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La littérature chinoise au
vingtième siècle
III bis. Haipai
/Jingpai ou le dualisme en littérature : Explications
par Brigitte Duzan, 9
octobre 2010
3. Le jingpai
Le jingpai
s’est manifesté en réaction au haipai, à
partir de la polémique lancée par
Shen Congwen (沈从文)
en
octobre 1933, dans son fameux article paru dans le
Dagongbao (1) où il vitupérait le côté bassement
commercial du monde littéraire de Shanghai.
Les deux clans,
érigés ensuite en ‘écoles’ (派),
se sont ainsi peu à peu figés dans une antinomie
irréductible alimentant les idées toutes faites : à un
haipai synonyme de vulgarité citadine, débridé et
licencieux, répondant un haipai ancré dans le
passé rural, sérieux et élitiste.
L’opposition
entre les deux courants a été définie par
l’écrivain Yao
Xueyin (姚雪垠)
(2) en une phrase qui résume bien son aspect caricatural
: « Le
haipai a un côté aventurier, voyou et prostitué,
tandis que le jingpai a un côté rétro,
gentilhomme et marchand d’antiquités. » |
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Yao Xueyin (姚雪垠) |
Le jingpai a
pourtant constitué un mouvement moderniste des plus
intéressants. Il s’agit donc de revoir quelques idées
préconçues.
Des gentilshommes rétro
Foi dans la nature
et la beauté originelle
Il est difficile de
définir le jingpai comme une ‘école’ proprement dite, les
auteurs qui s’y rattachent, ou que l’on y rattache, ayant des
visions, des styles et des caractéristiques très divers. Il
est cependant une image qui s’impose immédiatement lorsqu’on
parle de jingpai : celle d’écrivains perdus dans le rêve
d’une Chine à l’âme
rustique, dont le mode de vie modelé par des siècles de vie
rurale représente le type idéal, chacun en appelant à ses
souvenirs personnels pour évoquer, avec la nostalgie qui sied,
le charme de son bout de terroir, et, partant, de la campagne
en général.
Fei Ming
(废名) |
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Cette image,
fondée sur l’opposition campagne/ville (“乡土”与“都市”),
tient bien sûr à
Shen Congwen,
immortalisé comme « écrivain du terroir » (乡土作家),
dont on a fait
la figure de proue du jingpai. Mais il n’est pas
le seul. Lui-même s’en réfère souvent à celui qu’il
considère comme son maître, Fei
Ming (废名), et dont on a fait le « premier ancêtre » (鼻族)
du jingpai : un personnage décrit comme un
excentrique, vêtu de la longue robe traditionnelle, avec
une coupe de cheveux monastique et l’air d’un moine
errant. Or l’image courante de Fei Ming est celle d’un
auteur dont les œuvres, situées dans une campagne
idéalisée et écrites dans un style proche de la poésie
classique, sont empreintes d’un « lyrisme pastoral » ("田园牧歌风格")
devenu l’un des traits caractéristiques du jingpai.
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Il y a là une
idéalisation de la campagne chinoise chantée
comme une Arcadie
idyllique, un éden terrestre, avec, comme dans la poésie
classique, parallélisme entre sentiments et paysages, fondé sur
l’harmonie entre l’homme et la nature. Même quand les écrivains
du jingpai prennent des sujets urbains, cet esprit n’est
jamais totalement absent ; dépassant le cadre limitatif de
l’époque et se libérant ainsi de la réalité, de ses contraintes
et de ses tensions, ils tendent vers une méditation générale sur
la vie et sa beauté. Même quand ils mettent en scène des
citadins, ceux-ci gardent la marque de leurs origines primitives
et la nostalgie du passé rural dont ils sont issus, les femmes
en particulier, incarnations de la nature face à la culture,
force urbaine, négative et destructrice.
Recherchant la source
de toute beauté, et de la vérité ultime, dans une image épurée
des origines et la simplicité de la vie courante, incarnée par
le « monde du Xiangxi » (“湘西世界”)
qui était le sien,
Shen Congwen y voyait l’espoir d’un renouveau
pour la Chine déchirée et meurtrie de son époque, mais, bien
plus encore, un idéal humain : il
disait élever « un petit temple à la nature humaine », un
petit temple grec, précisait-il pour bien montrer son
universalité (人性的“希腊小庙”).
