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Réflexion sur le terme de « tradition » par Huang Ying

par Brigitte Duzan, 17 mai 2019

 

Dans un article sur la mise en scène de sa pièce « Le Rêve de millet » (黄粱一梦) paru dans la Revue d’histoire du théâtre n° 271 (juillet-septembre 2016) [1], le metteur en scène Huang Ying [2] explique sa démarche et son processus d’adaptation. S’agissant d’une pièce adaptée d’un récit datant du 8e siècle [3], il dit avoir cherché à la revisiter à l’aide d’une sorte « d’anthropologie théâtrale en action », en mêlant des éléments du théâtre traditionnel chinois ou xiju (戏剧), à des références occidentales et des techniques de jeu et de mise en scène contemporaines.

 

Huang Ying définit sa démarche en expliquant qu’il prend comme point de départ le « Mouvement pour un théâtre national » (国剧运动) du début du 20e siècle pour ensuite le dépasser afin d’explorer, expérimenter et créer de nouvelles formes hybrides.

 

Huang Ying

 

La Revue d’histoire du théâtre n° 271

 

C’est dans ce cadre que se replace sa réflexion sur la « tradition » dont il offre un aperçu dans son article, à partir des deux caractères du terme traduisant ce concept en chinois : chuantong (传统) - chuán étant généralement traduit par transmettre/diffuser, et tǒng   par rassembler/collecter.

 

La tradition est donc ce que l’on recueille pour le transmettre : c’est un legs. C’est bien ainsi que l’entend Huang Ying quand il parle de sa recherche de l’héritage de la civilisation chinoise, qu’il voit, dans le cas du théâtre chinois, comme une lignée de mouvements perpétués depuis l’antiquité, mais avec transformations et innovations constantes. Il n’y a donc pas préservation d’éléments figés, mais mouvement permanent d’adaptation à l’époque, à la vie ambiante.

 

Huang Ying propose donc une autre vision de la « tradition » à partir de sa compréhension des deux caractères :

-          chuán désigne le renouveau apporté dans le processus de transmission,

-          tǒng représentant l’inchangé, l’immuable, que l’on a collecté en vue de le transmettre.

 

Il ajoute ici un élément supplémentaire « d’archéologie anthropologique » : le terme nous renvoie, dit-il, aux fondements de la civilisation agricole de l’antiquité et marque le passage à une civilisation urbaine et commerciale, tǒng apparaissant comme pierre fondatrice ou socle immuable de la tradition agricole antique soumis au cours des siècles à un processus constant d’adaptation parallèle à l’évolution de la société et de la culture.

 

Illustration du chuanqi

 

C’est toute la subtilité de la continuité dans le changement qui est le propre de la civilisation chinoise, et de ses arts en général, pas seulement le théâtre.

 

 

Rêve de millet https://www.youtube.com/watch?v=DamAfJJYuzU

 

 


[1] Revue d’histoire du théâtre, n° 271 (juillet-septembre 2016), Théâtres en langues chinoises, perspectives contemporaines, article de Huang Ying (黄盈) pp. 79-84 « Un Rêve de Millet et le nouveau théâtre national »

黄粱一梦和新国- l’article se réfère à la mise en scène de la pièce créée au festival d’Avignon en juillet 2011, reprise en septembre suivant au Centre national des arts du spectacle (ou Grand Théâtre national) de Pékin, puis à Taiwan et à Singapour en 2012 et 2013, ainsi qu‘à la Fondation Vuitton en 2016.

L’article est disponible en ligne – dans une traduction de Justine Rochot - sur le site de la revue :

https://sht.asso.fr/un-reve-de-millet-et-le-nouveau-theatre-national/

[2] Né en 1978, Huang Ying a d’abord fait des études de biochimie, avant d’entrer au Conservatoire central d’art dramatique de Chine, à Pékin. Il est directeur de la compagnie Full Show Lane Studio et maître de conférences de l’Institut du cinéma de Pékin. Considéré comme l’un des metteurs en scène les plus influents de sa génération en Chine, il a créé une quarantaine de pièces allant d’œuvres du répertoire à des créations contemporaines, en cherchant à croiser l’esthétique traditionnelle à des éléments plus expérimentaux. 

[3] La pièce est adaptée d’un célèbre chuanqi des Tang : le « Conte de l’oreiller » (Zhenzhong ji《枕中记》) de Shen Jiji (沈既济). Voir :

http://www.chinese-shortstories.com/Reperes_historiques_Breve_histoire_du_xiaoshuo_I.htm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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