les patates douces qu’il avait mangées !

 

       我们在城墙上打野战的、玩情景剧的时候,都不需要严刑拷打坚贞不屈*的那些东西,不管哪一派被俘,只要说,给他一条大毛毛虫!对方立刻就把地下党**、把至爱亲朋、昨天在食堂偷的馒头统统都交待整齐了。这种毛毛虫厉害到,你根本不需要真的执行,光是一听,所有的坚贞不二的心都没有了。只有一个小孩不怕,那就是洪小军***。他也不算小孩了,比我们大七八岁,个子比他爸爸老洪还高,可是,他是白痴,动不动就歪嘴呜呜大哭,口水掉得很长;喜欢重复别人说话,喜欢打自己和别人的头。有时候打着别人的头,还自己感伤地呜呜长哭,好像吃了多大的亏。我奶奶说他傻进不傻出。

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* 严刑 拷打 yánxíng kǎodǎ  坚贞不屈 jiānzhēn bùqū rester fidèle et loyal même sous la torture

** 地下党 dìxiàdǎng réseau clandestin d’un parti – allusion ironique à l’action clandestine du Parti communiste contre les Japonais et le Guomingdang pendant la guerre, enseignée à l’école, et transformée en jeu par les enfants.

*** 洪小军 Hóng xiǎojūn , allusion indirecte à une société secrète nommée Hóngbāng 洪帮 qui a mené une révolte populaire contre la dynastie des Qing.

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虽然他个子像成年人,但他只有五六岁的智力。所以,老吴老婆有时被他莫名其妙的、没完没了的呜呜呜呜弄得心烦,就央求我领他儿子去玩。每次都被我推掉。我是孩子王,手下有一个大院二三十个同龄男孩,呼隆来去的,谁也看不上洪小军。

Nous menions des opérations de commando sur la muraille d’enceinte de la ville et, en plein milieu de l’action, il n’était pas nécessaire de recourir à la torture et autres procédés du même genre pour vaincre la loyauté indéfectible de l’adversaire ; quel que fût le parti du prisonnier, il suffisait de le menacer d’une chenille ! L’adversaire aussitôt rejoignait les réseaux clandestins du Parti*, et devenait l’ami le plus fidèle, allant jusqu’à vous remettre la totalité du petit pain qu’il avait volé la veille à la cantine. Ces chenilles étaient tellement redoutées que ce n’était même pas la peine de mettre la menace à exécution, il suffisait de la proférer pour que les adversaires les plus loyaux changent de camp. Il n’y avait qu’un enfant qui n’en avait pas peur, Hong Xiaojun, [le petit soldat Hong, comme l’avaient appelé ses parents]. On ne peut cependant pas vraiment dire que c’était un enfant, il avait sept ou huit ans de plus que nous, et il était encore plus grand que son père, mais il était un peu demeuré ; il lui arrivait, par moments, de se mettre à pleurer bruyamment, un long filet de bave s’écoulant de sa bouche tordue par les sanglots ; il aimait répéter ce qu’on disait, et se frapper la tête, aussi bien que celle des autres, mais, quand il frappait quelqu’un d’autre, il se mettait parfois à pleurer comme si c’était lui qui subissait les coups, et qu’il était la victime ô combien malheureuse. Ma grand-mère disait qu’idiot il était, idiot il resterait.

 

Bien qu’ayant la taille d’un adulte, il n’avait pas plus de jugeote qu’un enfant de cinq ou six ans. Perturbée par ses jérémiades perpétuelles, la mère Wu ne savait trop qu’en penser, et m’avait imploré de ne pas emmener son fils jouer avec moi. Mais j’avais chaque fois repoussé sa requête. J’étais le roi des enfants, et régnait sur une courée d’une vingtaine, voire une trentaine de garçons du même âge, troupe tapageuse où personne n’aurait songé à mépriser le soldat Hong.

 

                                                               

 

       其实,我妈妈隋满芬在任何时代,都是漂亮的,只是我小的时候,对那个烂熟的老对手的认识一直混沌迟钝,她老年痴呆后,我依然没有今昔对比的恍然大悟。这个状况一直延续到她死去之后的有一天,我翻家里的老照片,才惊觉隋满芬有着对时代而言的不像话的美貌。现在,倒回去回忆,难怪隋满芬当年可以有那么多不可思议的任性和霸道,那么嚣张、那么跋扈。说起来,有这个生命底子做支撑呢。其实不单是我,大院里的很多孩子,都吃过我妈妈的巴掌。比如那谁谁,上学的路上还在玩弹珠,我妈过去一屁股一脚,一声暴喝:还不上学去!两个小孩,就没命地抽着鼻涕往学校狂奔;比如,那个住水池边宿舍的艾卫星,那天趁各家午睡安静时光,和妹妹艾小宝爬上土墙,忙着偷墙那边的老百姓家橘子林里的青橘子。我妈妈从厕所出来,也不叫,过去就把艾卫星猛地一把拖下,吓得艾卫星尿了裤子,艾小宝鼠窜而去*。我妈妈把下巴磨破的艾卫星押到他家,对老艾斥责性地宣讲从小偷针、长大偷钟的做人道理;害得老艾叔叔中止午睡,狠狠抽了艾卫星一顿;艾卫星换下的尿湿裤子,被老艾老婆发现裤子又被磨破,她也参加了殴打;结果水池边那栋宿舍好多人的爸爸妈妈的午间休息,都被艾卫星的鬼哭狼嚎搞中断了;据我所知,在我妈妈变傻之前,单位大院里的孩子,一看到我妈妈,不管有没干坏事,基本都是溜墙根走开的。

 

..sur tous ces arbres grimpaient d’énormes chenilles qui menaçaient d’en tomber

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*鼠窜 shǔcuàn déguerpir comme un rat effrayé

