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				Chi 
				Li 池莉
				: Grand arbre, 
				petit ver《大树小虫》 
				
				
				Notes de lecture de Zhang 
				Guochuan 
				
				
				7 novembre 2021 
				
				  
				
				
				Résumé du roman 
				  
					
						
							| 
							 
							Ce 
							roman de 
							
							
							
							Chi Li (池莉)
							publié 
							en mai 2019 représente dix ans de travail comme 
							l’indique l’auteure à la dernière page du livre : 
							« conception entre 2010 et 2015, première version en 
							2015-2016, deuxième version en 2016-2017, version 
							finale en 2017-2018, modification de l’hiver 2018 au 
							printemps 2019 ». 
							  
							
							Sur la 
							couverture, trois mots-clés résument l’histoire :
							 
							
							
							« 两个家族 
							三代人 百年跌宕的命运 » 
							
							« deux familles, 
							trois générations,  
							
							destin mouvementé 
							sur cent ans ». 
							  
							
							Le 
							récit débute par un mariage organisé entre deux 
							familles de Wuhan, les Yu et les Zhong. Puis Chi Li 
							relate l’histoire de ces deux familles sur trois 
							générations, parallèlement aux événements   | 
							  | 
							
							 
							
							  
							
							Grand arbre, petit ver  | 
						 
					 
					
					marquants de 
					l’histoire de la Chine : la guerre civile (1945-1949), la 
					fondation de la République populaire (1949), la Révolution 
					culturelle (1966-1976), la politique de réforme (1978) et le 
					développement économique qui suit, la mise en place de la 
					politique de l’enfant unique (1979) puis des deux enfants 
					(2015). 
				  
				
				
				Table des matières 
				  
				
				
				Chapitre I. 
				Liste des personnages et mots-clés de leurs expressions (人物表以及人物表情的关键表述)
				
				
				
				 
				  
				
				1. Yu Siyu  俞思语 
				
				2. Zhong 
				Xintao 
				
				钟鑫涛
				 
				
				3. Zhong 
				Xinting 
				
				钟欣婷 
				
				4. Grace
				
				
				格瑞丝 
				
				5. Zhong 
				Yongsheng 
				
				钟永胜  
				
				6. Gao Hong
				
				
				高红 
				
				7. Yu Yazhou, 
				Ren Feifei 
				
				俞亚洲  
				
				8. Grand-père 
				Yu, grand-mère Yu 
				
				俞爷爷,
				
				
				俞奶奶 
				
				  
				
				
				Chapitre II. 
				L’histoire n’est que le projet de conception d’un enfant par les 
				deux personnages principaux en 2015 (故事只是男女主角2015年度实施造人计划始末) 
				  
				
				1, janvier 
				2015, pas enceinte 
				
				2, février 
				2015, pas enceinte 
				
				3, mars 2015, 
				pas enceinte 
				
				4, avril 
				2015, pas enceinte 
				
				5, mai 2015, 
				pas enceinte 
				
				6, juin 2015, 
				pas enceinte 
				
				7, juillet 
				2015, pas enceinte 
				
				8, août 2015, 
				pas enceinte 
				
				9, septembre 
				2015, pas enceinte 
				
				10, octobre 
				2015, pas enceinte 
				
				11, novembre 
				2015, pas enceinte 
				
				12, décembre 
				2015, la vérité se fait jour 
				
				  
				
				
				Réflexions sur la 
				structure 
				  
				
				     La 
				structure de ce roman de 430 pages est totalement asymétrique : 
				il ne comporte que deux chapitres, le premier représentant 87% 
				du texte, le second 13%.  
				  
