Nouvelles de a à z

 

« Il ne faut jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu’on a lues »

Sei Shōnagon (Notes de chevet)

 
 
 
     

 

 

Wang Xiaoni : La locomotive

王小妮 《火车头》

par Brigitte Duzan, 17 mai 2016

 

Voilà sans doute le plus beau texte du recueil « 1966 » de Wang Xiaoni (王小妮), écrit et publié séparément à la fin des années 1990, mais révisé en 2014 pour être publié dans ce recueil. Il est tout à fait dans le style de ces récits : il est structuré en trois parties, avec une partie centrale en flashback, mais les événements de cette première année de la Révolution culturelle n’y apparaissent qu’en toile de fond, à travers le regard de l’enfant qui en est le personnage principal, et dans la mesure où ils ont des répercussions sur sa vie. Ils n’ont pas de signification en soi, ni de logique particulière, il en est ainsi.

 

Pourtant, la vie de l’enfant en est totalement perturbée, surtout à cause de la disparition de son frère, dont il fait un dieu, assimilé à cet autre dieu qu’est à ses yeux la locomotive qui l’a emporté, et dont il apprend qu’elle ne le ramènera pas. C’est tout son monde qui s’écroule, mais c’est finalement le rêve, et l’art qui en est l’expression, qui lui permettent de transcender sa solitude, et le vide qu’est devenue son existence.

 

C’est un texte d’une grande poésie, qui joue sur l’allusion, l’allégorie et l’expression délicate des sentiments, pour faire un portrait d’enfant d’une extrême sensibilité, au-delà des « cicatrices ».

 

讲一个孤独的男孩,1966年他8岁。
现在是秋天,男孩正沿着火车轨道走,那些油黑的枕木们憨厚粗壮。这孩子又孤单又风尘仆仆1
,碎石头硌着脚,他的胶鞋快磨漏了。他只知道走,不知道有人正在找他,是个头上戴帽子,袖子上戴红箍的大人。

1. 风尘仆仆 fēngchén púpú couvert de la poussière d’un voyage, fatigué par le voyage

 

Ceci est l’histoire d’un petit garçon solitaire qui a huit ans en 1966.

C’est l’automne, le petit garçon marche le long des rails de la voie ferrée, en suivant les traverses grossières, noires de graisse. Il est à la fois solitaire et fatigué par ses périples, la pointe des cailloux lui blesse les pieds à travers ses chaussures usées jusqu’à la corde. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il doit marcher ; il ne sait pas que quelqu’un le cherche, un homme qui porte un chapeau et sur sa manche un brassard rouge.


戴帽子的人把自行车靠在一排木栅栏上,很多的闲人围过来。这一年,城市里的闲人太多,满胡同都是他们猛然起身带动的尘土,他们不看眼前这个人,都在探头,看他刚骑车经过的胡同口。这一年里,只要见个袖子戴红箍的,身后多会浩浩荡荡跟着大队伍。
可这个戴帽子的是独自一人,他在雨搭下有一对门柱的屋子前喊。
闲人们说:你喊谁呢,这个当官的不是早都给带走了吗?
戴帽子的人说:喊他家的孩子。

闲人们散开了,挺没趣地又坐回到马路边。他们说:呵,这家孩子,大的不知道哪儿去了,小的那个不学好,见天窜火车站,偷东西,当了小绺 [1]

 

L’homme au chapeau appuie sa bicyclette contre la barrière en bois, et il est aussitôt entouré par un groupe de gens désœuvrés. Cette année-là, il y avait beaucoup trop de gens désœuvrés, dans la ville. La ruelle est couverte de la poussière soulevée par leur arrivée soudaine, mais ils ne regardent pas l’homme devant eux, ils regardent derrière lui, à l’autre bout de la ruelle, d’où il est venu. Car, cette année-là, quand on voyait arriver un homme portant un brassard rouge, il était toujours suivi d’une troupe imposante.

Mais cet homme-làest seul ; sous la pluie, il s’est arrêté devant une maison dont la porte est encadrée par deux piliers, et il appelle.

Les badauds lui demandent : qui appelles-tu ? ce fonctionnaire a été emmené il y a déjà quelques temps, non ?