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C’est un fait avéré, ma mère Sui Manfena toujours été belle, à quelque époque que ce soit ; simplement, quand j’étais petit, j’ai mis longtemps à en prendre conscience; une fois âgée, elle est tombée dans un état d’hébétude, et je n’ai pas eu tout de suite l’illumination qui m’aurait permis de m’abstraire du présent pour juger du passé. Cet état d’aveuglement s’est prolongé jusqu’au lendemain de sa mort ; c’est seulement quand j’ai fouillé dans les vieilles photos de famille que j’ai soudain réalisé que ma mère avait une beauté sans rapport avec son temps. Quand j’y repense aujourd’hui, elle avait à l’époque un caractère d’une détermination, d’un autoritarisme, d’une arrogance et d’un despotisme incroyables, mais c’est justement ce qui constituait l’essence de son existence. En fait, il n’y avait pas que moi, tous les enfants de la cour avaient à subir ses diktats. Par exemple, si elle prenait desenfants, quels qu’ils soient, à jouer aux billes sur le chemin de l’école, ma mère leur bottait le derrière en lui criant : comment, vous n’êtes pas encore à l’école ! Et les garnements y couraient à toutes jambes en s’essuyant la morve qui leur coulait du nez. Commecet Ai Weixing, par exemple, qui habitait près de l’étang : profitant un jour du moment de calme, l’après-midi, où tout le monde fait la sieste, il était allé avec sa sœur Ai Xiaobao grimper sur le mur de terre pour voler des mandarines encore vertes dans l’orangeraie du village à côté. Juste à ce moment-là, ma mère est sortie des cabinets et, sans même un cri, a violemment attrapé Weixing et l’a fait tomber ; de frayeur, il en a fait pipi dans son pantalon et sa petite sœur a détalé comme un lapin*. Ma mère a traîné chez lui Weixing, le menton ouvert, et a claironné d’un air accusateur à son père le vieux dicton populaire : qui vole un œuf enfant, vole un bœuf devenu grand ; réveillé en sursaut de sa sieste, le père administra une raclée magistrale à Weixing ; qui plus est, quand il alla changer de pantalon, sa mère remarqua qu’il était non seulement imbibé d’urine, mais en plus déchiré, et elle lui flanqua une fessée supplémentaire. Résultat : tous les autres parents qui faisaient la sieste dans le coin ont été réveillés par les hurlements sauvages de Weixing. D’après ce que j’ai entendu dire, quand les enfants du quartier apercevaient ma mère, avant qu’elle ait perdu la raison, qu’ils aient ou non commis quelque bêtise, ils l’évitaient en frôlant les murs.

 

       和他们相比,我挨我妈打的理由,根本谈不上需要像有他们这些开会也能使用的大道理。我挨打经常显得琐碎而莫名其妙。比如,穿球鞋的时候,后跟踩在鞋帮上,我妈妈手上的擀面棍就一棍扫在你大腿上;比如吃饭,不慎打了个喷嚏,有一颗饭粒奔出,隋满芬一筷子就抽到脸颊上,你脸上立刻暴起两条早晚会相交的红铁轨;打破碗碟,那你就死定了,你的福气造化就全看我妈妈当时手上是毛针还是拨火钳了。有时我端端正正地走在她身边,忽然脖子就挨了一掌,你摸着脖子东看西瞅,搞不清什么理由和原因。隋满芬已经走前面好几步了,匆匆的屁股写满愤怒。我只好猜是不是刚才踢了小石块,可是,鞋子也不是新的啊。

Pour me frapper, ma mère avait encore moins besoin de raisonsque pour eux. Très souvent, les coups pleuvaient pour une raison futile, voire incompréhensible. Par exemple, si tu lui marchais sur le pied avec le talon de tes baskets, elle t’envoyait un coup dans la cuisse avec le rouleau à pâtisserie qu’elle avait à la main ; ou encore, si, à table, il t’arrivait d’éternuer, et que, ce faisant, tu recrachais le morceau que tu avais dans la bouche, Sui Manfen t’envoyait un coup de baguettes sur la figure, et tu te retrouvais en moins de deux avec, sur la joue, deux marques rouges qui se mettaient à enfler ; et si tu cassais un bol ou une assiette, là, tu avais signé ton arrêt de mort, ta bonne fortune dépendait de ce qu’elle avait alors dans la main, un hameçon à plume ou un tisonnier. Une fois, alors que je marchais bien droit à côté d’elle, elle m’a soudain envoyé unebaffe dans le cou ; je me suis frotté en regardant à droite et à gauche, en me demandant quelle mouche l’avait piquée. Mais Sui Manfen était déjà repartie à quelques pas devant, son arrière-train emporté par sa marche rapide exprimant toute sa colère. La seule explication possible que j’ai pu trouver est qu’elle avait buté sur une pierre, mais elle n’avait même pas de chaussures neuves, alors…

 

我父亲欣赏我的聪明,我奶奶疼爱我的机灵,我两个妹妹仰慕我一呼百应*的孩子王气派。但是,我妈妈不这么看。隋满芬是我家、是整个单位大院我唯一的天敌,我似乎生下来的全部意义,就是为她整治和克复所专用的。我妈妈练我的时候,我爸爸不能救,我奶奶也不能救,否则战火会扩大,而且熊熊不息。

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* 一呼百应 yìhū bǎiyìng = 一倡百和 yīchàng bǎihè mobiliser les gens par un seul appel

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Mon père appréciait mon intelligence, ma grand-mère adorait ma vivacité d’esprit, et mes deux sœurs admiraient mon aura charismatique de roi des enfants, mais ma mère le voyait d’un autre œil. Sui Manfen était,de toute la maisonnée et même de toute la courée, mon seul ennemi naturel, dans tous les sens du terme. Quand mamère s’en prenait à moi, ni mon père ni ma grand-mère ne pouvait me sauver, au risque d’élargir le conflit et de s’attirer eux-mêmes ses foudres. 