				
				     Le premier 
				chapitre est constitué de huit sous-chapitres, qui sont les 
				biographies de dix personnages. Chaque histoire est 
				indépendante, mais avec néanmoins une certaine interdépendance 
				car des liens se tissent entre les personnages. Toutes les 
				biographies convergent vers un point commun : la nécessité de 
				concevoir un deuxième enfant. Cet enfant devient l’espoir commun 
				de gens désespérés : Yu Siyu, personnage principal féminin, 
				espère retrouver la valeur de sa vie après son échec dans le 
				monde du travail ; Zhong Xintao, personnage principal masculin, 
				et ses parents attendent un garçon pour en faire l’héritier de 
				la richesse familiale ; Yu Yazhou, père de Yu Siyu, attend de 
				son petit-fils un appui dans sa vie ; Ren Feifei, mère de Yu 
				Siyu, tente de retrouver le bonheur dans son foyer en élevant un 
				petit-fils… Ce long premier chapitre n’est que le contexte de la 
				vraie histoire qui, comme l’indique le titre du second chapitre, 
				« n’est que le projet de conception d’un enfant par les deux 
				personnages principaux en 2015 ».  
				  
				
				Ce second chapitre, 
				sous la forme d’un calendrier, est composé de 12 
				sous-chapitres correspondant aux 12 mois de l’année 2015. Le 
				choix du moment de l’histoire est réfléchi, car le 29 octobre 
				2015, lors du 5e plénum du Comité central du Parti 
				communiste chinois, a été annoncé un assouplissement de la 
				politique de l’enfant unique: tous les couples sont autorisés à 
				avoir deux enfants à partir du 1er janvier 2016. La conception 
				d’un deuxième enfant par les deux personnages principaux est 
				passée d’un acte illégal à un acte légal. Mais, à la déception 
				de tous les personnages, après le long récit se déroulant sur 
				trois générations, le roman se clôture par l’échec de la 
				conception de l’enfant :   
				  
				
				
				四十年来全球男子精子数量暴跌六成,武汉男子精子质量六年降低百分之十五。 
				
				« Depuis 40 ans, on constate 
				une chute de 60% de la quantité des spermatozoïdes dans le monde 
				entier, et une baisse de 15% de leur qualité chez les hommes à 
				Wuhan. »  
				  
				
				Comme l’indique le 
				titre du dernier sous-chapitre, « la vérité se fait jour ». La 
				découverte de cette « vérité » marque la note finale des cent 
				ans de bonheurs, de rancunes et de luttes.  
				  
				
				On voit bien ainsi 
				l’asymétrie de la structure du roman. Dans son interview, Chi Li 
				qualifie cette structure par le « modèle ‘carré + ligne’ » (“方块 
				+ 
				
				线条”式)
				
				
				 : 
				le premier chapitre est un parallèle des histoires de tous les 
				personnages, alors que le second est centré sur un seul 
				fil narratif, la conception d’un deuxième enfant. 
				 
				  
				
				
				Réflexions sur le 
				titre : « 大树小虫 » 
				  
				
				    Le titre 
				original est Da shu xiao 
				chong《大树小虫》 , 
				littéralement « grand arbre petit ver ». Ce titre illustre 
				d’emblée la structure du roman : le premier chapitre, relatant 
				cent ans d’histoire, ressemble à un grand arbre, alors que le 
				second chapitre, dans sa brièveté, peut être considéré comme un 
				petit ver. 
				  
				
				    Sur sa 
				couverture, le roman porte également un titre anglais, « Time 
				Warp » (distorsion temporelle). En effet, à la première page, 
				Chi Li cite le grand physicien Einstein qui, en 1915, annonça au 
				monde sa théorie de la distorsion temporelle ou de la relativité 
				générale. Plus tard, à son fils cadet Edouard qui lui demandait 
				d’où venait sa notoriété, Einstein répondit :  
				  
				
				
				一只盲目的甲虫在弯曲的树枝表面爬动,它没有注意到自己爬过的轨迹其实是弯曲的,而我很幸运地注意到了。 
				
				« Quand un coléoptère avance à 
				l’aveuglette sur une branche courbe, il n’est pas conscient que 
				la trajectoire parcourue est courbe, mais moi j’ai eu la chance 
				de le remarquer. »  
				  
				
				
				    
				Dans le roman, le terme 
				« 大树小虫 »  
				n’apparaît qu’une seule fois, au 3e sous-chapitre du 
				chapitre II : 
				  
				
				