J’appelle ses enfants, répond l’homme au chapeau.
Le groupe de badauds se disperse ; l’air mécontent, ils vont s’asseoir au bord de la rue. Ah, disent-ils, ces enfants, le grand est parti on ne sait où, et le petit est un chenapan qui passe ses journées à la gare, à chaparder une chose ou l’autre, c’est un voleur.


屋子里没有人,戴帽子的人看见长凳上摆了几十个椭圆形面包,每个都套着有铁路标志的纸袋,空气中是面粉发酵后的气味。
戴帽子的人放下五张一元的人民币,拿一条面包压住它们,那面包硬得像块木头。
他看见这里最宽阔的墙上挂着马克思、恩格斯、列宁、斯大林的画像,摆布得极其均匀,四个人在玻璃镜框里坐得稳稳当当,威严庄重不苟言笑。戴帽子的人曾经来过这里做客,他当时和主人就是在这四幅画像下面喝茶,这位置曾经挂一幅绿丝绒的帘子,两张沙发一只茶几,现在,光秃秃地只剩了墙上四个画像。几次来抄家的人,都要去坐坐沙发:这种洋东西,好哇。最后,它们被抬上卡车,给他们的头目享用了。

 

Il n’y a personne dans la maison. L’homme au chapeau remarque, posés sur un banc, une dizaine de petits pains ovales, chacun dans une poche de papier marquée du sceau de la gare ; il flotte dans l’air une odeur de farine fermentée.

L’homme au chapeau pose cinq billets d’un yuan sous l’un des petits pains, tellement dur qu’on dirait de la pierre.

Sur le plus grand mur de la pièce sont accrochés les portraits de Marx, Engels, Lénine et Staline, parfaitement bien répartis sur toute la surface. Tous les quatre paraissent bien en sécurité dans leur cadre de verre, l’air digne et solennel, d’un sérieux impassible. L’homme au chapeau a été invité dans cette maison, dans le passé ; il lui est arrivé de prendre le thé avec son hôte sous ces quatre portraits, mais il y avait alors là des rideaux de velours vert, deux sofas et une table à thé. Maintenant, la pièce est vide, il ne reste que les quatre portraits au mur. Les gens venus perquisitionner se sont assis sur les sofas : pas mal, ces trucs étrangers. Alors les sofas ont été embarqués dans des camions, pour que le chef de la bande puisse en jouir à son tour. 


戴帽子的人出来对路边的闲人们说:告诉他家孩子,以后一个月发他们五块钱生活费。胡同里白亮刺眼,闲人们又聚拢起来,讨论五块钱的问题:组织上大仁大义,这样的人还给生活费?
戴棉帽子的人歪歪扭扭骑上车,人们都听见了火车拉笛的长声。正是男孩走在憨厚粗壮枕木上的时候。

En ressortant, l’homme au chapeau laisse un message aux badauds assisau bord de la rue : dites aux enfants qu’ils recevront désormais une allocation mensuelle de cinq yuans pour leurs dépenses quotidiennes. Les badauds se rassemblent à nouveau dans la ruelle inondée de soleil pour discuter de la question des cinq yuans : l’organisation du Parti est vraiment bienveillante et généreuse, faut-il verser des allocations à ce genre de personne ?

L’homme au chapeau repart en zigzagant sur sa bicyclette ; on entend longuement le sifflet d’un train. C’est juste au moment où le petit garçon marche le long des traverses grossières de la voie ferrée.


火车在什么地方喘着粗气。正行走的男孩站住,一条瘦长蚂蚱那样坐下来,靠住一些装粮食的麻袋。他的每个手指头都在背后用劲,麻袋被钻破了,黄豆像自来水簌簌地流出来,很快,它们盛满了男孩的两个裤袋。蚂蚱最后的好日子就是秋天,男孩支起两条细腿,马上感到了沉,裤子拖着下坠,这都是黄豆的重量。他往嘴里扔一颗一颗黄豆嚼。腥,他说。
有四辆火车头同时开动,向着不同的方向,有一辆在道岔上斜插过来。男孩带着两裤袋黄豆走。斜插的火车头拉汽笛,男孩觉得那声音正是从他两只耳朵的最深处发出来的。坚硬的黑钢铁,庞然大物,像个英雄,全身的拉动杆、车轴、车轮,带着地面,向前运动。男孩仰望着火车头的经过,黑黄的煤烟穿过这个激动的孩子。