 

但奇怪的是,我妈妈似乎是个颇有人缘的人。除了我老了才看出她有力量的美貌之外,还有一个我从小就知道的,我妈妈的手巧。我家的蝴蝶牌缝纫机帮助很多邻居缝补过衣裤,单身汉、有家的,我妈妈基本来者不拒有求必应;她能够通宵不睡,为结婚的新人,赶织一件毛衣;单位很多叔叔阿姨的鞋子里,垫的是我妈妈做的鞋垫;来自北方的隋满芬,还会做包子馒头和水饺。在南方,在当时,这简直是奇迹。我妈妈发面功夫高深,豇豆粉丝或者酸菜馅的包子,又大又松、香飘万里;隋满芬的馒头,结合当地人的习惯,放了很多碱,那个黄色的大馒头,我的天,一扒开,会香薰得左右人微微眩晕口水满腔,肚子像公鸡一样叫;水饺我们不轻易做,票肉供应得太少啦,洪小军妈妈在冷冻厂,有几次给我们家弄来一些冰冻猪头肉,我们就包了大白菜猪肉饺子,还送给洪小军家吃了一碗,洪小军妹妹吃得笑眯眯;洪小军吃得呜呜哭,之后,擅自拿着空碗擅自到我家说,还要。

Et pourtant, étonnamment, ma mère était plutôt populaire. A part sa superbe force de caractère que je n’ai appréciée qu’en vieillissant, ma mère avait une autre qualité dont j’étais conscient même tout petit : elle était très habile de ses dix doigts. Les motifs de papillons qu’elle brodait avec sa machine à coudre sont allés orner je ne sais combien de vestes et de pantalons des voisins, célibataires ou mariés ; ma mère ne refusait jamais si on lui demandait quelque chose, elle était même capable de passer toute une nuit à faire un pull pour des jeunes mariés ; c’est elle aussi qui avait fait les semelles des chaussures de beaucoup de ses camarades de travail. Originaire du nord, Sui Manfen savait préparer les pains farcis, les petits pains à la vapeur et les raviolis de chez elle ; dans le sud, à l’époque, cela tenait simplement du miracle. Il n’y avait personne comme elle pour faire lever une pâte ; on sentait à des lieues à la ronde le fumet de ses vermicelles à base de doliques ou de ses pains farcis au chou chinois au vinaigre, gros et bien relevés ; quant à ses petits pains à la vapeur, pour se conformer aux habitudes locales, elle leur ajoutait beaucoup de poudre d’alcali et ils avaient une belle couleur jaune ; au début de la journée, leur senteur donnait une vague sensation de vertige à tout le monde alentour, on se mettait à saliver et on avait le ventre qui criait famine comme le coq au point du jour. Les raviolis, c’était difficile à faire, on n’avait pas assez de viande ; c’est la mère de Hong Xiaojun, qui travaillait dans un entrepôt frigorifique, qui nous apportait de temps en temps de la tête de porc congelée ; ma mère faisait alors des raviolis avec cette viande de porc et le choux blanc des pains farcis, et onen donnait un bol à la famille de Xiaojun ; quand sa sœur avait fini de manger, elle en avait un sourire épanoui aux lèvres, mais lui se mettait à pleurer, alors il prenait son bol vide et venait à la maison nous dire : encore ! 

 

那个时候,住在我们家附近的邻居,都是有福的。只要不是惹我妈妈隋满芬生过气。她会计划好的,轮流来,一次送一两家,一家送一两个,关系密切的,可能有四个,通常是菜包子或者黄色的碱香馒头。要知道,那时面粉有点金贵,都是我们家大米口粮省下来买的。

En ce temps-là, les voisins tout autour de chez nous avaient de la chance, il suffisait de ne pas provoquer la colère de ma mère, Sui Manfen. Avec elle tout était bien planifié, à tour de rôle : elle offrait un jour quelque chose à une ou deux familles, et un autre jour recevait une ou deux choses d’une autre ; elle avait des relations très étroites avec les familles voisines ; même pour quatre personnes, il y avait toujours des pains farcis au chou, ou des petits pains bien jaunes à la poudre d’alcali. Il faut savoir que la farine était à prix d’or, à l’époque, mais, si on en avait, c’est que ma mère arrivait à en acheter en économisant sur nos rations de céréales et de riz.

 

 

   出事的那一天,是周末。前一天晚上,洪小军的妈妈给我家带了一些冻猪脖子肉还有猪皮。她用报纸包着,夹在胳肢窝下,特务一样闪进门来。一进屋就示意我妈妈小声,一边还支楞着耳朵表示隔墙有耳。我妈妈感激得死命压抑自己的声音,表情就变得很夸张。妈妈扭着脸说,哎呀!你们干嘛不留给小军小华吃呢!小军妈妈像特务接头那样低声道,有,我们有。

C’est arrivé un jour en fin de semaine. La veille au soir, la mère de Hong Xiaojun était venue nous porter un morceau de cou de porc surgelé avec de la couenne, emballé dans du papier journal.Tenant le paquet

 

… et parfois on en écrasait une….

sous le bras, elle est entrée en coup de vent, comme un agent secret, et a envoyé un signal à ma mère à voix basse, tout en lui signifiant d’un geste à l’oreille que les murs en ont. Ma mère s’est confondue en remerciements, d’une voix également étouffée.

Tournant la tête, elle s’exclama tout bas : ah, mais vous n’avez rien gardé pour Xiaojun et Xiaohua ! Telun agent secret informant son contact, la mère de Xiaojun lui répondit à voix basse : si, pas de problème.

 

   那个时候,大概因为物质匮乏,好像邻居们送东西都是鬼鬼祟祟、遮遮掩掩的,万一被第三方看见,就很不好意思。送东西的人家会使眼色,要求别声张,受礼的人家,会蹑手蹑脚地表示惶恐不安,万一那家人不谙世事张扬着推辞,对方就会急赤白脸地*低喝:忒!难看不难看!赶紧收起来!

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*急赤白脸 jíchì báiliǎn = 急扯白脸 jíchě báiliǎn  la mine déconfite

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A l’époque, sans doute parce que les conditions de vie étaient très difficiles, offrir quelque chose à un voisin était considéré comme un acte subreptice, supposant des desseins cachés, et il était très embarrassant qu’un tiers s’en aperçoive ; dans ce cas, la personne prise à offrir un cadeauaurait fait un signe de tête pour demander de ne pas l’ébruiter, et celle le recevant serait partie apeurée en rasant les murs ; mais si, contrairement aux usages, celle-ci avait refusé avec véhémence, l’autre aurait pu s’exclamer tout bas : ah, quelle honte, désolé ! Je le remporte vite.