				惊蛰之夜,春雷阵阵,尽管人们早已
				
				
				对自己的身体“浑然不觉”,但是,“内在苏醒的万钧之力,还是会
				
				
				突破重重隔膜,来到人间,大树小虫齐齐被震撼。 
				
				« La nuit de jingzhe,
				le tonnerre printanier retentit. Même si les hommes sont 
				‘inconscients’ depuis longtemps de leur corps, la force 
				foudroyante du réveil interne traverse tous les obstacles, 
				arrive au monde terrestre et bouleverse grand arbre et petits 
				vers. » 
				  
				
				
				    
				Ce passage est suivi du réveil du 
				corps de Yu Siyu, qui, en se touchant, découvre le plaisir 
				corporel. Dans ce passage, cette image se réfère à tout être 
				vivant de l’univers. Dans ses interviews, Chi Li la mentionne 
				maintes fois. Pour elle, « la vie est un grand arbre, les êtres 
				humains sont des petits vers qui peinent pour vivre, pour 
				avancer.  ». 
				(对我来说,生活就是一颗大树,人类是小虫,在奋力地生活,奋力地爬行。)
				
				
				
				Selon elle, la société est 
				complexe, nous vivons selon le déterminisme de l’univers et de 
				la société. Notre destin est régi et planifié. Dans ce sens, 
				identifiés aux petits vers, les hommes ne maîtrisent pas leur 
				propre destin : ils vivent sur le grand arbre qu’est la société.
				 
				  
				
				    En effet, dès 
				leur naissance, la vie des deux personnages principaux (Yu Siyu 
				et Zhong Xintao) est déjà planifiée par leurs parents et 
				grands-parents. Un passage tiré de la biographie de Zhong 
				Yongsheng, père de Zhong Xintao, en est l’illustration : 
				  
				
				
				一是精心打造儿子的出生
				
				
				,二是精心打造儿子的教育
				
				
				,三是精心打造儿子的婚恋。到目前为止,都相当成功 
				…… 
				
				精心打造儿子的生二胎。精心打造儿子成为家族财富继承人。(page 
				207) 
				
				« Premièrement, il avait fallu 
				planifier scrupuleusement la naissance de son fils. 
				Deuxièmement, l’éducation de son fils. Troisièmement, l’amour et 
				le mariage de son fils. Jusqu’à présent, tout était bien réussi… 
				Il restait à planifier avec rigueur la conception du deuxième 
				enfant de son fils. Faire de son fils l’héritier de la richesse 
				familiale. » 
				  
				
				« Planifier » est 
				un mot clé du récit. La conception d’un deuxième enfant, par 
				exemple, est rigoureusement planifiée par Gao Hong, mère de 
				Zhong Xintao, qui s’est procuré un « remède traditionnel » 
				indiquant les heures précises des traitements médicaux, et même 
				des rapports corporels du couple. Même la rencontre entre les 
				deux jeunes est planifiée. En apparence, ils sont tombés 
				amoureux sur un coup de foudre. Mais cet amour libre est en 
				réalité planifié par leurs parents et grands-parents. 
				 
				  
				
				Au fil de 
				l’histoire des deux personnages principaux, on remarque que Chi 
				Li reste dans le style néo-réaliste et s’attache à dépeindre les 
				petites gens, en restant au plus près de leurs soucis 
				quotidiens, comme le résume la phrase tant citée de Zhang 
				Ailing : « La vie est une robe magnifique, pleine de poux ». En 
				effet, l’amour passionné qui lie les deux personnages ne tarde 
				pas à devenir des « peaux d’ail et plumes de poulet », les menus 
				tracas qui rendent la vie quotidienne impossible. Les longs 
				cheveux de Yu Siyu qui ont tant charmé Zhong Xintao lors de leur 
				première rencontre sont devenus dérangeants car ils s’étalent 
				sans retenue dans son sommeil. La figure de Zhong Xintao 
				s’amincit au fil du temps aux yeux de Yu Siyu, et quand les 
				demandeurs de dettes viennent frapper à coups de hache à la 
				porte, il se cache en laissant sa femme les affronter seule. 
				Pourtant, Chi Li ne semble pas s’ancrer dans le pessimisme, car 
				elle ajoute dans ses interviews que « le fait de pouvoir vivre 
				et avancer sur cet arbre est déjà un bonheur ». 
				(能够在这棵大树上生活和
				
				
				爬行是一件幸福的事情。) 
				  