火车头们都走远了。男孩又坐下来,身上的每个部位都发痒,痒都他坐不住,只得起身继续走。凉风吹着这个孩子,抽着他身上的每一条布纹,除了两袋黄豆,他小身体上还有别的重量吗。

 

On entend, quelque part, le souffle haletant d’un train. Le petit garçon arrête de marcher droit devant lui et, tel un criquet toute maigre, s’assoit en s’appuyant contre un sac de jute plein de graines. Derrière son dos, il appuie ses doigts de toutes ses forces sur la toile du sac, qu’il finit par percer ; les graines de soja s’en échappent comme de l’eau coulant à flot d’un robinet, et l’enfant en remplit très vite les deux poches de son pantalon. Les derniers beaux jours des criquets sont en automne ; le petit garçon étend les jambes et se sent soudain très lourd, son pantalon traîne par terre sous le poids des graines de soja. Il prend une graine après l’autre, et les mâchonne en s’exclamant : beurk….

Quatre locomotives démarrent au même moment, dans des directions différentes, et l’une d’elle part en diagonale à l’aiguillage. Le petit garçon avance en traînant ses poches pleines de graines de soja. Il entend siffler la locomotive partie en diagonale, comme si le bruit du sifflet venait du plus profond de l’intérieur de ses oreilles. Tel un héros propulsé par ses pistons, axes et roues, l’énorme colosse d’acier noir fonce devant lui, enveloppant d’une fumée jaune foncé le petit garçon tout excité qui a levé la tête pour le regarder passer.

Ce sont toutes des locomotives de trains longue distance. Le petit garçon s’assoit à nouveau, mais il a le corps entier qui le démange, et le démange tellement qu’il ne peut rester assis ; la seule solution est de se relever, et de continuer à marcher. Il souffle un vent froid qui s’insinue dans les moindres plis de ses vêtements, et l’enfant semble ne peser que le poids des graines de soja dont ses poches sont pleines.


这个秋天,男孩的目标就是火车站。铁轨道岔像很多根又黑又长的巨形面条。这个时候,正是每天一班从北京开来的火车到站,它换过火车头,很快就又要开回北京。
天空变暗,它把原先湛蓝的脸收回,换成一张极压抑的黑脸。男孩在一条铁轨上走。
嘿,小孩,那小王八蛋!
有人在背后喊。男孩开始跑,大腿两侧的黄豆阻碍奔跑速度。他听见自己的喘气,已经和一架刚启动的火车头差不多了。

 

Cet automne-là, la gare est le seul objectif du petit garçon. Les rails et les aiguillages sont comme de longues gigantesques nouilles noires. Chaque jour, à cette heure-là, un train venu de Pékin entre en gare, et change de locomotive avant de repartir très vite pour Pékin.

Le ciel s’assombrit, et reprend son visage azuré pour le remplacer par un autre tout noir, aux teintes refoulées. L’enfant avance le long des rails.

Eh ! toi, là-bas, petit garnement !

Quelqu’un a crié derrière lui. Alors le petit garçon part en courant, mais les graines de soja, dans ses deux poches, l’empêchent d’accélérer. Il entend sa respiration haletante, un peu comme une locomotive qui viendrait juste de démarrer.


跑了很久才发现并没人追赶,男孩慢下来,躲在一些帆布邮包后面,发现骂他的是扛包的散工。那些人正在笑,戴着电影里日本侵略军那种有披肩的怪帽子。
如果那些人扑楞着追过来说:小孩,你干啥,敢偷国家的粮?
男孩会说:我来找我哥。
扛包的散工会说:遮呢,你哥是啥人,上这来找,扛包的?开火车的?
男孩会说:我哥上北京了。
散工们说:成千上万的人都上北京了,都扒火车去的,你能找着你哥,快滚吧。
并没有人和他说话,也没人追他,也没人多看他一眼。他懒散地向车站以外走,他要回家。

 

Il court pendant longtemps avant de s’apercevoir que personne ne le poursuit ; alors il ralentit, et se cache derrière des sacs postaux. Il réalise que ceux qui l’ont interpellé sont des porteurs qui ont terminé leur journée de travail. Ils sont en train de rire, et portent ces couvre-chefs bizarres avec des pans de tissu sur la nuque comme on en voit dans les films sur la tête des soldats de l’armée d’invasion japonaise.