 

       为了避免难看,这样,普通的礼尚往来的活动,家家户户都喜欢派小孩子来完成。一般情况,都是女孩子来承担的。我们家主要是靠我玲珑剔透的*大妹妹。她能把我妈妈交待的外交辞令**复制得惟妙惟肖***,包括语气轻重的拿捏;小妹妹也派过工,但是,她的平衡感似乎有点问题,一次摔破了空碗,一次连烙饼带碗都摔明沟里去了,当然碗也破了。我妈妈气得暴打她一顿,当时她手上拿着纳鞋底的锥子;残暴的出手,迫使我爸爸奶奶联手相救,结果,我爸爸也被锥了一下。小妹妹从此就失去参加礼尚往来的活动的资格了。

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*玲珑剔透 línglóng tītòu finement travaillé (sculpture), d’où : adorable (enfant)

** 外交辞令 wàijiāo cílìng langage diplomatique  *** 惟妙惟肖 wéimiào wéixiào plus vrai que nature

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Pour éviter, justement, ce genre d’embarras, dans les cas ordinaires où l’on voulait faire un petit cadeau de courtoisie, on préférait envoyer un enfant l’apporter, et en général on choisissait plutôt une petite fille. Dans ma famille, on en chargeait en priorité mon adorable petite sœur, l’aînée de mes deux cadettes. Elle savait à la perfection reproduire les termes diplomatiques utilisés par ma mère pour lui expliquer comment remettre le cadeau, et était en particulier capable d’avoir la nuance de sérieux qu’il fallait dans la voix. On avait aussi envoyé la plus petite, quelquefois, mais elle avait des problèmes d’équilibre ; une fois, elle a cassé un bol vide, une autre fois, c’est toute la galette qu’elle portait dans le bol qu’elle a renversée dans la rigole, et bien sûr elle a aussi cassé le bol. Ma mère, furieuse, lui a passé une raclée magistrale ; à ce moment-là, elle avait à la main l’alène pour piquer les semelles des souliers, et il a fallu l’intervention conjuguée de mon père et de ma grand-mère pour sauver ma sœur de son attaque féroce, mais mon père s’est pris lui aussi un coup d’alène. Après quoi ma petite sœur a perdu toute qualification pour ce genre de missions.

 

本来那一天,送包子是我大妹妹的活。但是,我大妹妹有自己的黑名单。凡是上了她黑名单的,她就拒绝前往。据说有些人家的人,惹她厌烦。比如,老洪叔叔家的洪小军——他老爱敲摸她的脑袋;比如老吴叔叔的老婆——她口臭极了,齿龈都鼓着红包,又喜欢呵气说话;比如阿心姑姑家——她的一只手有六个指头,接碗的时候,让我妹难受不安。

Ce jour-là, c’est donc l’aînée de mes deux cadettes qui a été envoyée apporter les pains farcis. Mais elle avait elle aussi sa liste noire et,si le destinataire était dessus, elle refusait d’y aller. Il paraît qu’il y avait des gens, dans certaines familles, qu’elle ne supportait pas. Hong Xiaojun, par exemple, parce qu’il adorait lui tapoter la tête ; ou encore la femme de Wu, parce qu’elle avait une haleine qui empestait et des gencives enflées comme de grosses pustules rouges, mais ne pouvaitvous parler sans vous souffler dans la figure ; et puis il y avait aussi la tante A Xin qui avait six doigts à une main, ce qui révulsait ma petite sœur quand elle attrapait son bol.

 

我大妹妹是我妈妈最宠爱的干将,一贯劳苦功高,所以有资格挑肥拣瘦*。她不干的活我干天经地义。所以,那天,最后一笼大包子好了的时候,我妈妈说,快吃!完了趁热给老洪叔叔家送去。我妈妈说完,拿着草帽就走了。她要去加班送杂志。我奶奶已经用一只大碗扣着另一只大碗给我,说,小心点。烫。奶奶还说,包子倒出来,就把碗赶紧拿回来,不要拿人家东西!我点头。我知道很多人家,讲究空着碗回来不好,要回点礼,最不济的放两块新生姜也好。

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*挑肥拣瘦 tiāoféi jiǎnshòu faire la fine bouche ** 天经地义 tiānjīng dìyì  principe inaltérable

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En règle générale, l’aînée de mes sœurs travaillait dur pour le bien familial, ce qui en faisait la chouchoute de ma mère et lui donnait les qualifications nécessaires pourpouvoir faire la difficile. Et, principe n’admettant aucune exception, ce qu’elle ne faisait pas, c’est moi qui devais le faire. C’est pourquoi, ce jour-là, après avoir terminé une dernière étuvée de pains farcis, ma mère m’a dit : dépêche-toi de manger, quand tu auras fini tu iras chez les Hong leur en apporter un bol. Sur quoi elle a mis son chapeau de paille et elle est partie faire des heures supplémentaires en livrant le journal. Ma grand-mère a pris un grand bol pour couvrir l’autre et m’a donné le tout en me disant : fais attention, c’est très chaud. Puis elle ajouta : laisse-leur les pains farcis, mais rapporte les bols, ils ne sont pas à eux ! J’ai opiné de la tête. Je savais que beaucoup de gens considéraient qu’il n’était pas bien de rapporter un bol vide, qu’il fallait y mettre un petit cadeau, ne serait-ce que deux morceaux de gingembre frais.  

 

我抱着一对扣碗,像抱着西瓜,一路贼贼飞跑。穿过合欢树宿舍楼,来到前座的喜树宿舍楼。靠西头的第二间就是老洪叔叔家。他家也是一个套房,最外面是个大厨房。里面有一张吃饭桌,一排好大的灶台。[灶上有三口大锅,其中一口锅堆放杂物;一口锅管生锈、最外面的一口大锅管煮饭做菜。老洪叔叔在单位比我爸爸的官小一点,总是心事满腹的样子,基本不搭理小孩,但是,也不太管我们。我有一次在他家玩大锅,假想着里面咕噜着一锅红烧猪肉,和洪小华一人一把大锅铲奋力对炒,结果,我把他家的锅打破了,锅耳朵下面三寸地方,有了一个花生大的三角型小洞。洪小华当场挨抽了,她跺脚说是我干的,不赖她。洪小军咧着嘴,帮着她哭;但是,老洪叔叔没有骂我,事后也没有告诉我妈妈。不然我肯定逃不掉一顿暴打。凡是涉及别人家的过错的小孩挨打,很多家长喜欢在家门口、过道、操场等公共地带进行,而且下手都特别狠,故意让我们鬼哭狼嚎地让大家都听见,告慰受害方,以示自己家教严格、管教有方。

对于我来说,他家的锅简直就是三口井,囫囵煮一个我们这样大小的小孩,肯定没有问题。后来,我才知道,他们家养过猪,那么大的锅用来煮猪菜。在我家,我奶奶是不会让我们接触厨房用具的,而且,我们家的锅只有他家一小半大,平淡无奇,激不起任何想象力。不过,即使老洪叔叔家的锅像井,那次把锅玩破之后,我也没有兴趣了。主要还是我烦洪小军那个呆子白痴。]

Je suis parti en courant comme un voleur, en tenant les deux bols comme on tient une pastèque. Je suis allé jusqu’à la rangée de bâtiments bordés de« happy trees » et me suis arrêté à celui de devant. La deuxième porte en partant de l’ouest était celle de la famille Hong. Ils avaient un appartement avec une grande cuisine à l’extérieur. A l’intérieur, il y avait une table à manger et un très grand fourneau.

