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Hu Feng 胡风

1902-1985

Présentation

par Brigitte Duzan, 29 novembre 2025

 

2025 est à la fois le 40e anniversaire de la mort de Hu Feng (le 8 juin 1985), et le 70e anniversaire de son arrestation, en mai 1955 ; il était accusé d’avoir fomenté une « clique contre-révolutionnaire » (胡风反革命集团) qui a mené à l’inculpation de plus de deux mille personnes. On considère que c’étaient là les prémices d’un mouvement dirigé contre les intellectuels, véritable mouvement d’inquisition littéraire précurseur, déjà, de la Révolution culturelle.

 

 

Hu Feng (années 1930)

 

 

Écrivain, poète et théoricien de la littérature, membre du Parti, Hu Feng était pourtant considéré comme le successeur de Lu Xun (魯迅) ; mais, comme l’a dit l’historien de la littérature Qian Liqun (钱理群), Lu Xun lui-même, s’il avait été encore vivant et avait continué à écrire du temps de Mao, aurait certainement été arrêté lui aussi ; d’ailleurs, de son vivant, en 1934, Lu Xun, très lucide, avait dit qu’après la victoire de la Révolution il lui faudrait prendre la fuite [1].

 

Études

 

Né le 2 novembre 1902 dans le district de Qichun (蕲春县), à l’est du Hubei, de son vrai nom Zhang Guangren (张光人), Hu Feng était le fils d’un petit marchand de tofu. Il n’est allé à l’école, dans son village, qu’en 1913, puis est entré en 1920 au collège à Wuchang (武昌), l’un des districts urbains de la ville actuelle de Wuhan. De là, il est passé au lycée affilié à l’Université nationale du Sud-Est (国立东南大学附属中学), à Nankin.

 

Après sa fondation en 1922, il devient  membre de la Ligue de la jeunesse socialiste de Chine (中国社会主义青年团), rebaptisée en janvier 1925 Ligue de la Jeunesse communiste de Chine (中国共产主义青年团). En mai, cette année-là, il participe au Mouvement dit « du 30 mai » (Wǔsà Yùndòng 五卅运动), mouvement anti-impérialiste né d’un incident intervenu dans la Concession internationale de Shanghai lors duquel la police municipale avait ouvert le feu sur des protestataires[2], déclenchant des démonstrations et des émeutes dans tout le pays.

 

À la fin de 1925, Hu Feng entre à l’université de Pékin, puis, en 1926, à l’université Qinghua pour étudier la littérature occidentale. Mais il quitte bientôt l’université et rentre chez lui. Puis, en 1929, il part au Japon étudier l’anglais à l’université privée Keio (Keiō Gijuku Daigaku 慶應義塾大学), à Tokyo. Mais, en 1933, il participe à des groupes d’étudiants chinois anti-japonais et il est expulsé du pays. Il revient à Shanghai.

 

1933-1949 : activités politiques et littéraires

 

Il entre alors à la Ligue des écrivains de gauche (中国左翼作家联盟) dont il devient secrétaire et chef de la section de propagande. Il y rencontre Mei Zhi (梅志) qu’il épouse à la fin de l’année et devient un proche et disciple de Lu Xun.

 

Pendant la guerre

 

En 1934, il édite sous le manteau la revue littéraire dite « recueil de copeaux de bois » (Muxie wencong《木屑文丛》) publiée avec l’aide du Japonais Kanzō Uchiyama (ou Wu Qichan 鄔其山), le propriétaire de la librairie Uchiyama de Shanghai devenue un lieu de rencontre entre les intellectuels japonais de passage à Shanghai et leurs homologues chinois. Uchiyama était en particulier un grand ami de Lu Xun qu’il avait rencontré en 1927 et qu’il cachera plusieurs fois pour le protéger des griffes du Guomingdang. Lu Xun lui rendra hommage à la fin de sa vie dans ses poèmes en langue classique.

 

 

La librairie Uchiyama de Shanghai

 (Sichuan lu nord), vers 1930

 

 

En 1936, Hu Feng cofonde un autre journal, « Le Pétrel » (Haiyan《海燕》), qui publie des œuvres de Lu Xun et autres auteurs de gauche, dont Xiao Jun (萧军) et Xiao Hong (萧红) ou Wu Xiru (吴奚如).