S’ils le rattrapaient et lui demandaient : Eh petit, qu’est-ce que tu fais, tu voles les grains de l’Etat ?

Le petit garçon leur répondrait : je cherche mon frère.

A quoi les porteurs rétorqueraient : Menteur, c’est qui, ton frère, un porteur ? un conducteur de train ?

Alors l’enfant expliquerait : Mon frère est parti à Pékin.

Ah, diraient les porteurs, mais il y a des millions de gens qui sont partis à Pékin, tous par le train, et tu crois que tu vas trouver ton frère ? Allez, dégage !

Mais personne ne lui adresse la parole, personne ne le suit, personne même ne fait la moindre attention à lui. Alors il revient tranquillement vers la gare, pour rentrer chez lui.


男孩的哥哥去北京那天,火车站的人相当多。一进站,男孩就跟不上他哥哥,他只有不断向上窜跳,紧盯着前面那个高个子,哥哥一会消失一会出现。后来,哥哥停下来等他说:你别这么跟着我哭,谁愿意身后跟一个鼻涕鬼。男孩努力用袖口抹眼泪抹眼泪,可鼻涕眼泪还是流。他挨近一根水泥柱,往那上面抹鼻涕,它马上被一个人蹭到背上,那个人亮晶晶地往前挤。一些人开始唱歌。
哥哥特别大声地说:中学生才能去北京,不能带你,快回家去!
男孩说:我不想一个人在家。
哥哥说:爸兴许快回家了,兴许明天就能给送回来,快回家吧。

 

Le jour où son frère aîné est parti à Pékin, la gare était pleine de monde. Dès qu’il y était entré, le petit garçon n’avait pu suivre son frère ; il n’avait pu que continuer à foncer en avant, en gardant les yeux fixés devant lui sur la haute silhouette de son frère qu’il perdait de vue par moments, mais qui réapparaissait l’instant d’après. Finalement, son frère s’était arrêté pour l’attendre et lui avait dit : arrête de me suivre en pleurant, qui a envie d’avoir un morveux à ses basques ? Le petit garçon s’était efforcé d’essuyer ses larmes du revers de sa manche, mais elles avaient continué à couler, et son nez aussi. Il s’était approché d’un pilier en ciment et y avait essuyé sa morve ; un homme s’y était aussitôt frotté en passant, et avait conservé cette trace brillante dans le dos en s’éloignant. Quelques personnes s’étaient alors mises à chanter.

Son frère lui avait dit très fort : seuls les lycéens peuvent aller à Pékin, je ne peux pas t’emmener, rentre vite à la maison !

Mais l’enfant lui avait répondu : je ne veux pas rester tout seul.

Alors son frère lui avait dit : papa va peut-être rentrer bientôt, ils vont peut-être même le renvoyer chez nous demain, alors rentre vite à la maison !


男孩从小怕父亲,他们呆在一起的时间很少,那个父亲,严肃得像块挺直了的洗衣板。周围唱歌呼口号的人们突然向前拥挤,有一辆火车开过来了,男孩只顾了看火车威风凛凛1进站,再找哥哥,已经找不见了。男孩在人群里小鱼一样钻,无数人的肩膀和背包擦光了他的鼻涕眼泪。
在人腿夹缝里,男孩第一次这么近地看见火车头。它那么高,发出猛兽一样的声音,喷出棉花堆一样的热气。它有多么大的力气哦,男孩呆住了。蒸气不断地吞没站台上的每一个人。终于车窗车门上都挂着人的火车开动了,没法挤上火车的人散去,最后只有男孩一个人留在站台上。他的哥哥是被一个了不起的火车头带走了,他亲眼看见的。后来,男孩每天来火车站,想他哥哥一定还能坐着那个伟大的黑家伙回来。两条无肉的大腿上压着黄豆,小男孩站在秋天的风里,瘦粼粼的2

1. 威风凛凛 wēifēng lǐnlǐn majestueux, imposant

2. 瘦粼粼 shòu línlín maigre / (eau) claire et cristalline : d’une maigreur évanescente

(évocation poétique du rapport entre la locomotive et l’enfant ; la première expression sert de leitmotiv, on la retrouve à la fin pour qualifier le frère, assimilé à la beauté et à la majesté de la locomotive)