[suit une description du fourneau, des poêles, avec les détails incidents habituels chez Xu Yigua recréant l’atmosphère familiale]

 

我把大热包子抱进老洪叔叔家,老洪叔叔正要出门。[洪小军和洪小华正在灶台抢锅里的稀饭锅巴。我自己把四个大包子倒他们家桌上,叠好碗就要走。小军和小华立刻丢下锅巴,扑向桌子,被老洪叔叔一手一个捉住。老洪叔叔说,谢谢你妈妈啊。我说我妈说不用客气,就跑了。]

一到家,奶奶还在洗碗。她说,老吴叔叔家怎么说?

我登时傻了。我盯着我奶奶,眼睛不由自主地眨巴。

奶奶说,不好吃?人家说?

我吞了一口不存在的口水,说,你说谁?

奶奶说,老吴家呀!奶奶有点紧张了,她看出问题了。她停下手,轮到她盯着我。我一个转身跑进套间。我的两个妹妹正在一起开表扬会。我问,妈妈刚才说包子送谁家?我大妹妹和小妹妹齐声说,老吴叔叔家!

Quand je suis entré chez eux avec mes bols, leur père se préparait à sortir. [il remercie, et l’enfant repart]

Quand je suis arrivé à la maison, grand-mère était en train de faire la vaisselle. Elle me demanda : alors, qu’est-ce qu’il a dit, Wu ?

J’en suis resté médusé, fixant ma grand-mère en clignant instinctivement des yeux.

Ils n’ont pas aimé, insista ma grand-mère, ils n’ont rien dit ?

J’ai avalé une salive inexistante avant de lui demander : tu as dit qui ?

Mais Wu ! répliqua ma grand-mère un brin nerveuse car elle sentait qu’il y avait un problème. Elle s’arrêta alors de laver sa vaisselle pour se retourner et me regarder. Mais j’ai tourné les talons et filé à l’intérieur. Mes deux sœurs se préparaient justement à un concert de louanges. Je leur ai demandé : à qui maman a-t-elle dit que je devais porter les pains farcis ? Aux Wu ! ont-elles répondu en chœur.

 

[天旋地转。那次之后,我的作文立刻无师自通地学会使用诸如眼冒金星、五雷轰顶气绝身亡等几个成语。奶奶进来,揽过发呆的我。我直愣愣地看着我大妹妹指着自己的脚趾说,你表现很好,我很舒服;她又指着自己小腿说,你们两个也要表扬。最后,她拍拍自己的两个膝盖,说,我要重点表扬你们。去年你们不是这个跌倒、就是那个擦破,害我天天痛,还烂,洗澡都不能好好洗。今年你们多好了,和肚子、脖子一样,爱学习、开会认真,政治水平提高了,我一次也没有跌倒。忍嘚扔嘚扔嘚忍嘚——我妹妹站起来载歌载舞,她对自己的全部很满意,表扬会开得很圆满,我小妹妹也起来伴舞。她们一边对我做鬼脸。

奶奶搂住我悄声说,你送到哪里去了?

老洪叔叔家……

我大妹妹立刻尖叫,是老吴叔叔家!

这猴子精其实根本无心跳舞,她全神贯注在我这里呢。她知道我出大差错了。小妹妹不明就里地跟着大妹妹停了下来。

看妈妈不打断你的腿!大妹妹逼视着我,义正辞严气冲云霄:明明说送老吴叔叔,怎么会瞎送到老洪叔叔家?!大妹妹两手插腰,一副小隋满芬的样子。你知道一斤面粉多少钱吗?!妈妈的话,你也敢当耳边风!看你今天还要不要活!你就等着吧,妈妈很快就要回来了!她不扒你的皮才怪!

大妹妹狗腿子的嘴脸固然可恨之极,不过,她说的话有现实依据,基本可以当成我妈妈风暴的预习。奶奶更是明了隋满芬的厉害,她安慰我说,既然送了就算了。回头我跟你爸爸说了就是。

想得美!我大妹妹断然说,看吧,你们等着瞧吧!她一指我,哼,我看你还是自己找洗衣板先跪下,也许妈妈会下手轻一点。——真是笨得出奇!

小妹妹说,哥哥你穿厚一点。打不痛。

这个时候,大家,包括后来要拯救我的爸爸,都一个思维惯性,我铁定要挨打了,一顿空前绝后的暴打才能让我赎罪让妈妈解恨。万万没有想到,我妈妈竟然只抽了我一个大嘴巴子。

她说——她说,去!马上给我讨回来!

——讨回来??????

——讨?回?来?把送出去的包子?

全家人,包括猴子精的我大妹妹,全部傻呆了。

这个骇世惊俗的解决方案,简直让地球都不能自转,即使全世界的人一起做梦,也未必有一个能想出来!眼冒金星、五雷轰顶、气绝身亡、身败名裂,这类成语奔来眼底,当时我最大的愿望,最强烈的愿望,就是隋满芬暴打我一顿,怎么抽都行,死了算啦。但我妈妈毅然决然的脸色告诉大家,讨回包子是唯一的选择。]

[C’est la catastrophe : l’enfant s’est trompé et n’a pas apporté les pains farcis à la famille auxquels ils étaient destinés. Il s’attend à une sévère correction, mais, quand la mère rentre, elle lui ordonne simplement de repartir les chercher !]