Un tel idéalisme
représentait évidemment une tendance hétérodoxe dans le contexte
idéologique de
l’époque, et c’est cela
qui a conduit à la condamnation du jingpai comme
rétrograde. Mais ce qui apparaît comme conservatisme est en fait
une réaction aux contingences historiques et cache un modernisme
très original.
Traditionalistes par
contingence historique
Il faut en effet
considérer le contexte, historique et culturel, dans lequel est
né le jingpai pour apprécier à leur juste mesure les
critiques dont il a été l’objet et les relativiser.
Toute l’histoire
culturelle moderne chinoise a été façonnée par la pensée dite
« du 4 mai » (3), sa contestation des fondements de la culture
chinoise et sa fascination des modèles occidentaux, mais qui fut
très vite politisée. Pendant toute la période qui suivit le 4
mai, c’est-à-dire en gros les années 1920, dans une ambiance
d’anti-traditionalisme triomphant, les « occidentalistes »
stigmatisèrent les tenants de la culture traditionnelle accusés
de conservatisme. Le modernisme était assimilé au projet
progressiste du 4 mai, avec quelques ambiguïtés, certes, mais
selon une idée dominante : la modernité ne pouvait provenir que
de l’Occident.
Dans ce cadre, Pékin
émergea comme emblème culturel opposé à la fois à
l’occidentalisme du 4 mai et au mercantilisme du haipai.
Les écrivains du jingpai étaient il est vrai, pour la
plupart, viscéralement attachés à leur coin de terre d’origine :
Shaoxing (绍兴)
et le Zhejiang
pour Zhou Zuoren (周作人),
Huangmei au Hubei (湖北黄梅)
pour Fei Ming (废名),
Qixian au Henan (河南杞县) pour
Lu Fen (芦焚ou
Shi Tuo 师陀), ou encore Fenghuang au Hunan (湖南凤凰)
pour
Shen Congwen (沈从文).
C’est de là
qu’ils ont tiré les
fondements de leurs conceptions esthétiques centrées sur le
local comme lieu culturel privilégié et idéalisé.
Mais tous ces
écrivains étaient venus étudier à Pékin, y étaient
restés vivre et y publiaient. Or cette ville, qui était
déjà la « vieille capitale » opposée au centre financier
et cosmopolite qu’était Shanghai, se vit alors reléguée,
de par les circonstances historiques, dans une position
marginale, et donc d’autant plus symbolique. Elle était
en effet, au début des années 1920, contrôlée par les
chefs de la clique du Zhili qui, en novembre 1924,
nommèrent Duan Qirui (段祺瑞),
un commandant de l’armée de Beiyang (北洋军),
‘chef exécutif’
du gouvernement provisoire de la République de Chine.
Pour mater une
opposition de plus en plus virulente et renforcer son
pouvoir, celui-ci se lança dans une série de purges,
dont le massacre sanglant du 18 mars 1926 qui coûta la
vie, entre autres, à Li Dazhao, l’un des fondateurs du
Parti communiste. En même temps, le régime traversait
une crise fiscale qui
l’empêcha de payer pendant plusieurs |
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Duan Qirui
(段祺瑞) |
mois les salaires des
enseignants des universités de Pékin. Les intellectuels pékinois
avaient commencé dès 1924 à partir à Shanghai ; la crise
financière couplée au chaos politique et à la chasse aux
sorcières déclenchées par Duan Qirui finit par entraîner un
véritable exode des intellectuels vers le Sud.
Shanghai éclipsa alors
Pékin même sur le plan culturel. Et, lorsque la capitale fut
transférée à Nankin en 1928, et que Pékin fut rebaptisée Beiping
(北平),
elle ne fut plus
que l’ombre d’elle-même. La violence qui y régnait décourageait
en outre les intellectuels qui y restaient de s’engager dans un
domaine politique miné. La ville fut plus que jamais le symbole
du calme et de la douceur de la Chine rurale, considérés comme
d’autant plus précieux dans le contexte du moment, et donc le
lieu emblématique privilégié d’un rêve traditionaliste empreint
de lyrisme qui devint la marque du jingpai.