 

Le petit garçon avait peur de son père depuis tout petit ; ils n’ont pas beaucoup été ensemble, et le père était tellement sévère qu’il semblait aux yeux de l’enfant aussi raide qu’une planche à laver. Les gens tout autour qui chantaient et hurlaient des slogans s’étaient soudain portés en masse vers l’avant ; un train approchait. L’enfant n’avait plus regardé que le train, qui entrait majestueusement en gare, et quand il avait de nouveau cherché son frère, celui-ci avait disparu. Le petit garçon s’était frayé un chemin dans la foule comme un poisson dans l’eau, et ce sont tous ces innombrables sacs et épaules qui avaient essuyé ses larmes et sa morve.

C’est à travers les étroits interstices entre les jambes de la foule qu’il avait une locomotive de près pour la première fois. Elle était si grande, et rugissait telle une bête féroce en crachant des jets de vapeur semblables à des boules de coton. Le petit garçon avait été fasciné par une telle puissance. La foule sur le quai était chaque fois noyée dans la vapeur. Finalement, avec tous les passagers massés aux portes et aux fenêtres, le train s’était ébranlé, et ceux qui n’avaient pu y monter s’étaient dispersés. Son frère avait été emporté par une locomotive extraordinaire, il l’avait vu de ses propres yeux. Par la suite, il était revenu chaque jour à la gare, en pensant que la gigantesque créature noire finirait par lui ramener son frère. Et maintenant, les graine de soja pesant sur ses jambes grêles, l’enfant était là, tel un fétu de paille dans le vent d’automne. 

 

父亲和母亲都被带走,是在夏天,很热,男孩跟出门去,光着两只脚。马路上的沥青晒得稀软,像一张发高烧的人皮,烫他的脚板疼。带走父亲母亲的车轮碾过沥青,路面留下车轮的图案。男孩没跟着汽车也没哭,他心里的父亲母亲,就是每天要上班的两个人,他真正在乎和依赖的亲人只有哥哥。

C’est pendant l’été que son père et sa mère avaient été emmenés ; il faisait très chaud, et il était sorti avec eux nu pieds. Dans la rue, l’asphalte chauffépar le soleil était un peu mou, comme la peau d’un malade fiévreux, et lui brûlait la plante des pieds. Les roues de la voiture qui emmenait ses parents y avaient laissé leurs marques. Il n’avait pu suivre la voiture, mais n’avait pas pleuré. Ses parents n’étaient pour lui que deux personnes qui partaient travailler tous les matins ; le seul de ses proches qui comptait vraiment pour lui, et dont il dépendait, c’était son frère.


[从一个墙豁口钻出火车站,男孩看见运面包的小拖车开过来。他不打算再偷面包,那东西吃腻了。他想有一个火炉,烤黄豆吃,等它们乳黄色的豆皮啪啪地绽开,黄豆熟了,会伸开腰,送出香气。
又一辆火车头拉笛,另外一辆正停着的给它回应,也拉笛。钢轨碰见钢轨,火车头碰上火车头,司机碰上司机都要打一个招呼,说明它们有友情。男孩用手托着越走越沉的两条裤袋,向着灰暗的城市走。
开拖车运送面包的人用很窄的眼睛盯住男孩,并不是要发现小偷,从来没人去清点车上究竟有多少个面包,他的工作就是开拖车。他只是觉得这个孩子瘦得可怜,这没人经管哦,这孩子是谁家的呢?开拖车运面包的人在发酵甜面包的气味里变得无比心软。男孩发现开的在注意他,他害怕,赶紧小跑。车站广场上很多人围在一起敲鼓,和男孩差不多年纪的孩子们打着旗,旗杆短,旗面大,风吹得他们快倒了,他们还在乱哄哄地舞着旗杆打架。
]

[le petit garçon se glisse hors de la gare et aperçoit une charrette de pains, mais il n’a plus faim, il voudrait juste pouvoir faire griller ses graines de soja. L’homme qui pousse la charrette a pitié de lui, car on voit bien que personne ne s’occupe de lui. Mais l’enfant sent qu’on l’observe, et s’enfuit en courant… devant la gare, il y a une parade, des enfants de son âge brandissent des drapeaux, et jouent avec…]