 

 

 

我磨磨蹭蹭地走向洪小军家。

我奶奶、我大妹妹、小妹妹、我爸爸都倚在门边目送我。读过书的人就知道,风萧萧兮易水寒,壮士一去兮不复还*。就是类似这个境界。

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*Citation d’un célèbre poème lyrique, « Le chant de la rivière Yi » (《易水歌》),  tiré des « Stratagèmes des Royaumes combattants », chapitre trois des « Stratagèmes de Yan » (《战国策·燕策三》). C’est le poème que chante Jing Ke (荆轲) en partant assassiner le roi de Qin (秦王) par

loyauté pour le prince de Yan (燕太子) – mission qu’il sait sans retour [2].

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Alors je suis reparti chez les Hong en traînant les pieds.

Appuyés contre le mur devant la porte, ma grand-mère, mes deux sœurs et mon père me suivaient du regard. Tous ceux qui ont quelque culture littéraire savent que, dans des

 

...le héros qui s'en va ne reviendra jamais

circonstances de ce genre, le vent siffle en rafales, les eaux de la rivière Yi sont glacées, et le héros qui s’en va ne reviendra jamais*.

 

一路我是这样盘算的,如果他家把包子吃了——这种可能性极大——我就提也不要提,撒腿就回家复命,暴抽一顿是少不了的,但好歹保全了名节,再不济,怎么说我也是大院同龄人中的孩子王,这种窝囊事传出去,我就不要在大院里混了;如果呢,老洪叔叔家还没有吃——这种可能性基本没——我也只能实话实说了,送错了,我妈妈要我拿回去。这么直言,唉,其实,即使十来岁的我,也很替我妈妈替我们家尴尬,很不好意思,另外,我觉得特别对不起老洪叔叔家。我不明白我妈妈隋满芬怎么可以这么想问题。人家老洪叔叔会怎么想呢。临近洪小军家,我才切骨感到,索回包子,比我在家里想象的,还要恐怖一万倍。这真是一个非人折磨的疯狂方案。

[en chemin, l’enfant réfléchit à ce qui va se passer maintenant, soit la famille Hong a mangé les pains farcis, soit elle ne les a pas mangés – dans les deux cas sa situation est dramatique….]

老洪叔叔家里只有洪小军一个人。他就坐在餐桌上,一瓢瓢喝着什么灰溜溜的菜汤,流出来的黄绿色鼻涕粘在瓢羹上,每一次舀汤,鼻涕就吊桥一样拉长。我扭过头,去看他家的菜橱,也没有包子。桌子上没有、菜橱里没有,锅里也没有!看来是吃掉了。

我说,包子呢?

[quand il arrive, il n’y a que Hong Xiaojun, assis à la table, la morve au nez – et de petits pains nulle part. Et les petits pains, demande-t-il à l’idiot ?]

洪小军一听就呜呜哭了。很讨厌他的哭相,为什么他非要把嘴巴上下唇错开来哭呢。我熟练地进屋,找来一张草纸,给他抹掉恶心我的鼻涕。

别哭啦。我说,包子呢?我前面送来的包子?

洪小军抬头看天花板。那里吊着两个篮子。还有几包东西,一捆细铁线扎的,看得出来是干茅草根笋干之类的干货。两个篮子中的一个,有点干净,像是食品篮。我估计包子在那里面。我奶奶怕东西坏,要不吊起来通风,要不浸井水里降温,那时,生活老练的人,都这样存放东西。

包子在上面?

洪小军点头。过去的房顶高,我个子小,站在凳子上,还差得很远,即使踮脚触到了篮子底,也无法让篮子脱钩。我搬了个木凳子,跟洪小军说,上去拿。洪小军猛烈摇头。不知道他是不敢爬,还是害怕大人骂。我执意要他上去,他扯着嘴,又想哭了。我只好不再推他。这样看来,包子还在,我妈妈再抽我的可能性倒是变小了。

我坐在洪小军对面,手支着脑袋等他爸爸。我们之间隔着饭桌。他又开始兴致勃勃地喝汤,鼻涕也探头探脑地想喝汤。

[l’idiot ne répond pas, mais lève la tête vers le plafond, il y a deux paniers accrochés en hauteur, les petits pains sont peut-être là, mais l’enfant est trop petit pour les attraper, même sur un tabouret, et l’autre ne veut pas grimper dessus, il se met à pleurer. Alors l’enfant s’assoit en face de lui à la table, et attend que son père rentre]

我说,你爸爸什么时候回来?

洪小军这下没有再哭,而是笑了一下,笑得黄绿色鼻涕在鼻孔那里吹出一个泡。我掉开头,不看他,抬头盯着那个高高在上的吊竹篮。老洪叔叔到底去哪里了呢,洪小华也疯到哪里去了呢,她在就好了。不过,她可能更不让我把包子拿回家。这个事情只有大人才能决定,搞不好以后两家就断交了。我在他家痛苦地转悠。最后趴在他们家饭桌上,唉,我真是愁肠百结,怎么说,隋满芬都是一个太奇怪的女人。

——我为什么偏偏就听错了呢!

[l’idiot s’arrête de pleurer, se met à sourire, sa morve fait une bulle…. L’enfant attend en songeant….]

洪小军家的灶间,有个劈柴墩,旁边是劈一半的柴火。想了想,也是百无聊赖,我站起来劈柴玩。斧头很锋利,可是我瞄不准,总是劈歪。劈了十多块以后,我有了感觉。人小力气差一点,每一块大柴火,我都要劈它三四下。很快我就汗如雨下了。这时,有一个美好念头出现了:假如,我劈一半的时候,老洪叔叔进来,看到我劈的小山一样的柴火,会不会一感动,就不太介意我把包子拿回去了?这么一想,我豁然开朗。学着大人,往手心里狠狠吐一口唾沫,手里的斧子大起大落地大干起来。那个时候毕竟小,我不知道我在拼命履行我小小补偿愿望。

呆子爬下饭桌,忽然过来把手臂伸进斧头区。吓得我一收手,差点跌倒。呆子说,不劈。做钓鱼线。

[l’enfant voit la réserve de bois, et se dit que couper une pile de petit bois lui vaudrait la reconnaissance du père Hong… mais l’idiot tend la main pour lui prendre la hache – frayeur – mais lui dit juste : arrête, et fais-moi un fil de pêche]

我不明白洪小军这白痴在说什么,但是,我很耐心地听,我今天绝不得罪他,绝不伤害他。我要让他高高兴兴。我让他再说。他说,毛毛虫。我要钓鱼。

我还是不明白。呆子用手臂横擦了一下探出鼻孔的鼻涕,我恼恨地扭开脸,说,你到底要干什么呢?