Shu-mei Shi |
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Derrière cette
apparence, cependant, se cache une réalité beaucoup plus
profonde : un modernisme tout aussi cosmopolite que
celui affiché par Shanghai, mais cherchant à intégrer
harmonieusement les cultures littéraires chinoise et
occidentale, ce que la spécialiste – entre autres – du
jingpai, Shu-mei Shi, a appelé « modernité sans
rupture » (4). |
Modernité sans rupture
Contrairement à
Shen Congwen, tête de proue du jingpai,
qui n’a jamais réussi à apprendre une langue étrangère et n’est
sorti de Chine pour la première fois qu’en 1980, beaucoup des
intellectuels du jingpai avaient fait leurs études à
l’étranger, et leur connaissance approfondie la littérature
étrangère de l’époque influa de
manière décisive sur leurs conceptions esthétiques, mais,
contrairement aux occidentalistes iconoclastes du 4 mai, sans
oblitérer l’importance pour eux de leur enracinement dans la
culture chinoise. D’où la notion de modernité « sans rupture ».
Critique de la
modernité occidentale
Ici encore, le contexte
historique a joué un rôle déterminant. Ce sont les ravages
causés par la Première Guerre mondiale qui ont convaincu
certains intellectuels chinois qu’il était nécessaire de
procéder à une réévaluation critique de la modernité
occidentale, à un moment où elle était devenue en Chine la
condition sine qua non du progrès.
C’est sans
doute Liang Qichao (梁啟超),
le grand
réformateur de la fin des Qing, qui fut déterminant dans
cette nouvelle approche plus distanciée de l’Occident.
En février 1919, il partit pour un long voyage en
Europe d’où il ne revint qu’en mars 1920, publiant alors
ses « Impressions de voyage en Europe » (《欧游心印录》) :
des scènes de dévastation laissées par la guerre il
tirait la conviction que l’Ouest s’était
fourvoyé dans sa poursuite à tout va des idéaux de
progrès fondé sur la raison, la science et
l’individualisme, celui-ci menant au culte du pouvoir et
de
l’argent, et
débouchant in fine sur le militarisme et la guerre ; il
était bon, dans ces conditions, de ne pas le suivre
aveuglément.
Dans le même
temps, la modernité occidentale était critiquée de
l’intérieur, par des philosophes comme Bergson, Rudolph
Eucken ou Bertrand
Russell.
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Liang Qichao
(梁啟超) |
Liang Qichao rencontra personnellement les deux
premiers et fut influencé par leur analyse des limites du
matérialisme, et de la nécessité de lui insuffler une certaine
dose de spiritualisme. Pendant son voyage, il eut de multiples
contacts avec des intellectuels et des journalistes, tous
pessimistes quant à l’avenir de la civilisation occidentale
après la guerre, et qui, cherchant une issue à la crise qu’elle
traversait, étaient prêts à voir dans la culture chinoise un
possible remède à leurs maux.
Bian Zhilin
(卞之琳) |
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Cela remettait bien sûr
en cause la prétention à l’universalité de la civilisation
occidentale (5) et incitait à un réexamen de la culture chinoise
qui acquérait dès lors une nouvelle légitimité. Le retour vers
la tradition
n’était donc
pas retour conservateur vers un passé idyllique, mais
réexamen de la tradition pour mieux aller de l’avant, mouvement qui
s’accompagna d’une tentative de restauration
néo-traditionaliste du confucianisme, sous l’égide de
Liang Shuming (梁漱溟).