路灯亮了。男孩回到家,瞅见一共五张一块钱,压在硬了的面包下面,他不知道这钱从哪儿变出来的。
压迫了他一路的黄豆都倒进一只洗脸盆,可惜家里没有火炉。男孩知道胡同对面的黑门洞里每户人家都有火炉,那些孩子会用小铁铲端几块正红着的煤炭,在没月亮的晚上到处跑,那是他们在玩火灯,回家前,他们都对着自己的火灯撒尿,把火炭熄灭。可是男孩和那些孩子不熟,用煤气的人家和用火炉的人家来往少,特别在父亲母亲都被带走以后,没有任何孩子理他。
墙上,四张老头的画像非常显眼,男孩一个一个地看他们,他们每一个也盯着他。他躲到房间的任何一个角落,他们的眼光都紧跟着追过去。

 

Dans la rue, les lumières s’allument. Quand l’enfant arrive chez lui, il aperçoit les cinq billets d’un yuan glissés sous le petit pain dur, et se demande d’où ils viennent.

Il verse dans une bassine les graines de soja qui ont pesé dans ses poches tout le long du chemin, malheureusement il n’y a pas de four dans la maison. Le petit garçon sait qu’il y en a dans toutes les maisons du quartier, dans l’allée derrière l’arche noire, et que les enfants, dans ces maisons, ont des petites pelles en fer pour prendre des braises ; dans les nuits sans lune, ils s’en servent comme de lampes pour jouer dehors, et, avant de rentrer chez eux, ils pissent dessus pour les éteindre. Mais il ne les connaît pas bien, ces enfants-là ; les familles qui utilisent le gaz et celles qui utilisent le charbon ne se fréquentent gère, et, surtout maintenant que ses parents ont été emmenés, plus aucun enfant ne lui adresse la parole.

Sur le mur, les quatre portraits attirent particulièrement le regard. L’enfant les examine un à un, et chacun d’eux l’observe de même. Où qu’il se cache dans la pièce, dans le moindre recoin, leur regard le poursuit sans faillir.


男孩来到哥哥的房间,躺在钢丝床上,翻一本哥哥的书,书名叫物理。他不知道什么是物理,只是翻看那些图,一根木杠底下垫一块圆石头。物理这种书,一看就困了。
外面的路灯亮着,照着这撕掉了窗帘的又大又空的房子。四个玻璃镜框里的老头永不睡觉,他们睁着眼睛,等这个晚上慢慢过去。

[il va dans la chambre de son frère, s’étend sur son lit et feuillette un livre marqué « physique », qui l’ennuieLa grande pièce vide est éclairée par les lampadaires de la rue, les quatre personnages sur le mur veillent dans la nuit sans fermer l’œil …]

 

树叶一下子落尽,树们朝着天空伸出它的爪子。男孩的哥哥还是没回来,所有邻居家的中学生都回来了。有一个还带回了满身斑点的大贝壳,有人带回了南方人造的领袖纪念章。男孩每天都在哥哥的床上睡,白天晚上随时睡。现在,他起来了,蹬一条裤子,如果他今后再偷黄豆,豆粒一定会边走边漏,这裤子的一只口袋漏了。

Les arbres ont soudain perdu toutes leurs feuilles et tendent leurs griffes vers le ciel. Le frère de l’enfant n’est toujours pas revenu, alors que tous les autres lycéens des familles voisines sont de retour. L’un d’eux a rapporté un gros coquillage couvert de taches de couleur, un autre un badge commémoratif fait dans le sud. L’enfant dort dans le lit de son frère, de nuit ou de jour, comme bon lui semble. Maintenant, il se lève et enfile un pantalon. S’il vole d’autres graines de soja, aujourd’hui, il va les perdre en marchant car ce pantalon a une poche percée.


北风变得恶毒,不吹男孩的衣裳,直接吹他骨头。

他又向火车站走,只有在那儿,才能一下子见到从北京回来的哥哥。伸九个手指头代表亿,一亿个人站在火车站,男孩也能从他们中间听出哥哥的声音,那是一个中学生管乐队圆号手的声音。

Le vent du nord est devenu terrible, il ne pénètre plus seulement les vêtements de l’enfant, il le glace jusqu’aux os.