洪小军指着我的短裤,不然,游泳。

[l’enfant ne veut pas le contrarier, lui demande de répéter, l’idiot dit : des chenilles, pêcher. … aller me baigner

这个我懂。我们城墙下就是护城河,大院的孩子夏天都会下水。我们偷过学校很多新红领巾,我偷偷用我妈妈的蝴蝶牌缝纫机,给大家做了好多条红色的游泳裤。一时之间,护城河里兜着红屁股游泳的,都是我们的人。虽然十多岁,我的手艺相当好。很多孩子的父母,都不相信那是我的作品。洪小军向我要过红领巾游泳裤,我根本不理睬这个呆子;他妈妈也向我要过,我推说他屁股太大,一溜烟跑了。没想到这个呆子,居然还记得这件事。

我又比又划地跟他耐心说,一是,他是大人的屁股,兜不住;二呢,我现在没有多余的红领巾。以后,等他积了四条,我再想想怎么帮他做。呆子听了严肃点头。可是转身他又说,游泳。

我发现我的劈柴的手心火辣辣的,拿起细看,红色手心里起好几个水泡。抬头,我眼巴巴地久久地看着吊篮。我又搬过一把大椅子,哄洪小军站上去,我说,看他能不能够着吊篮。呆子一下就识破了我的用心。他说,毛毛虫,钓鱼呀。他竟然拉我出门,要走。

[il y a en effet une rivière qui passe au pied du mur d’enceinte de la ville, les enfants vont s’y baigner l’été, l’enfant leur a fait des maillots de bain avec des foulards rouges subtilisés à l’école et cousus avec la machine à coudre de sa mère. Sauf l’idiot, parce qu’il est trop gros…l’enfant explique patiemment qu’il n’a pas assez de foulards pour le moment, mais l’autre insiste : veux me baigner… et il tire l’enfant pour sortir… qui lui ne pense qu’à attraper le panier…]

 

我不走。洪小军兴奋地比划着,忽然我明白了。太恶心了!我知道他要干什么,我看过有大人这样干过,把食指肥的毛毛虫剖开,从里面抽出棉线一样的肠子,可能有一两米,白白的,晒干后,大人说是用那个做的钓鱼线,特别好,在水里没有影子,鱼就很会上钩。

大人蹲在地上搞这个名堂的时候,我都远远走开。其实,我一想到他们用电工刀,划破毛毛虫肥软肚皮的时候,我就胃部痉挛欲呕。洪小军把他的大手,坚定地搭在我肩上,说,毛毛虫。钓鱼。

J’ai résisté. Mais j’ai soudain compris ce que Hong Xiaojun avait en tête, qui l’excitait tant. Vraiment trop écœurant ! J’ai vu des tas de gens le faire : ils ouvrent le ventre dodu des chenilles, et ils en tirent des entrailles qui ressemblent à du fil de coton ; cela peut faire un à deux mètres, c’est blanc, et, une fois séché au soleil, les adultes disent que c’est idéal pour faire du fil de pêche, c’est invisible dans l’eau, les poissons se font prendre très facilement. 

Quand je voyais des adultes accroupis, occupés à faire ça, je filais aux cinq cents diables. Il me suffisait de les imaginer leur canif à la main, entaillant la peau du ventre mou des chenilles, j’avais aussitôt l’estomac révulsé et envie de vomir. Mais, sa grosse main fermement posée sur mon épaule, Hong Xiaojun me répétait : chenilles, pêcher.

我不想离开我的包子。我不能够去找毛毛虫,更不能够给毛毛虫开膛取肠。我像傻瓜一样,扒着门框和洪小军角力。那呆子力大无穷,差不多要把我抱起来。我说,你帮我把包子取下来,我给你一条红领巾游泳裤。

洪小军说,钓鱼。毛毛虫!

你不要红领巾游泳裤了吗?

呆子说,毛毛虫!钓鱼!

[c’est l’impasse… rien n’y fait, l’idiot n’est même plus intéressé par le maillot de bain …]

 

他兴奋得呼呼笑。我说,好吧,我们走。你敢不敢拿?

洪小军凝重点头。我说,我们拿一条到你家门口,再破肚子取线,好不好?

呆子点头。我们就出门了。昨夜大雨,大树底下要找几条肥腻的绿指头,不是问题,问题是我对我自己毫无信心。我不想叫我的手下来干,我甚至不希望路上遇见他们,否则我都无法向老洪叔叔开口要回包子。因为我觉得我妈妈的吓人想法绝对是丑闻,是一件极其丢脸的糗事。事关江湖名声。

在灯光球场上,有一些绿毛毛虫的肥硕尸体,不知是车压还是人踩的,内脏绿绿白白的一大推。身子却干瘪像层绿皮。我和呆子走到球场边的草地上,哔就,呆子的大脚下,就响了一声,我跳起来,呆子也笨重地跳起来,妈的,原来他也怕得要命。我跳起来的时候,就发现雷公草从里,卧着好多条绿色的大毛毛虫。我浑身的毛孔立正一样,刷地全部炸起来。我克制不住的颤抖。后来我一直不能吃海参,我觉得满地那些比指头还要肥长的、毛刺刺的毛毛虫,晒干泡水就是海参的样子。

就像在雷区一样,我不敢再迈步。我对洪小军喊,你快拿一条啊!

呆子扭着嘴巴,直瞪瞪地看我,又绝望地看看毛毛虫。

[alors l’enfant cède, en disant à l’idiot qu’ils vont ramasser des chenilles et les rapporter chez lui pour leur ouvrir le ventre. Comme il a plu la veille, aucun problème pour trouver des chenilles par terre … mais l’enfant ne veut pas les ramasser lui-même….]

 

我说,你快拿呀,我们去你家取肠子!