 

Après le début de la guerre sino-japonaise, en 1937, Hu Feng devient le rédacteur en chef de la revue « Juillet » (Qi yue 《七月》), selon le principe qu’une revue est aussi œuvre de création (“一本杂志也是一篇创作”). Le premier numéro sort le 11 septembre, mais, en raison de l’invasion japonaise, la revue ne publie que trois numéros à Shanghai avant d’être relancée à Hankou le 16 octobre, la publication devenant semestrielle, mais avec trois fois plus de pages. La publication cesse de nouveau en juillet 1938, pour reprendre à Chongqing l’année suivante, mais comme mensuel, avant de disparaître en septembre 1941, après 35 numéros en quatre ans.

 

 

Qi yue, numéro du 11 septembre 1937

 

 

Le journal était le porte-parole du Parti communiste, publiant les discours des dirigeants, et des articles de Mao, y compris son célèbre discours « Sur Lu Xun » (《论鲁迅》), prononcé le 19 octobre 1937 pour commémorer le premier anniversaire de sa mort, que Hu Feng a publié intégralement dans Qi yue en mars 1938. Hu Feng édita aussi un numéro spécial à l’occasion de la création de la Fédération nationale des cercles artistiques et littéraires en résistance contre l’ennemi » (“中华全国文艺界抗敌协会”).

 

La plupart des œuvres littéraires publiées dans la revue exprimaient des sentiments anti-japonais et patriotiques. C’est dans Qi yue qu’ont été publiés les célèbres poèmes de Ai Qing (艾青) « Le Nord » (《北方》) et « Vers le soleil » (《向太阳》). C’était une poésie « de combat » (“战斗诗体”), simple et facile à mémoriser, comme le poème de Hu Feng « Serment de sang » (《血誓》). Hu Feng a également publié des documents et témoignages sur la bataille de Shanghai et le massacre de Nankin, par des soldats qui avaient participé aux combats et des correspondants de guerre, mais aussi des articles critiquant la corruption et l’ineptie du gouvernement du Guomingdang. 

 

La revue est restée comme un véritable bastion de résistance contre l’ennemi en pleine guerre, mais pas seulement.Hu Feng y a aussi poursuivi un travail d’édition dans l’esprit de Lu Xun, en offrant conseils et directives aux jeunes auteurs, et en leur ouvrant des rubriques comme « Cartes postales de la société de Juillet » (“七月社明信片”) ou « Aux lecteurs » (“致读者”), en les incitant à privilégier les récits courts et vivants, reflétant un esprit critique mais sans tomber dans l’abstraction. Il a parallèlement édité des recueils de poèmes (《七月诗丛》) et d’essais (《七月文丛》) publiés dans la revue.

 

Cependant, après ce qu’on a appelé « l’incident de la Nouvelle Quatrième Armée » (新四軍事件), en janvier 1941, la défaite (et les lourdes pertes) des forces communistes mettent fin à la fragile unité du Guomingdang et du Parti communiste pour lutter contre les Japonais, Hu Feng doit quitter Chongqing. Des rumeurs diffusées par les journaux nationalistes le disent mort à Hong Kong, il est en fait parti à Guilin où il publie un article ironique : « Un Revenant » (en référence à la pièce d’Ibsen « Les Revenants »)[3].

 

Après la guerre

 

Le 1er janvier 1945, il fonde la revue « Espoir » (Xiwang《希望》) dont il est rédacteur en chef. Les quatre premiers numéros sont publiés à Chongqing, les quatre suivants à Shanghai de mai à octobre 1946. Elle suit la même ligne éditoriale que Qi yue, en participant à l’intense lutte politique de la période, dans un esprit de réalisme bien plus sombre que celui de la guerre.

 

 

Xiwang, n°4

 

 

La poésie occupe une part importante des œuvres publiées dans la revue, mais aussi des essais et articles de théorie sur la littérature et les arts, ainsi que des nouvelles dont « La vie de Luo Dadou » (《罗大斗的一生》) et « Wang Xingfa et sa femme » (《王兴发夫妇》) de Lu Ling (路翎) ou encore « Fleur de balsamine » (《凤仙花》) de Kong Jue (孔厥) et « L’Union » (《结合》) de Jin Tuo (晋驼). On parle d’ « École de Juillet » (七月派).

 

Dans le premier numéro de la revue paraissent deux essais importants dans le contexte des débats littéraires et politiques de la période : « De plain-pied dans la lutte pour la démocratie » (《置身在为民主的斗争里面》) de Hu Feng lui-même et « Sur la subjectivité » (《论主观》) de Shu Wu (舒芜).