				
				
				Remarques sur la 
				langue 
				  
				
				    Dans ce 
				roman, Chi Li s’est efforcée de réduire au maximum les mots 
				vides, de ne pas utiliser « 的地得
				» par exemple. De plus, constitué principalement de 
				phrases courtes, son récit est ponctué de nombreux verbes. Selon 
				elle, ce choix « révèle notre véritable rythme de vie 
				d’aujourd’hui. Nous n’avons pas le temps de mettre des virgules 
				entre les actions, ni le temps de préciser les qualifications à 
				l’aide des mots vides. Une fois l’action terminée, nous 
				procédons immédiatement à l’action suivante. » Selon elle, ce 
				style est inspiré par le dialecte de Wuhan, dans lequel il y a 
				beaucoup de verbes et très peu de mots vides. Pour rendre son 
				langage concis, elle va parfois jusqu’à briser les règles 
				grammaticales. L’objectif est de donner plus de force à ses 
				phrases, un « effet visuel » (可视性) 
				aux écrits, de faire en sorte que les lecteurs vivent 
				véritablement les événements (现场感) 
				en rendant son langage « plus vivant et dynamique ». 
				  
				
				    Ce style est 
				facilement identifiable dans le premier chapitre. En effet, dans 
				chaque sous chapitre, avant de raconter l’histoire d’un 
				personnage, quelques mots-clés résument sa vie. Prenons 
				l’exemple du début de la biographie de Zhong Yongsheng : 
				  
				
				
				成为中国先富起来的人。喜欢说话,容易动情,更容易被流行歌曲打动。敢于冒险,十分强势,九分自恋。非常顾家,血缘姓氏
				
				
				观念极强,在骨子里,不自觉地。Page 
				149 
				
				« Parmi les premiers Chinois 
				enrichis. Aime parler, s’émeut facilement. Encore plus 
				facilement ému par les chansons populaires. Prend des risques 
				avec courage, excessivement dominant, narcissique neuf fois sur 
				dix. Très attaché à sa famille. Fort sentiment des liens de 
				sang, aux tréfonds de son être, dans son inconscient. » 
				  
				
				
				    
				L’humour de 
				Chi Li est présent tout au long du roman. Les deux familles 
				portent  les mêmes noms de famille que deux amis célèbres de la 
				période des Printemps et Automnes, les « amis intimes » (知音 
				zhiyin) Yu Boya 
				俞伯牙 
				et Zhong Ziqi 
				钟子期, 
				l’un musicien, l’autre bûcheron, liés par leur commune 
				appréciation et compréhension de la musique 
				
				. 
				Dans l’histoire contée par Chi Li, les deux familles sont unies 
				par le même niveau de richesse et de statut social, mais 
				l’amitié entre elles est un luxe ; parfois, même la simple 
				politesse est absente : quand Yu Siyu tarde à être enceinte, sa 
				belle-mère n’hésite pas à la traiter de « poule qui ne pond 
				pas ». Après les efforts considérables déployés par la 
				belle-mère en vue de planifier la conception d’un deuxième 
				enfant, la suite des onze « pas enceinte » du chapitre II est 
				d’une ironie grinçante. 
				  
				
				    Il reste aux 
				lecteurs à juger si ce roman répond bien à ce qu’en a dit 
				l’auteure elle-même : 
				  
				
				
				好看。有趣。新颖。耐读。灵巧。不笨。反传统结构。不对称审美。活力动感。视觉性强。现场感强。带入感强。如果用网上流行语说,就是力争全文无尿点,只有泪点,笑点,痛点。 
				
				« Fascinant. Intéressant. 
				Original. Mérite d'être lu maintes et maintes fois. Habile. 
				Adroit. Structure à l’opposé de la tradition. Esthétique 
				asymétrique. Dynamique. Fort effet visuel. Les lecteurs vivent 
				véritablement les événements. Selon les expressions à la mode, 
				pas de passage à dormir debout tout au long de l’histoire, 
				seulement des passages qui incitent aux larmes, aux rires et à 
				la réflexion. » 
				
				  
				
				Révisé et 
				annoté par Brigitte Duzan 
				
				  
				  
				
				  
				  
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