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Chinese Arts and Letters 2017 n° 1 : Zhao Benfu à l’honneur et quelques découvertes

par Brigitte Duzan, 19 juillet 2017  

 

Comme les précédents, le premier numéro de l’année 2017 de la revue Chinese Arts and Letters (CAL) apporte son lot d’analyses et de nouvelles, et de découvertes.

 

Zhao Benfu

 

A l’honneur dans ce nouveau numéro : Zhao Benfu (赵本夫), écrivain du Jiangsu que le succès du film de Feng Xiaogang (冯小刚) adapté de sa nouvelle « Un monde sans voleurs » (《天下无贼》) a soudain rendu célèbre [1].

 

Introduction

 

C’était en 2004. Zhao Benfu a pourtant publié sa première nouvelle en 1981, et ce « Vendre l’âne » (《卖驴》) était déjà un récit original qui commence comme une sorte de conte de l’étrange et se poursuit par l‘évocation en filigrane du passé

 

CAL 2017 n° 1

du vieil homme qui a décidé de vendre un âne chargé d’histoire ; la nouvelle a aussitôt obtenu le prix

 

Zhao Benfu

 

national de la meilleure nouvelle de l’année. C’est la première manifestation dans son œuvre de l’attachement à sa terre natale, et à la ruralité, qui caractérise cet auteur. 

 

Dans son introduction à ce numéro de la revue, le rédacteur en chef Yang Haocheng souligne ce trait essentiel de la personnalité et de l’œuvre de Zhao Benfu, reconnu comme auteur de "littérature du sol natal" (乡土文学), surtout après la parution dans les années 1990 de sa trilogie représentative dite "de la terre-mère" (《地母》三部曲)). Rééditée en 2009, elle exprime les préoccupations de plus en plus vives en Chine aujourd’hui concernant l’environnement, mais aussi le sentiment de perte des racines rurales, et des valeurs qui leur étaient liées, dans une population de plus en plus citadine.

 

Ce numéro de la revue offre trois traductions de nouvelles

(pp. 7-60), un entretien avec l’auteur (pp. 83-97) et une analyse de son œuvre (pp. 61-82).

 

Analyse et entretien

 

C’est le critique Sha Jiaqiang (沙家强), chercheur à l’Université normale de Nankin, qui a réalisé l’entretien, sur le thème de la représentation de l’histoire dans la littérature, mais centré sur la trilogie, c’est-à-dire sur la mémoire de la terre devenue la thématique principale de Zhao Benfu.

 

L’analyse de l’œuvre est de Wu Bingjie (吴秉杰). Il part d’une analyse de la première nouvelle, « Vendre l’âne », décrite comme comédie absurdiste, et poursuit avec les nouvelles, courtes et moyennes, qui ont au départ été le genre privilégié par l’auteur, comme la plupart des écrivains chinois dans la période post-maoïste. Il en tire une première caractéristique des récits de Zhao Benfu : une thématique de recherche des valeurs. C’est de là, explique Wu Bingjie, que Zhao Benfua ensuite

développé le thème de la terre comme porteuse de valeurs fondamentales.

 

Trois nouvelles

 

Les trois nouvelles de Zhao Benfu traduites pour ce numéro sont parmi les plus connues, et les plus représentatives : outre « Un monde sans voleurs », « Le cordonnier et le maire » (《鞋匠与市长》) et « Aux marges » (《临界》).

 

Parue en 2001, « Le cordonnier et le maire » [The Cobbler and the Mayor p.28] est une fable sur la futile mondanité de la recherche de gloire et de richesse dans la Chine d’aujourd’hui, et la fragilité des positions ainsi acquises [2]. L’humble cordonnier est toujours humble cordonnier quarante ans après avoir débuté dans le métier ; le maire a commencé pauvre lui aussi, mais il a réussi à faire fortune en amassant les pots de vin et autres rétributions. Mais il finit en prison, la « prison n’° 1 des Trois Puits ». Le cordonnier, lui, avait prévu d’aller s’établir en ville après avoir pris sa retraite ; mais, découvrant les Trois Puits, il décide de s’y établir et d’y continuer son commerce, car les visiteurs de la prison ont besoin d’un cordonnier pour réparer leurs chaussures [3].

 

L’autre nouvelle, « Aux marges » [On the Verge p. 41], est parue dans le troisième numéro de l’année 2011 de la revue « Textes choisis » (Xiaoshuo xuankan《小说选刊》2011年第3

 

Xiaoshuo xuankan 2011 n° 3

). Elle commence par un dialogue vif et direct entre plusieurs personnes et un dénommé Simao qui sort de prison, pour un vol qu’il affirme ne pas avoir commis. C’est toute la misère des migrants déboussolés par la ville qui transparaît dans ce récit, Simao apparaissant comme un AQ moderne. Un modèle éternel. 

 

Découvertes

 

Yu Yiming

 

Parmi les textes traduits figurent deux nouvelles de Zhu Hui (朱辉), qui n’est pas un inconnu car l’une de ses nouvelles figurait déjà dans le numéro 2014.2 de CAL [4].

 

Les découvertes sont plutôt Yu Yiming (余一鸣) et Xu Feng (徐风). Du premier, professeur de langues à Nankin, CAL nous offre une traduction de la nouvelle « Les hommes de paille » (《稻草人》) [The Straw People, p. 133] qui figurait dans la sélection de deux des principaux recueils des meilleures nouvelles de l’année 2015. C’est une fable subtile qui prolonge l’univers de Zhao Benfu, entre ville et campagne, entre illusion et réalité, sur la mémoire des lieux préservée comme une ombre dans le souvenir de ceux qui en sont partis.

 

Le second est novelliste et essayiste, et ce sont deux de ses

essais qui nous sont donnés ici en traduction anglaise. Le premier [Officialdom and Career, p. 153] est une merveilleuse évocation de l’univers raffiné du Jiangnan, au-delà de la course effrénée aux honneurs et aux richesses. Xu Feng dépeint des poètes nommés, à l’époque des Tang, à des postes officiels à proximité de Suzhou, administrateurs intègres se dédiant corps et âmes à leur tâche, jusqu’à cesser d’écrire. Xu Feng termine parun hommage à celui qui fit la gloire de Yixing (宜兴), la ville où il vit, en attachant le nom de la ville à la culture du thé, culture dans tous les sens du terme.

 

Le second texte [The Life I Want, p. 162] reprend sous forme plus abstraite les mêmes idées que celles développées dans l’évocation des poètes précédents, en revenant à leurs valeurs morales comme guides pour aujourd’hui. On est bien là, encore, en marge de l’univers de Zhao Benfu, et de son histoire du maire et du cordonnier.

   

Xu Feng

 

Le numéro s’achève sur des poèmes de Li Chaorun (李朝润) puis une analyse des peintures de Jin Shangyi (靳尚谊).


 


[2] Voir « Coup d’Etat à Pékin » sur l’affaire Bo Xilai et les destins de chacun des protagonistes.

[4] Il s’agissait de « The Perfect Match » (《朗情妾意》), p. 144-164, dans la même veine misogyne que, dans ce nouveau numéro, « Lip Service » (《吐字表演》) ou « Just You Wait » (《要你好看》) avec sa chute inattendue, comme une revanche masculine.

 

 

     

   

 

 

 

 

     

 

 

 

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