Nouvelles très courtes (小小说)

 
 
 
     

 

 

Wang Zengqi  汪曾祺

« La queue » 尾巴

par Brigitte Duzan, 13 novembre 2010

 

人事顾问1老黄是个很有意思的人。工厂里本来没有人事顾问这种奇怪的职务,只是因为他曾经做过多年人事工作,肚子里有一部活档案2;近二年岁数大了,身体也不太好,时常闹一点腰酸腿疼3,血压偏高4,就自己要求当了顾问,所顾的也还多半是人事方面的问题,因此大家叫他人事顾问。这本是个外号,但是听起来倒像是个正式职称似的。有关人事工作的会议,只要他能来,他是都来的。来了,有时也发言,有时不发言。他的发言有人爱听,有人不爱听。他看的杂书很多,爱讲故事。在很严肃的会上有时也讲故事。下面就是他讲的故事之一。

  厂里准备把一个姓林的工程师提升为总工程师5,领导层意见不一,有赞成的,有反对的,已经开了多次会,定不下来。赞成的意见不必说了,反对的意见,归纳起来6,有以下几条:

  一、他家庭出身不好,是资本家;
  二、社会关系复杂,有海外关系;有个堂兄7还在台湾;
  三、反右时有右派言论;
  四、群众关系不太好,说话有时很尖刻8……

  其中反对最力的是一个姓董的人事科长9,此人爱激动,他又说不出什么理由,只是每次都是满脸通红地说:知识分子!哼!知识分子!翻来复去,只是这一句话。

  人事顾问听了几次会,没有表态10。党委书记11说:老黄,你也说两句!老黄慢条斯理地说12
  我讲一个故事吧——“从前,有一个人,叫做艾子13。艾子有一回坐船,船停在江边。半夜里,艾子听见江底下一片哭声。仔细一听,是一群水族在哭。艾子问:你们哭什么?水族们说:龙王有令,水族中凡是有尾巴的都要杀掉,我们都是有尾巴的,所以在这里哭。艾子听了,深表同情。艾子看看,有一只蛤蟆14也在哭,艾子很奇怪,问这蛤蟆:你哭什么呢?你又没有尾巴!蛤蟆说:我怕龙王要追查起我当蝌蝌15时候的事儿呀!’”

 

Vocabulaire

 

01 顾问  gùwèn  concultant, conseiller       

人事rénshì   personnel, affaires humaines

02 档案     dàng'àn  fichier, dossier

03 腰酸腿疼 yāosuān tuǐténg  avoir la taille endolorie et mal aux jambes = souffrir de maux divers

04 血压偏高 xuèyā piāngāo   souffrir d’hypertension

05 工程师 gōngchéngshī  ingénieur   

提升为 tíshēng wéi promouvoir au poste de

06 归纳 guīnà  résumer

07 堂兄 tángxiōng  cousin plus âgé (ayant le même grand-père paternel)

08 尖刻 jiānkè   mordant, acerbe, caustique

09 科长 kēzhǎng  chef de département, de section…

10 表态 biǎotài  exprimer son opinion, sa position sur une question

11 党委 dǎngwěi  comité du Parti     书记 shūjì  secrétaire

12 慢条斯理地 mǎntiáo sīlǐde  lentement et de façon réfléchie

13 艾子àizi   (un prénom)

14 蛤蟆 háma  grenouille 

15 蝌蝌 kēkē  têtard

 

水族 le petit peuple des eaux

 


 

Traduction

 

Le consultant en ressources humaines Huang était un personnage très intéressant. En fait, l’usine

n’avait pas de poste bizarre de ce genre, « conseiller en ressources humaines », simplement il avait travaillé tellement d’années au département du personnel qu’il en connaissait par cœur toutes les ficelles ; or, ces deux dernières années, il avait vieilli, sa santé s’était dégradée, il se plaignait régulièrement de maux divers, faisait de l’hypertension, alors il avait demandé à être consultant, et comme la majorité des problèmes sur lesquels on venait lui demander conseil étaient des problèmes de ressources humaines, alors tout le monde l’avait appelé consultant en ressources humaines. Au début, ce n’était qu’un sobriquet, mais, à l’entendre, cela donnait une impression de titre tout à fait officiel. Quand il pouvait l’éviter, il ne manquait aucune réunion concernant les ressources humaines. Quand il était là, il prenait parfois la parole, et parfois ne disait rien. Et quand il disait quelque chose, certains aimaient ce qu’il disait, et d’autres non. Il lisait les livres les plus divers, et aimait raconter des histoires. Il en racontait même au cours des réunions les plus sérieuses. En voilà une.

 

Dans une usine, il y avait un ingénieur du nom de Lin qui était en passe d’être promu au poste

d’ingénieur en chef ; sa promotion, cependant, ne faisait pas l’unanimité au sein de la direction, certains dirigeants y étaient favorables, d’autres opposés ; ils avaient déjà tenu un grand nombre de réunions, mais ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord. Les arguments de ceux qui étaient en faveur de la promotion vont sans dire ; quant aux autres, on peut les résumer en quelques points :

1. Mauvais antécédents familiaux : famille capitaliste ;

2. Relations sociales complexes, relations avec l’étranger ; cousin à Taiwan ;

3. Propos droitiers au moment de la campagne anti-droitiers ;

4. Pas très bonnes relations avec les masses ; s’exprime parfois de façon caustique…..

 

La plus forte opposition venait d’un dénommé Dong qui était directeur du personnel ; c’était

quelqu’un qui s’excitait facilement, et qui, incapable d’un raisonnement sensé, se bornait à répéter à tout bout de champ, le visage écarlate : « un intellectuel ! pfff ! un intellectuel ! ».

 

Le consultant en ressources humaines assista à plusieurs réunions sans donner son avis. Alors le secrétaire du comité du Parti lui dit : « Mon vieux Huang, dis-nous un peu ce que tu penses ! » Huang prit son temps pour répondre posément :

 

« Je vais vous raconter une histoire. Il y avait une fois un homme qui s’appelait Aizi. Un jour

qu’il était sur un bateau amarré au bord d’une rivière, au beau milieu de la nuit, il entendit des pleurs qui montaient de l’eau. Prêtant une oreille plus attentive, il réalisa que c’était le petit peuple des eaux qui était en train de pleurer. Comme il leur demandait pourquoi ils pleuraient, ils répondirent : « Le roi des dragons a donné l’ordre de tuer tous les individus aquatiques possédant une queue, c’est pourquoi nous pleurons. » En entendant cela, Aizi se sentit plein de compassion à leur égard. En y regardant de plus près, cependant, il vit qu’il y avait une grenouille parmi eux qui pleurait aussi. Alors il lui demanda : 

«  Pourquoi pleures-tu ? Tu n’as pas de queue, toi ! ». Et la grenouille lui répondit : « Oui, mais c’est que

j’ai peur que le roi des dragons apprenne qu’il fut un temps où j’étais têtard. »

 

 

 

  

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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