 

Autant de questions vivement débattues pendant toutes ces années, jusqu’à la réunion, en juillet 1949, du Premier Congrès national des représentants des cercles littéraires et artistiques (中华全国文学艺术界代表大会) auquel Hu Feng a participé en tant que membre de la Fédération nationale des Cercles littéraires et artistiques (中国文联委员) et membre de la direction de l’Association des écrivains chinois (中国作家协会理事).

 

Le 1er octobre 1949, du haut de la tribune de Tian’anmen, Mao Zedong proclame la fondation de la République populaire. C’est l’enthousiasme, les poèmes lyriques en hommage à la Chine nouvelle pleuvent (致新中国的颂歌), comme l’ « Ode à la Chine nouvelle » (《新华颂》) de Guo Moruo (郭沫若). Mais Hu Feng lui-même n’est pas en reste : il écrit « Le temps a commencé » (时间开始了), long poème symphonique de 4 600 vers, en cinq parties, dont la première est publiée le 20 novembre 1949 dans le Quotidien du peuple. Il commence par une Ode à la joie, et une image statufiée de Mao :

 

毛泽东                                              Mao Zedong

他站到了主席台底正中间                Il était tout en bas au milieu de la tribune

他站在飘着四面红旗的地球面底    Il était en bas de la terre au milieu de quatre bannières rouges 

中国地形正前面                               Devant cette terre accidentée de Chine

他屹立着象一尊塑像……                Il se tenait là comme une statue…

 

Mais, si Hu Feng accueille avec enthousiasme la nouvelle Chine fondée par Mao, il n’est pas d’accord avec lui sur sa vision, proclamée en 1942 au Forum de Yan’an, d’une littérature toute entière au service du peuple, et inféodée au Parti. Ce désaccord lui sera fatal.

 

1955-1985 : trente ans de persécutions

 

Le poème « Le temps a commencé » est tout de suite critiqué. Le poète Wang Yaping (王亚平) ironise en s’élevant contre la comparaison de Mao à un premier amour de jeunesse. Surtout, le directeur du département des lettres et des arts du Quotidien du peuple accuse le poème de déformer l’image du « Camarade Mao Zedong » en le présentant comme un Dieu dans les nuages, coupé du peuple. Le poème disparaîtra très vite des annales officielles, pour être « politiquement incorrect » (政治不正确”). Mais il n’est pas plus conforme à l’image stéréotypée de Hu Feng comme « disciple de Lu Xun » (“鲁迅传人”), colportée, entre autres, par les images des funérailles de Lu Xun à Shanghai, où Hu Feng figurait parmi les seize personnalités qui se relayaient pour porter le cercueil, dont Ba Jin (巴金), Mao Dun (茅盾) et autres.

 

 

22 octobre 1936, funérailles de Lu Xun à Shanghai.

Hu Feng parmi les personnalités qui se relaient pour porter le cercueil,

 

 

Le poème continue encore aujourd’hui à faire couler beaucoup d’encre, mais il contribue à montrer que Hu Feng était profondément attaché au communisme. Ce qu’il n’acceptait pas, c’était la conception maoïste de la littérature. Au début des années 1950, il s’est opposé directement, en particulier, au concept de « forme nationale » (民族形式) érigé en dogme par Zhou Yang (周扬), l’un des principes énoncés étant que les écrivains doivent apprendre des masses, et non l’inverse. Mais Zhou Yang est devenu en 1949 l’un des principaux théoriciens littéraires de Mao.

 

Hu Feng écrit une critique de la « forme nationale » (Sur le problème de la forme nationale《论民族形式问题》). De mai 1949 à février 1952, il écrit de courts essais sur sa vision de la littérature, mais aussi sur la politique, regroupés dans le recueil « Des origines au déluge » (Cong yuantou dao hongliu《从源头到洪流》) publié en juin 1952 – commençant par un article célébrant le 30ème anniversaire du mouvement du 4 mai.

 

Il est critiqué dès 1948 pour être en opposition aux déclarations de Mao au Forum de Yan’an de 1942 sur la littérature et les arts. En 1952, le Journal de la littérature et des arts (le Wenyi bao 《文艺报》) reçoit des lettres demandant que soient critiquées les théories littéraires de Hu Feng. Or, fondé en septembre 1949, ce journal était édité par l’Association des écrivains et publié par la Librairie Xinhua (新华书店). Ces lettres sont publiées par le journal.

