Nouvelles très courtes (小小说)

 
 
 
                 

 

 

Liu Yichang « Mauvais numéro »

刘以鬯《打错了》

par Brigitte Duzan, 22 avril 2013

              


电话铃响的时候,陈熙1躺在床上看天花板2。电话是吴丽嫦3打来的。吴丽嫦约他到“利舞台”4去看五点半那一场的电影。他的情绪顿时振奋起来,以敏捷5的动作剃须、梳头、更换衣服。更换衣服时,嘘嘘地6用口哨吹奏“勇敢的中国人”7。换好衣服,站在衣柜前端详镜子里的自己,觉得有必要买一件名厂的运动衫了。他爱丽嫦,丽嫦也爱他。只要找到工作,就可以到婚姻注册处去登记。他刚从美国回来,虽已拿到学位,找工作,仍须依靠运气。运气好,很快就可以找到;运气不好,可能还要等一个时期。他已寄出七八封应征信8,这几天应有回耷。正因为这样,这几天他老是呆在家里等那些机构的职员打电话来,非必要,不出街。不过,丽嫦打电话来约他去看电影,他是一定要去的。现在已是四点五十分,必须尽快赶去“利舞台”。迟到,丽嫦会生气。于是,大踏步走去拉开大门,拉开铁闸9,走到外边,转过身来,关上大门,关上铁闸,搭电梯,下楼,走出大厦,怀着轻松的心情朝巴士站10走去。刚走到巴士站,一辆巴士疾驰11而来。巴士在不受控制的情况下冲向巴士站,撞倒陈熙和一个老妇人和一个女童后,将他们辗成肉酱。
             
1.陈熙 Chén Xī nom du personnage

2.天花板 tiānhuābǎn plafond
3. 吴丽嫦 Wú Lìcháng nom de la petite amie qui téléphone
4. 利舞台 Lì wǔtái le théâtre/ le cinéma Lee

5. 敏捷 mǐnjié rapide
6. 嘘嘘地 xūxūde tout doucement

7. 勇敢的中国人 yǒnggǎnde zhōngguórén vaillant Chinois :
chanson patriotique très populaire à Hong Kong à l’époque, thème musical d’un téléfilm de la chaîne TVB

             

             

8. 应征信 yìngzhēngxìn lettre de candidature 9. 铁闸 tiězhá grille de fer
10 巴士站 bāshìzhàn bus stop 11. 疾驰 jíchí rouler à toute allure
12. 肉酱 ròujiàng viande hâchée
             

电话铃响的时候,陈熙躺在床上看天花板。电话是吴丽嫦打来的。吴丽嫦约他到“利舞台”去看五点半那一场的电影。他的情绪顿时振奋起来,以敏捷的动作剃须、梳头、更换衣服。更换衣服时,嘘嘘地用口哨吹奏“勇敢的中国人”。换好衣服,站在衣柜前端详镜子里的自己,觉得有必要买一件名厂的运动衫了。他爱丽嫦,丽嫦也爱他。只要找到工作,就可以到婚姻注册处去登记。他刚从美国回来,虽已拿到学位,找工作,仍须依靠运气。运气好,很快就可以找到;运气不好,可能还要等一个时期。他已寄出七八封应征信,这几天应有回音。正因为这样,这几天他老是呆在家里等那些机构的职员打电话来,非必要,不出街。不过,丽嫦打电话来约他去看电影,他是一定要去的。现在已是四点五十分,必须尽快赶去“利舞台”。迟到,丽嫦会生气。于是,大踏步走去拉开大门……
电话铃又响。
以为是什么机构的职员打来的,掉转身1,疾步走去接听。
听筒中传来一个女人的声音:
“请大伯听电话。”
“谁?
“大伯。
“没有这个人。”
“大伯母在不在?”
“你要打的电话号码是……”
“一……九七五……”
“你想打去九龙2?”
“是的。”
“打错了!这里是港岛!”
愤然将听筒掷在电话机上,大踏步走去拉开铁闸,走到外边,转过身来,关上大门,关上铁闸,搭电梯,下楼,走出大厦,怀着轻松的心情朝巴士站走去。走到距离巴士站不足五十码的地方,意外地见到一辆疾驰而来的巴士在不受控制的情况下冲向巴士站,撞倒一个老妇人和一个女童后,将他们辗成肉酱。
             
1. 掉转 diàozhuǎn faire volte-face, demi-tour
2. 九龙 jiǔlóng neuf dragons, c’est-à-dire la presqu’île de Kowloon
             
一九八三年四月二十二日作 22 avril 1983
是日报载太古城巴士站发生死亡车祸 d’après un fait divers, un accident mortel à un arrêt de bus.
Source : baidu (http://baike.baidu.com/view/1271660.htm)
             


             