呆子想哭了。难怪他要我干这事!我已经胃部痉挛要吐了,可是,我害怕洪小军哭,他哭起来,声音很大,而且像刮大风那样呜呜得令人发慌。我只好就地捡了根细树枝,折成筷子。颤抖中,我左看右看,选了一条我确定死掉的。夹起来的时候,它软软的,没有动,可是,我的手在抖,腮帮子一阵酸水涌涨,我哇地吐了一口。

我一路抖抖索索地把那条毛毛虫弄到了洪小军家门口。我们俩蹲在台阶下。洪小军不知为什么,一定要我进厨房开膛取肠。可能是怕别人觊觎他的宝贝。我的胃部在强烈痉挛,这么近距离、这么长时间地和毛毛虫在一起,我几乎崩溃。我也一阵阵想哭,我恨我妈妈。恨到极点。我不知道如何开刀,弄出虫肠,更主要的是,我一直在颤抖。我估计我没有办法拿起刀子。傻瓜往我手里塞了一把很长的西瓜刀。

[mais l’idiot ne bouge pas… l’enfant veut surtout éviter qu’il se mette à pleurer, il fait tellement de bruit, cela ameuterait tout le quartier… donc il casse deux branches pour ramasser une chenille morte, tremblant et vomissant… mais arrivé chez lui, l’idiot veut qu’il ouvre tout de suite le ventre de la chenille…. Description des sentiments de l’enfant…]

 

这个时候,厨房门口进来的光线暗了一下,有人进门了,是洪小军妈妈。紧跟着,我的耳朵响起厉声刺耳的尖叫。是他妈妈对刀,对刀边的我和他傻子儿子的猜疑,起了剧烈的反应。

我迫不及待地说,包子!我家的包子我送错了。

洪小军妈妈看着我。我抬头看他们家吊篮,我说,我妈妈要我拿回去。

洪小军的妈妈眼珠子,真的从眼眶里掉了出来。我当时就那个感觉。洪小军的妈妈根本不相信我说的话,我也知道我的话,大概超越了人类想象极限。她可能觉得我领着呆子干恶心邪恶的坏事,或者正欺负她儿子。看出这一点,我语无伦次,我说,真的,妈妈要我把包子拿回去。我前面送来四个。

[mais juste à ce moment-là arrive la mère de Xiaojun. L’enfant se précipite pour lui demander les pains farcis, l’autre le regarde l’air ébahi… c’est ma mère qui l’a dit, je vous en ai apporté quatre mais je me suis trompé …]

洪小军的妈妈盯着我,努力消化我的话。她艰难地说,没有了,吃掉了。

我一下就抬头看头顶上的吊篮。我不能理解和相信她的话,但是,我觉得够了,可以结束了,这个白日噩梦。我转身飞也似地逃出她家。

我听到后面又是凄厉尖叫,应该还是呆子妈妈。也许她又看到我们扔在地上的绿肥食指毛毛虫,也许想到其他什么要命的东西。

[on a tout mangé, dit la mère… l’enfant part, son cauchemar terminé… il entend derrière lui un cri strident, sans doute la mère qui a aperçu la chenille morte…]

 

 

那天晚上,我肯定是挨了打。但是我已经忘了打得有多壮烈。我只记得我大妹妹为了拯救我,自告奋勇前仆后继地说,她再去讨包子,因为她相信包子还在吊篮上面。我爸爸尖叫着制止了她。后来我听说,那天,老洪叔叔所以不在家,是他妈妈,也就是洪小军奶奶,在医院抢救,什么病不知道,反正他奶奶那天没有抢救过来,就死了。

[l’enfant ne se souvient plus de la correction qu’il a reçue, mais se souvient de ce que sa sœur lui a raconté : la mère est revenue chercher ses pains, persuadée qu’ils étaient dans le panier, mais ce jour-là, si le père n’était pas là, c’est que la grand-mère avait été hospitalisée d’urgence, et elle était morte]

 

Un cauchemar de chenille

 

慢慢地,我和我的妹妹们都长大了。我大妹妹有一次误诊乳房癌又平反之后,在医院住院部惨淡的阳光中对我说,怎么会乳房癌呢,应该是皮肤癌才对,因为我在梦里老是觉得自己皮肤下面,爬满了毛毛虫,每次在梦里噼里啪啦地自己扑打把自己打醒了。

[grand, il continue à faire des cauchemars de chenilles]

奇怪的是,我妈妈隋满芬根本不记得我们小时候大院里的毛毛虫。她说,哪棵树下没有毛毛虫啊!我说,那种像食指一样粗大的绿色毛毛虫,你不记得了吗?她说,有啊,但不是在我们大院。我在外面送信有看到过。很恶心。

[mais sa mère ne s’en souvient pas, elle pense que ce devait être dans la cour à côté qu’il y avait des chenilles]

我妈妈更矢口否认她让我去别人家讨回包子一事。她说荒唐!因为她遗忘,我就努力帮她回忆。她很厌烦。有一次,我们再次就此争辩,她气得笑起来,笑得很哀伤,她对客人说,小孩子的记忆,真是千奇百怪!客人说,是啊,要不怎么说小孩子可爱呢,他们是最有想象力的。客人笑着看我,现在让你想象也想象不出来了吧?

我说,我不是想象,是真的。

[sa mère ne se souvient pas non plus l’avoir envoyé chercher les pains, dit qu’il l’a imaginé …]

我奶奶和父亲都死了,我小妹妹从来都两眼茫然说不记得了,大妹妹呢,每次都表情复杂,你根本看不出她是同情我还是同情我妈妈。那次,她死里逃生在惨淡的阳光里说到毛毛虫,我说,小时候妈妈逼我去老洪叔叔家讨回包子的事,你真不记得了?

好像……有这回事吧……大妹妹说,可是,妈妈说没有,我觉得也对,怎么可能呢,也许,你把小时候的一个梦当成真的,记忆下来了。大妹妹说,说真的,你小时候坏人坏事实在太多了……要我们每件事都记住,是不可能的。

[réflexions finales sur la mémoire et les souvenirs]

 

Nouvelle publiée par Xu Yigua sur son blog en janvier 2012

 

 

[1] Il s’agit de toute évidence de chenilles urticantes du genre chenilles processionnaires, dont les poils urticants, projetés lors de toute agression, peuvent provoquer d’importantes réactions allergiques, mais aussi de graves troubles oculaires ou respiratoires.
Ironie de l’histoire, Le Monde annonçait dans un article du 1er août 2015 l’arrivée de ces chenilles urticantes dans la région parisienne, en des termes justifiant la terreur décrite par Xu Yigua !

[2] C’est le sujet de l’une des « Biographies d’assassins » (刺客列传) des « Mémoires historiques » (《史记》) de Sima Qian (司马迁).

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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