Poèmes

 
 
 
     

 

 

Expression de la gratitude

Poème de Meng Jiao

par Brigitte Duzan, 16 mai 2020 

 

谁言寸草心,报得三春晖 [1]

         Le cœur d’un minuscule brin d’herbe,

pourra-t-il jamais payer sa dette envers le soleil du printemps ?

 

Ce vers est la conclusion d’un célèbre poème de Meng Jiao (孟郊, 751-814), « La balade du voyageur » (《遊子吟》), souvent cité comme très belle expression symbolique de la gratitude d’un fils envers sa mère.

 

Né en 751, Meng Jiao a vécu au moment où la dynastie des Tang a commencé à décliner. 751 est l’année de la bataille de Talas, défaite des Chinois contre les Abbasides qui marque la fin de l’expansionnisme vers l’ouest de l’empire des Tang. Puis la fin de l’année 755 est marquée par le début de la rébellion d’An Lushan (安禄山), ouvrant une période de huit ans de chaos (安史之乱), jusqu’en 763. Mais le pays était en grande partie dévasté.

 

La balade du voyageur

 

Meng Jiao vécut de nombreuses années dans divers endroits du sud de la Chine avec des moines bouddhistes, puis alla s’installer vers l’âge de quarante ans à Luoyang où il se joignit à un groupe de poètes. Cependant, il vivait dans la pauvreté. Poussé par sa mère, il passa donc les examens impériaux, en 796, et obtint un poste à Liyang (溧阳), dans le Jiangsu, ce qui améliora un peu son ordinaire. Mais, comme il passait ses journées à écrire de la poésie, on lui retira la moitié de son salaire…

 

Ses poèmes sont du style yuefu (乐府,) comme les grands poètes de la dynastie des Tang, et la plupart avec cinq caractères par vers. Ils ont le plus souvent pour thème la pauvreté, le froid et la misère. « La balade du voyageur » est sans doute le plus célèbre des quelque cinq cents poèmes qui nous restent de lui.

 

En septembre 1992 a eu lieu à Hong Kong une manifestation intitulée « Mes dix poèmes Tang préférés ». « La balade du voyageur » est le poème qui a obtenu le plus grand nombre de votes : il est arrivé premier.

 

Il commence par deux premiers vers qui sont un hommage du fils qui va partir au cœur compatissant de sa mère qui lui a tissé des vêtements en prévision de son voyage. Le dernier vers célèbre est une manière symbolique de traduire le souci du fils se demandant comment il pourra témoigner sa « gratitude » envers sa mère.

 

 

《遊子吟》        La balade du voyageur 

 

慈母手中线,游子身上衣。  Fil en main, la mère au grand cœur,

                                  Coud de quoi vêtir son fils voyageur.

临行密密缝,意恐迟迟归。  Points de plus en plus serrés, imminent est le départ,

                                  Crainte d’attendre longtemps avant de le revoir.

谁言寸草心,报得三春晖。  Comment le cœur d’un minuscule brin d’herbe

                        Pourra-t-il payer sa dette envers le soleil du printemps ?


 

[1] 春晖 chūnhuī le soleil du printemps, souvent pris comme symbole de l’amour maternel.


 

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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