 

De 1952 à 1954, Hu Feng fait partie de la rédaction de « Littérature du peuple » (《人民文学》), mais il est de plus en plus critiqué… et trahi. Ainsi en 1952, le jeune Shu Wu (舒芜) qui avait publié dans Xiwang en considérant Hu Feng comme son mentor, quelqu’un qui était à même de « le guider, le soutenir, l’éduquer et l’inspirer », ce même Shu Wu préfère s’aligner avec les détracteurs de Hu Feng et publie, sous forme d’autocritique, un article reconsidérant (positivement) les conclusions du Forum de Yan’an - après quoi il entrera à la rédaction de Littérature du peuple.

 

 Mais c’est la consécration de Zhou Yang comme bras droit de Mao qui incite Hu Feng à réagir. Il écrit un long « Rapport sur la situation de la pratique littéraire et artistique de ces dernières années » (《关于几年来文艺实践情况的报告》), connu comme « le mémoire de 300 000 mots » (《三十万言书》), adressé en juillet 1954 au Bureau politique du Parti, comme autrefois les mémoires à l’Empereur[4].

 

La riposte ne se fait pas attendre : c’est devenu une affaire d’État. En janvier 1955, le département de la propagande du Parti soumet un rapport au Comité central pour demander que Hu Feng soit critiqué. Début mai, Shu Wu remet sa correspondance avec Hu Feng, en l’accusant d’être à la tête d’une « clique contre-révolutionnaire ». Mao s’empare des lettres, en rédige une préface, et ordonne au Quotidien du peuple de les publier sous le titre « Documents concernant la Clique contre-révolutionnaire de Hu Feng » (关于胡风反党集团的一些材料).

 

Le 17 mai, Hu Feng est soudain arrêté en pleine nuit avec sa femme Mei Zhi et envoyé à la prison Qincheng (秦城监狱) de Pékin, prison de haute sécurité pour prisonniers politiques dépendant du ministère de la Sécurité publique. Plus de deux mille personnes sont arrêtées en même temps, accusées de faire partie de cette « clique » et envoyées en camp. Certains n’en reviendront pas, d’autres témoigneront de l’absurdité de ces accusations, tel Wang Rong (王戎) qui était acteur à Chongqing pendant la guerre et a mis des années à comprendre pourquoi il avait été accusé et envoyé en camp : pour trois malheureux articles publiés en 1945-46 sur une pièce de théâtre[5] ; il ne l’a compris qu’en 1979, après 24 ans de prison et de camp.

 

Après leur arrestation, Mei Zhi restera emprisonnée 70 mois et Hu Feng dix ans et demi, années pendant lesquelles elle n’aura aucune nouvelle de lui. Et soudain, en 1965, alors qu’elle le pensait mort, elle reçoit une autorisation de visite. Il est bientôt remis en liberté, ils passent le Nouvel An en famille, avec leurs enfants, mais, au début de la Révolution culturelle, ils sont envoyés au Sichuan. En 1967, Hu Feng est envoyé en camp, et Mei Zhi laissée seule de son côté dans un autre camp.

 

En janvier 1970, il est condamné à vie. En 1972, Mei Zhi est envoyée s’occuper de lui. Quand elle le retrouve, dira-t-elle dans ses mémoires, c’est un homme qui n’est plus que l’ombre de lui-même, effrayé de manger même une mandarine, de peur d’être dénoncé. Au début de 1976, il est à nouveau très affecté par l’annonce de la mort de Zhou Enlai et retombe dans des hallucinations.

 

Il est libéré en 1979, mais n’est que partiellement réhabilité en septembre 1980. Il meurt d’un cancer le 8 juin 1985. Il ne sera totalement exonéré de toute accusation qu’en 1988, à titre posthume.

 

 

Hu Feng au début des années 1980 (photo Caixin)  

 

 


 

Publications

 

Les œuvres complètes de Hu Feng (胡风全集), en dix volumes, ont été publiées en 1999 par les Éditions du peuple du Hubei. Les dix volumes comprennent des œuvres littéraires (poèmes, essais, lettres et recensions) et des textes de théorie littéraire, ainsi que des textes historiques comme le fameux « mémoire de 300 000 mots ». Un volume supplémentaire a été publié par le même éditeur en 2014.