L’essence du
jingpai est là : non dans un rejet de la culture
occidentale ou de la tradition chinoise, mais dans un
effort de synthèse harmonieuse des deux,
Fei Ming en étant
l’image
emblématique, avec son style fondé sur la « médiation
mutuelle » entre l’Occident et l’Orient, image
synthétisée dans un souvenir du poète du jingpai
Bian Zhilin (卞之琳):
« Lorsque je suis entré à l’université de |
Pékin, le
bruit courait
qu’il avait écrit ses épreuves d’examen d’anglais avec
un pinceau chinois. »
Ecrire l’anglais
avec un pinceau chinois
Opposé au
radicalisme pro-occidental de la pensée issue du 4 mai,
un courant de pensée fondé à la fois sur la tradition
chinoise et l’humanisme occidental se développa alors,
principalement autour du groupe de la « Revue
critique »
(《学衡》),
dont Mei Guangdi (梅光迪)
et Wu Mi (吴宓),
tous deux formés à Harvard ; dans un article publié dans
le premier numéro de la revue, en janvier 1922
(« Critique des adeptes de la Nouvelle Culture »《评提倡新文化者》),
Mei Guangdi exposait les bases de cette pensée :
il fustigeait les occidentalistes pour leur connaissance
superficielle et artificielle de la culture occidentale,
et leur fascination béate à son égard qui leur faisait
rejeter en bloc leur propre culture, et affirmait au
contraire que le meilleur de la culture occidentale, en
l’occurrence la culture grecque (et l’on pense à
Shen Congwen et
à son « petit temple grec »), était compatible avec le
meilleur de la tradition chinoise, soit le confucianisme
et le bouddhisme. |
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Mei Guangdi
(梅光迪)
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La modernité devait
être une création hybride ; pour cela, il fallait d’abord que
les Chinois retrouvent leur confiance dans leur culture propre,
et dans une tradition qu’il s’agissait de redécouvrir afin d’en
faire la base d’une nouvelle culture en ouvrant le local sur
l’universel, et en supprimant, du fait, tout présupposé
contradictoire entre les deux, l’universel se nourrissant
d’apports venant de tous horizons.
Zhou Zuoren
(周作人) |
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Les écrivains
du jingpai reprirent cette idée, pour faire du
‘local’ la base d’une nouvelle littérature à vocation
universelle, en la coupant des conceptions
utilitaristes, et en particulier nationalistes, propres
à la littérature du 4 mai. Ce nouveau courant est
personnifié par l’évolution du frère de
Lu Xun, Zhou
Zuoren, qui s’éloigna alors de son frère et des
intellectuels du 4 mai, et se retira dans une sorte de
tour d’ivoire d’où il exprima sa désillusion et ses
nouvelles aspirations : « [la littérature du 4 mai]
était trop abstraite, universaliste, normative et
incapable d’exprimer l’individualité avec fidélité et
avec force […]. Notre souhait est d’abandonner
ces chaînes que nous nous sommes imposées, et
d’exprimer librement l’individualité issue du sol. »
(6)
Dès lors, les
diverses cultures et expériences locales
n’étaient plus
considérées dans leur singularité temporelle,
|
qui les exposait à
être rejetées comme rétrogrades et obsolètes, mais comme des
représentations locales, c’est-à-dire spatiales, donc originales
dans un temps cyclique : ouvertes à recréation permanente, en
fonction de la personnalité de chacun. Shu-mei Shi souligne à
cet égard qu’il s’agit d’un courant de « littérature de
l’expression personnelle » qui reparaît régulièrement dans
l’histoire littéraire chinoise dans les périodes où le pouvoir
politique est éclaté, et le gouvernement central affaibli. Zhou
Zuoren lui-même prenait pour référence la période de la fin des
Ming.
L’esthétique du
jingpai passait donc par un approfondissement du concept du
‘local’, une « poétique du lieu » mettant l’accent sur l’esprit
qui lui est propre. C’est dans ces conditions que s’est créée
une littérature d’une modernité authentique et d’une esthétique
très spécifique.
Esthétique syncrétique
C’est à la fois
au contact de la littérature occidentale et en référence
directe à la tradition classique chinoise que s’est
créée la base essentielle de l’esthétique propre au
jingpai,
l’écrivain
déterminant dans ce contexte, outre
Fei Ming, étant Zhu
Guangqian (朱光潜).
Zhu Guangqian
était un lettré d’une extraordinaire érudition qui avait
reçu une éducation chinoise classique, puis avait
étudié, en Angleterre, en France et en Allemagne, des
disciplines aussi diverses que la littérature, la
philosophie,
l’histoire de
l’art et l’esthétique. C’est dans ce dernier domaine
qu’il apporta une contribution décisive au jingpai.