Traduction
             
I
Quand le téléphone sonna, Chen Xi était allongé sur son lit, les yeux fixés sur le plafond. C’était Wu Lichang qui appelait, pour lui demander d’aller avec lui voir le film qui passait au cinéma Lee à la

séance de cinq heures et demie. Cela lui redonna du tonus et il se rasa, se peigna et se changea à toute vitesse, tout en sifflotant doucement l’air de « Valeureux Chinois ». Une fois changé, il se

regarda attentivement dans la glace de l’amoire et se dit qu’il devrait s’acheter une chemise de marque pour sortir. Il aimait Wu Lichang et elle l’aimait. Il lui fallait seulement trouver du travail ; ils pourraient alors aller faire enregistrer leur mariage à la mairie. Il venait tout juste de rentrer des Etats-Unis, et, malgré son diplôme, ce n’est qu’avec de la chance qu’il pourrait trouver un emploi. Avec de la chance il en trouverait un très vite ; sinon, il aurait peut-être à attendre un certain temps. Il avait déjà envoyé sept ou huit lettres en réponse à des offres d’emploi, et il attendait des réponses dans les prochains jours. C’est pour cela qu’il restait à côté du téléphone, ces jours-ci : il attendait un appel d’un de ces employeurs, sans sortir, sauf besoin urgent. Mais, si Lichang lui demandait de l’accompagner au cinéma, il n’avait pas le choix, il fallait qu’il y aille. Il était déjà cinq heures moins dix ; il fallait qu’il se dépêche pour ne pas arriver en retard, autrement Lichang serait fâchée.

Alors il se pressa d’ouvrir la porte, puis la grille de fer, et, une fois dehors, de se retourner pour les refermer, alla rapidement prendre l’ascenseur pour descendre dans la rue, sur quoi il se dirigea à

grands pas vers l’arrêt de bus, l’esprit serein. Au moment précis où il y arriva, un bus déboucha à

toute allure, et, sans plus contrôler sa vitesse, fonça sur l’arrêt, écrasant Chen Xi, une vieille dame

et une petite fille dont il fit de la bouillie.
             
II
Quand le téléphone sonna, Chen Xi était allongé sur son lit, les yeux fixés sur le plafond. C’était Wu Lichang qui appelait, pour lui demander d’aller avec lui voir le film qui passait au cinéma Lee à la

séance de cinq heures et demie. Cela lui redonna du tonus et il se rasa, se peigna et se changea

à toute vitesse, tout en sifflotant doucement l’air de « Valeureux Chinois ». Une fois changé, il se regarda attentivement dans la glace de l’amoire et se dit qu’il devrait s’acheter une chemise de

marque pour sortir. Il aimait Wu Lichang et elle l’aimait. Il lui fallait seulement trouver du travail ;

ils pourraient alors aller faire enregistrer leur mariage à la mairie. Il venait tout juste de rentrer des Etats-Unis, et, malgré son diplôme, ce n’est qu’avec de la chance qu’il pourrait trouver un emploi.

Avec de la chance il en trouverait un très vite ; sinon, il aurait peut-être à attendre un certain temps.

Il avait déjà envoyé sept ou huit lettres en réponse à des offres d’emploi, et il attendait des

réponses dans les prochains jours. C’est pour cela qu’il restait à côté du téléphone, ces jours-ci :

il attendait un appel d’un de ces employeurs, sans sortir, sauf besoin urgent. Mais, si Lichang lui demandait de l’accompagner au cinéma, il n’avait pas le choix, il fallait qu’il y aille. Il était déjà

cinq heures moins dix ; il fallait qu’il se dépêche pour ne pas arriver en retard, autrement Lichang s

erait fâchée. Alors il se pressa d’ouvrir la porte, puis….
Le téléphone sonna à nouveau.
Pensant qu’il s’agissait de l’un des appels qu’il attendait pour son travail, il fit volte face et se

précipita pour répondre.
- Allo !
Il entendit une voix de femme lui demander :
- Tonton est là ?
- Qui ?
- Tonton.
- Il n’y a pas de tonton ici.
- Alors est-ce que tata est là ?
- Quel numéro demandez-vous ?
- 39 57….
- C’est à Kowloon ?
- Oui
- Vous avez un mauvais numéro, ici c’est Hong Kong.
Il raccrocha violemment, se pressa d’ouvrir la porte, puis la grille de fer, et, une fois dehors, de se retourner pour les refermer, alla rapidement prendre l’ascenseur pour descendre dans la rue, sur quoi il se dirigea à grands pas vers l’arrêt de bus, l’esprit serein. Il en était à peine à cinquante mètres quand il vit un bus déboucher à toute allure, et, sans plus contrôler sa vitesse, foncer sur l’arrêt, écrasant une vieille dame et une petite fille qu’il réduisit en bouillie.
             

             

             

 

 

 

 

     

 

 

 

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