 

 

Les œuvres complètes de Hu Feng

 

 

Citons entre autres :

 

Théorie littéraire

 

1941 : [Sur les formes nationales] Lun minzu xingshi wenti 《论民族形式问题》

1943 : [La guerre nationale et la nature des lettres et des arts]

            Minzu zhanzheng yu wenyi xingge 《民族战争与文艺性格》

1948 : [Sur la route du réalisme] Lun xianshizhuyi de lu 《论现实主义的路》

Théorie littéraire visant à une « synthèse du subjectif et de l’objectif » dans une optique « sinisante » de la théorie littéraire marxiste, dans le contexte d’une interprétation de la tradition du 4 mai.

 

Poèmes

 

- Fleurs sauvages et flèches 《野花与箭》、premier recueil de poèmes (1937)

- Chant pour la nation《为祖国而歌》、publié dans les « Poésies de Juillet »《七月诗丛》(août 1937)

- Le temps a commencé (《时间开始了》) (1949-1951), en cinq parties :

  Ode à la joie《欢乐颂》、Pour l’honneur et la gloire《光荣赞》、Ode au printemps 《青春颂》、

  Requiem《安魂曲》、Et autre Ode à la joie《又一个欢乐颂》。

 

 

Fleurs sauvages et flèches, éditions

des lettres et des arts du Zhejiang, avril 1996

 

 

Traductions

 

- 1936 :  [L’esprit de la montagne] Shan ling 《山灵》

Traduction de sept nouvelles d’auteurs de Taiwan et de Corée, dont six traduites du japonais, dans un contexte d’expansion de l’impérialisme japonais et de redéfinition de l’unité est-asiatique par les intellectuels de gauche. Ces traductions reflètent l’idée d’une nouvelle exploration du sujet révolutionnaire par le biais de la traduction littéraire.

 

 

Shan ling, 1936, 上海文化生活出版社

 

 

De cette même année date la traduction par Hu Feng d’une novella (zhongpian xiaoshuo 中篇小说) d’un auteur « prolétaire » japonais : « Coton » (《棉花》) - un texte, selon Hu Feng, à considérer non pour sa valeur littéraire, mais pour sa valeur de témoignage sur la vie des classes travailleuses. C’est ce qu’il souligne, entre autres, dans son essai « La littérature et la vie » (《文学与生活》).

 


 

Éléments bibliographiques

 

Mémoires et témoignages

 

- [Les mémoires de Hu Feng] (《胡风回忆录》), édités après sa mort et publiés aux éditions Littérature du peuple en novembre 1993, avec une réédition en 2005 en format poche. La première partie couvre la période 1929-1948, entre le voyage au Japon et le retour de Chongqing  à Shanghai; elle est autobiographique et concerne ses activités littéraires, son évolution idéologique et ses réflexions sur les événements historiques. La deuxième partie concerne les années de prison et de camp, elle a été compilée et complétée par sa femme Mei Zhi à partir de manuscrits et de ses écrits en prison, avec une postface expliquant les sources et le processus de compilation du livre.

À lire en ligne numérisé sur le site China Unofficial Archives :

https://minjian-danganguan.org/s/china-unofficial/item/3849#lg=1&slide=0

 

 

Les mémoires de Hu Feng

 

 

- [Histoire d’un prisonnier – Hu Feng et moi] (《伴囚记-我和胡风》), par Mei Zhi, éditions des Travailleurs (中国工人出版社), avril 2008. C’est le complément de l’ouvrage précédent, couvrant les dix ans passés à la prison de Pékin.

- Traduction : Hu Feng’s Prison Years, by Mei Zhi, tr. Gregor Benton, Verso, 2013.

 

 

Hu Feng’s Prison Years

 

 

- Literary Dissent in Communist China, by Merle Goldman, Harvard University Press, 1967.

Étude pionnière couvrant la période 1940-1960. Chapitre 7 : The Hu Feng Campaign of 1955.

Merle Goldman montre que Hu Feng, bien qu’ adhérant aux objectifs politiques du Parti, a lutté contre les diktats en matière littéraire. Mais aucune voix dissidente n’était possible.

 

Reportage

 

- Ai Xiaoming (艾晓明) : Sur la route de Miaoxi – en lisant les mémoires de Niu Lihua "Rêves brisés de Miaoxi" » (通往苗溪之路 ——读牛立华回忆录《梦断苗溪》).