Opposé à tout extrémisme, il prônait une ouverture
d’esprit et une libre discussion permettant recherches
et expérimentations personnelles afin d’éviter la
crispation sur un style érigé une fois pour toutes en
forme orthodoxe. |
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Zhu Guangqian
(朱光潜) |
Avec lui, le jingpai
s’est engagé dans la voie d’un syncrétisme visant à fondre
diverses traditions. Même sur la question de la langue, il
conservait un esprit ouvert, ne rejetant pas systématiquement la
langue classique au profit exclusif de la langue vernaculaire.
Mais, selon Shu-mei Shi, sa contribution la plus importante fut
la construction d’une « esthétique de la correspondance », entre
esthétique traditionnelle chinoise et modernisme occidental, à
laquelle Zhou Zuoren apporta aussi sa pierre et qui doit
beaucoup aux parallèles institués entre l’art chinois (peinture
et théâtre) et l’art occidental moderne.
C’est lui, enfin, qui
dénonça l’idée de modernité comme rupture instaurée par les
intellectuels du 4 mai. Il affirma tout au long de sa vie sa
croyance en la continuité historique entre littérature
traditionnelle et moderne, déclarant :
« La littérature est
l’expression de la vie de tout un peuple …. La’ continuité
historique’ renvoie à la succession des vies, comme au mouvement
des vagues… Même lorsqu’une génération se rebelle contre celle
qui l’a précédée, elle en est quand même l’héritière. »
Cette notion de
« continuité historique » était influencée par celle de « sens
de l’histoire » développée par le poète T. S. Eliot dans
son essai « Tradition et talent individuel », traduit en chinois
par le poète Bian Zhilin et publié en mai 1934 dans l’un des
principaux journaux du jingpai, le mensuel « Savoir » (《学问》月刊).
Selon Eliot, ce sens de l’histoire est nécessaire, car il donne
à l’écrivain « une conscience aiguë de sa place dans le temps »,
c’est-à-dire de sa place vis-à-vis de la tradition, et, partant,
de sa différence à elle, l’important étant de se situer dans une
lignée d’écrivains.(7)
Cette référence à
l’essai d’Eliot, devenu classique du modernisme occidental, est
caractéristique des écrivains du jingpai : le modernisme
occidental était pour eux la référence obligée, omniprésente,
non seulement pour justifier leur démarche, mais aussi pour la
diriger, et l’on retrouve dans leurs œuvres les influences de
techniques modernes comme celle du flux de conscience, mais
mêlées à des structures reprises de la tradition romanesque ou
poétique chinoise.
Il y a donc bien
esthétique traditionnelle, mais revue à l’aune des conceptions
modernes développées alors en Occident, avec une inventivité
très subtile et complexe. On est loin de l’image « gentilhomme
rétro » dont parlait Yao Xueyin.
On est en outre frappé
de la modernité de leur conception du ‘local’ comme base d’un
universel syncrétique, ou globalisé, comme on dit aujourd’hui.
Notes
(1) Voir l’article
précédent
Haipai
/Jingpai :
origines et controverse
(2) Né en 1910 dans le
Henan, Yao Xueyin (姚雪垠)
est surtout connu pour son roman historique en cinq volumes sur
une rébellion paysanne de la fin de la dynastie des Ming : Li
Zicheng
(李自成).La
citation est tirée du livre d’Isabelle Rabut et Angel Pino
« Pékin-Shanghai » (voir ci-dessous).
(3) Voir l’histoire du mouvement du 4 mai dans « La littérature
chinoise au vingtième siècle » :
II. 1917-1927
(4) Shu-mei Shi est
professeur de littérature comparée et études transnationales à
l’université de Californie UCLA. " Modernity without rupture,
proposals for a new global culture" est le chapitre 6 de son
livre “The lure of the modern : writing modernism in
semicolonial China, 1917-1937”,
University of California Press, 2001, qui fait le point sur les
mouvements littéraires en Chine au début du vingtième siècle
(mouvement du 4 mai, haipai et jingpai). Ce
chapitre est repris, traduit en français, dans la deuxième
partie de l’ouvrage collectif édité sous la direction d’Isabelle
Rabut et Angel Pino : « Pékin-Shanghai : tradition et modernité
dans la littérature chinoise des années trente », éditions Bleu
de Chine, 2000.
