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Yang Benfen
杨本芬
Présentation
par Brigitte Duzan, 6 novembre
2022
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Yang
Benfen |
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Yang Benfen (杨本芬)
est une écrivaine étonnante : elle a soudain fait parler d’elle
en 2020, à l’âge de 80 ans, en publiant son premier roman
(autobiographique), aussitôt devenu un bestseller. Elle en a
depuis lors publié deux autres qui ont rencontré le même succès.
Elle a vécu longtemps dans le
Jiangxi, dans le sud de la Chine, avant d’arriver à Nankin à
l’âge de 60 ans pour vivre chez sa deuxième fille, Zhang Hong (章红),
et, comme beaucoup d’autres, s’occuper de sa petite-fille pour
que sa fille puisse travailler. La différence, en ce qui la
concerne, est qu’elle préfère la lecture et l’écriture aux
danses dans les parcs et aux parties de mahjong ou de cartes.
2020 : Jardin d’automne
Poussée par sa fille, elle a
voulu rendre hommage à sa mère, morte en 2003, à l’âge de 89
ans, pour que son souvenir et ceux de son époque ne soient pas
oubliés. « Jardin d’automne » (Qiu yuan《秋园》)
est cet hommage, écrit sur le coin de la table de la cuisine,
entre l’évier, la cuisinière et le réfrigérateur.
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Jardin d’automne Qiu
yuan |
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Elle a dit avoir trouvé
l’inspiration initiale dans un récit de Zheng Shiping (郑世平),
autrement dit
Tujia Yefu (土家野夫)
: « Ma mère disparue dans le fleuve » (《江上的母亲》),
écrit en hommage à sa mère qui s’est noyée après avoir été
persécutée. Yang Benfen a alors brusquement eu l’intuition
qu’elle pouvait, elle aussi, écrire ses souvenirs de sa mère,
née à Luoyang en 1914, trois ans après la chute de la dernière
dynastie impériale. Très bonne élève, elle n’a pu continuer ses
études car elle a été mariée à un jeune officier du Guomingdang.
Sa vie est un reflet des bouleversements de l’époque et des
conditions de vie : son fils cadet est mort de pneumonie à l’âge
de 13 mois, sa fille cadette de dysenterie et son deuxième fils
noyé ; quant à son mari, il est mort de faim, persécuté dans les
années 1950.
Yang Benfen a terminé un premier jet de plus
de cent mille caractères en 2007. Fascinée par le récit de sa
mère, sa fille, qui est elle-même une fervente lectrice,
diplômée de littérature chinoise de l’université de Nankin et
auteure de livres pour enfants, l’a aidée à le publier sur
internet deux ans plus tard. Les messages d’intérêt et de
soutien se sont multipliés. Mais ce n’est malgré tout que dix
ans plus tard, en 2019, que le récit sérialisé sur internet a
attiré l’attention d’une maison d’édition qui a décidé de
publier le livre, sorti en juin 2020. Ce fut le succès : 90 000
exemplaires vendus
!.
Ce que raconte Yang Benfen, ce
sont des souvenirs que partagent des millions de femmes de son
âge qui ont connu des vies très semblables. Née en 1940 à
Xiangyin, dans le Hunan (湖南湘阴),
elle était l’aînée de la famille ; comme son père était malade,
elle dut quitter l’école pour aider sa mère, n’y revint qu’à
l’âge de 11 ans, mais réussit à entrer à 17 ans dans une école
technique du Hunan, lisant avec passion sous les couvertures
avec une lampe électrique. Elle fut rattrapée par le passé de
son père qui avait servi le Guomingdang. Envoyée dans le
Jiangxi, elle s’est mariée parce que son mari lui promettait
qu’elle pourrait continuer ses études, mais ces espoirs ont été
anéantis quand elle a donné naissance à trois enfants à la
suite. En 1972, elle obtint un travail dans une compagnie de
transport routier où elle a travaillé jusqu’à sa retraite.
Elle gardera l’éternel regret
de ne pas avoir pu faire d’études et de ne pas avoir connu
l’amour, celui qu’elle lisait dans les romans étrangers
interdits qu’elle lisait en fraude… Son désir le plus grand
était de pouvoir envoyer ses trois enfants à l’université, ce
qu’elle a réussi à faire.
Si ses souvenirs touchent,
c’est qu’ils sont en outre écrits dans une langue simple et
directe, tout en fourmillant de détails pittoresques rapportés
dans l’un des dialectes du Guangxi. Elle participe du mouvement
actuel en Chine de retour nostalgique vers le passé, y compris
au cinéma. Il s’agit de noter la vie telle qu’elle était avant
que tout cela disparaisse. D’où le succès de ses livres, dans un
pays à la mémoire incertaine, voire interdite.
2021 : Bois flottant
Yan Benfen a continué et écrit
deux autres livres de souvenirs, fragmentés et fluctuants. Le
second, « Bois flottant » (Fu mu《浮木》),
est la suite directe du premier, publié en mars 2021. « Je suis
comme un bout de bois à la dérive, emporté par le courant »
dit-elle. Les gens dont elle parle sont morts, ce sont comme des
fantômes qu’elle fait revivre. Suite directe, certes, mais
construction originale.
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Bois à la dérive Fu
mu |
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Ce deuxième livre est en trois parties. La
première est écrite comme un journal intime, à la première
personne, avec les dates exactes des naissances et des morts
qu’elle évoque. La seconde partie ressemble plus à un recueil de
nouvelles de fiction. Les voisins deviennent des personnages de
fiction, la chronologie est floue, bien des paragraphes
commencent par « Un jour… ». Dans la troisième partie, enfin,
Yang Benfen note les souvenirs concernant les générations
suivantes, enfants et petits-enfants. La chronologie est
rétablie. Son regard a changé d’orientation, mais son besoin
d’écrire n’en a pas changé pour autant.
2022 : Je suis une riche
senteur
Elle a complété sa trilogie de
souvenirs avec un troisième roman publié en février 2022: « Je
suis une riche senteur » (Wo ben fen fang《我本芬芳》),
un jeu de mots sur son nom. Dans ce roman, elle raconte, à la
troisième personne, un mariage chaotique et malheureux, puis
raconte sa propre expérience. Elle dépeint les difficultés d’un
couple ; la femme, qui avait des problèmes, s’est mariée pour
les résoudre, sans prendre en considération ni contexte
familial, ni éducation, ni intérêts personnels. Cet arrangement
de circonstance a entraîné frustrations, amertume, haine et
désespoir. C’est un prototype du mariage traditionnel conclu
dans le passé. Les deux époux se parlent à peine, et ne
s’adressent guère la parole que quand ils se disputent. Le roman
doit une grande partie de son succès aux détails originaux sur
la vie quotidienne.
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Je
suis une riche senteur Wo
ben fen fang |
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Yang Benfen a désormais
délaissé la plume pour écrire à l’ordinateur, mais son temps
d’écriture est limité par les obligations familiales au
quotidien, le temps qu’elle doit consacrer à son mari qui perd
la mémoire, outre sa petite-fille. Elle prépare cependant son
quatrième livre…
Yang Benfen en
images :
https://www.dailymotion.com/video/x8a99gx
Photos de famille :
http://www.xinhuanet.com/culturepro/20220222/7b3399a34de946c99db2696554d82166/c.html
Publications
2020 Jardin
d’automne Qiu yuan
《秋园》
2021 Bois à la dérive
Fu mu《浮木》
2022 Je suis une
riche senteur Wo ben fen fang
《我本芬芳》
Selon les
chiffres de ventes début mai 2022.
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