Ai Xiaoming a édité les mémoires d’un ancien détenu du camp de laogai de Miaoxi au Sichuan, Niu Lihua (牛立华). Le livre est paru en 2022 à Taiwan, mais en 2020 elle est allée au Sichuan sur les traces de Niu Lihua. À Miaoxi, elle a découvert, entre autres, les vestiges de la maison abandonnée où a vécu Hu Feng. Elle n’a pu que la photographier de loin car la maison n’est pas entretenue et disparaît peu à peu dans la végétation. 

Elle a écrit un long article doublé d’un reportage photo paru sur le site de la Boston Review of Books en 2024.

 

 

L’ancienne maison de Hu Feng à Miaoxi (photo Ai Xiaoming)

 

 

Documentaire

 

- Storm under the Sun (Hongri fengbao《红日风暴》), Peng Xiaolian (彭小莲) / S. Louisa Wei (魏時煜), 2009 (139’)

Le documentaire a été coréalisé par la cinéaste et écrivaine Peng Xiaolian en hommage à son père Peng Boshan (彭柏山) qui, accusé de faire partie de la « Clique contre-révolutionnaire de Hu Feng », a été arrêté et emprisonné en 1955. Il a été battu à mort par des Gardes rouges le 2 avril 1968.

 

En 2014, S. Louisa Wei en a monté une version courte (58’50) destinée à être projetée lors d’un séminaire intitulé "Literary Dissent under the Chinese Communists: The Hu Feng Affair" co-organisé par l’éditeur Verso, l’English Pen et la London School of Economics, le 6 novembre 2014, avec comme intervenants Zhang Xiaoshan (张晓山), fils cadet de Hu Feng, et Gregor Benton, traducteur de la biographie de Hu Feng par Mei Zhi.

 

Storm under the Sun, version courte https://www.youtube.com/watch?v=QpBCzHQPEak

 

- En complément, en juillet 2025, S. Louisa Wei a publié [Hu Feng : idéaux d’un poète et tempête politique] (《胡風詩人理想與政治風暴), aux éditions City University of Hong Kong Press.

 


 

Note complémentaire

 

Les critiques contre Hu Feng au début des années 1950 sont à rapprocher de la virulente campagne menée contre le réalisateur Sun Yu (孙瑜), après la sortie de son film « La vie de Wu Xun » (《武训传》) en février 1951. Le succès du film est brisé net par un éditorial de la main de Mao publié dans le Quotidien du peuple du 20 mai 1951 dénonçant le caractère réactionnaire du film. Au centre des attaques figure Zhou Yang, alors directeur adjoint du bureau de la propagande du Comité central du Parti, qui attaque le film début juillet dans le Quotidien du Peuple, puis dans la revue Littérature du Peuple.

 

Ces attaques qui brisent la carrière de Sun Yu, comme les critiques visant Hu Feng, sont à replacer dans le contexte de la guerre de Corée, et le climat tendu se traduisant, le 21 février 1951, par le décret « relatif à la répression des contre-révolutionnaires » entraînant un « mouvement de rectification » dont l’importance est encore soulignée en septembre 1953 à la deuxième « conférence nationale des travailleurs des lettres et des arts ». Sun Yu, cependant, s’il est pris à parti pendant la Révolution culturelle et brièvement envoyé dans une « École de cadres », ne sera jamais envoyé en camp.

 

 


[1] Voir  la conférence donnée par Qian Liqun le 23 avril 2016 au département de littérature de l’université de sciences politiques de Taiwan.

[2] À la suite de disputes et de grèves dans les usines textiles possédées par des Japonais à Shanghai.

[3] D’après les mémoires de Jia Zhifang (贾植芳), « Hu Feng et moi », publiées en 1993 par la fille de Hu Feng, Xiao Feng (晓风), aux éditions du peuple du Ningxia. Voir l’article de Michael Ingle « Zhifang Remembers Hu Feng » publié sur le site « The Story of Hu Feng ».

[4] Le rapport aurait été remis à Xi Zhongxun (习仲勋), père de l’actuel président Xi Jinping, qui supervisait alors les affaires culturelles du Parti, avant d’être lui-même victime d’une purge en 1962.

[5] Avec Jia Zhifang (贾植芳) qui était, lui, un proche de Hu Feng, Wang Rong est l’un de ceux qui ont écrit leur histoire pour le livre « Histoire d’un prisonnier - Hu Feng et moi » (《伴囚记-我和胡风》) édité par la fille de Hu Feng, Xiao Feng (voir ci-dessus).

Voir l’article de Michael Ingle sur le site The Story of Hu Feng.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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