On trouve le premier en
grande partie numérisé par google :
http://books.google.fr/books?id=Qr5tm-haq_QC&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false
(5) Ce qui n’est pas
sans rappeler le contexte actuel et le grand débat qui a cours
en Chine sur les « valeurs universelles ».
(6) « Le local et la
littérature » (《地方与文艺》), traduction d’Isabelle Rabut et Angel Pino. Les italiques sont de moi.
(7) Le texte d’Eliot
est un petit bijou qui avait tout pour plaire aux intellectuels
du jingpai, commençant par une satire d’un humour pincé
sur le mépris affiché par les Anglais pour tout ce qui relève de
la « tradition » ; il vaut le détour :
http://www.poetryfoundation.org/learning/poetics-essay.html?id=237868
Notes complémentaires sur quelques auteurs du
jingpai
Xiao Qian (萧乾)
Né en 1910 à Pékin. Son père, mongol, mourut
avant sa naissance, si bien que Xiao Qian dut faire ses études
en travaillant, dans une fabrique de tapis, puis une laiterie,
pour payer ses études. En 1931, il entra à l’université Furen (辅仁大学)
où il fut l’élève de
Shen Congwen.
En 1933, il entra à l’université de Yanjing (燕京大学),
et
s’orienta vers des études de journalisme. Il eut
alors Edgar Snow comme professeur. Il écrivit en même temps ses
premières nouvelles qui furent publiées en 1936. Il partit alors
continuer ses études à Cambridge. Il rentra brièvement en Chine,
mais repartit à Londres en 1939 pour prendre le poste libéré par
Lao
She à la School of Oriental Studies de Londres.
En 1944, il devint correspondant de guerre (le seul chinois en
Europe) pour le Dagongbao (L’impartial) dont
Shen Congwen était rédacteur en chef. Il fut parmi
les troupes qui entrèrent à Berlin. En juillet 1945, il couvrit la
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Xiao Qian (萧乾) |
conférence de Potsdam ; il écrivit ensuite des articles sur les
procès de Nuremberg.
A la fin de la guerre, il revint en Chine et devint professeur à
l’université Fudan, revenant à Pékin en 1949. Il fut envoyé à la
campagne pendant la Révolution culturelle, et fit une tentative
de suicide en 1968. Il est mort en 1999 à Pékin.
C’est un personnage hors du commun dont la majeure partie de
l’œuvre est constituée de ses reportages et essais. Il a
cependant écrit au début de sa carrière des nouvelles pleines de
détails colorés sur la vie dans les rues de Pékin dans les
années 1920, et un roman autobiographique publié en 1938, « La
vallée des rêves » (《梦之谷》)qui
décrit l’amour malheureux d’un jeune garçon pauvre qui part dans
le sud en quête de travail, trouve un poste de professeur de
mandarin et tombe amoureux d’une jeune fille de l’école ; mais elle doit
suivre l’homme riche qui lui a payé ses études pour en faire
ensuite sa concubine.
Lu Fen (芦焚),
également connu sous le nom de Shi Tuo (师陀)
Né en 1910 à Qixian, dans le Henan (河南杞县).
Il fit ses études secondaires à Kaifeng, la capîtale provinciale,
puis partit à Pékin en 1931 et commença à écrire des nouvelles
contant la vie dans sa région natale et les atrocités commises
par les troupes japonaises, son premier recueil,
« La vallée » (《谷》),
obtenant en 1936 le prix littéraire de
l’Impartial (大公报).
Il est suivi de deux autres recueils, mais c’est en 1949 qu’il
attire l’attention du public avec un roman, « Mariage » (《结婚》).
Contrairement à son mentor
Shen Congwen, il se montre sans pitié pour l’état
d’arriération de sa campagne natale.
Il est mort en 1988.
Il y a une nouvelle de lui (« Le nouveau drapeau ») dans le
recueil « Shanghai 1920-1940, douze récits », traduits par
Victor Surio, Emanuelle Péchenart et Anne Wu, Bleu de Chine (juillet
2000) |
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Lu Fen (芦焚) |
Voir aussi Ling Shuhua (凌叔华)
et
Lin Huiyin (林徽因)
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