Celui-ci revient pourtant à la gare, car il n’y a que là qu’il pourra soudain retrouver son frère quand il reviendra de Pékin. Il tend neuf doigts pour en représenter cent millions : même s’il y avait cent millions de personnes sur le quai, il serait quand même capable d’entendre la voix de son frère au milieu du vacarme, la voix d’un corniste de l’orchestre du lycée.


飞舞起来的细煤粉使火车站的天空昏暗。有火车头过来了,开着灯,有力量的强光扫过男孩和他脚下的一些砂子,只照了一下,很快就不照了。
沿着轨道往远走,走过钢轨之间的红灯。有一间独立的小瓦房,男孩观察它很久了。现在,他像侦察员一样摸过去。一分钟以前,那个夹着红绿旗的人出了房子,光着脑瓜,紫色的嘴唇向天空喷出有烟草味的白汽。那个人去接火车了,木偶一样立着,朝火车摆小绿旗。
小瓦房里面点着火炉,是火炉哦,满屋子都是烤黄豆的香味,火炉上热着白铝的饭盒,是什么饭菜在里面滚着,像走得太快的闹表。男孩很久都不知道饭莱有多香了。他看见木床上有棉袄和帽子,不是一般的棉袄帽子,大盖大沿的铁路帽,棉袄上套着铁路制服。天冷了,他需要保暖的衣服。

[l’enfant marche le long des rails, arrive près d’une petite maison au toit de tuiles rouges, la maison d’un aiguilleur qui est sorti pour faire passer un train, avec son drapeau… à l’intérieur, le poêle est allumé, il y a une bonne odeur de cuisine, et sur le lit une veste ouatée et une casquette. C’est l’uniforme de l’homme, mais il fait trop froid, l’enfant a besoin de vêtements chauds…]


正经过的火车是个掩护,男孩偷了棉袄和大盖帽,溜出小房子。这次没有黄豆,他跑得飞快,小瓦房的门敞开着,火炉烘出来的热气向巨大的空间散发。现在有了棉袄,男孩不冷了。
男孩爬到很多麻袋上去,躺着喘气,他那么小,跟一条没装粮食的瘪口袋差不多,铁路搬运工干一阵活以后,都是这样躺着的。铁路棉袄真暖和。

 

Profitant du passage d’un train qui le cache, le petit garçon s’empare de la veste et de la casquette et quitte furtivement la pièce. Cette fois-ci, il n’a pas de graines de soja dans les poches, il s’enfuit à toutes jambes, et comme il a laissé ouverte la porte de la petite maison, la vapeur qui se dégage du poêle se disperse dans l’espace. Maintenant qu’il a une veste, l’enfant n’a plus froid. Il grimpe au sommet d’une pile de sacs, et s’y étend pour reprendre son souffle ; quand les ouvriers des chemins de fer ont terminé leur travail, ils font de même, mais lui est si petit qu’il n’est pas beaucoup plus gros qu’un sac de graines vide. La veste de la compagnie de chemins de fer lui tient bien chaud.


丢了棉袄的铁路信号员站在铁轨上骂,他骂那些扛包的:这些臭力巴,你们全都冻死我都不眨巴眼,三只手的力巴!骂过之后,他才发现大盖帽子也没了。
拉着十几列车厢的火车头进站,男孩和每天一样,随着火车跑。每一扇车窗里都贴着好几张人脸,他们也在看这黑乎乎的火车站。得到棉袄的这天,还是没有接到哥哥,大盖帽跑丢了。
过了几天,男孩光秃秃的脖子上挺着一颗圆脑瓜,他看着三辆火车头赛跑一样,并列着开过来,大地随着它们的牵拉,朝着火车的方向鼓劲。

[quand le cheminot se rend compte qu’on lui a volé sa veste, il maudit les voleurs quant à l’enfant, il a gagné une veste, mais toujours pas retrouvé son frère]


突然有人喊:我棉袄!给我站住,你个臭力巴,那是我的棉袄!

Soudain il entend une voix crier : ma veste ! ne bouge pas, vaurien, rends-moi ma veste !
一下子不知道这声音从哪儿来,男孩开始疯狂地奔跑,猴子一样跳过很多条道岔,几条铁轨在他的眼前像平卧的长剑,卧着却亮光闪闪。男孩跑过一条条剑,胸口像坠着一大袋黄豆,就要被抓了,就要被抓了,就要被抓了。
终于,他在一个胡同口的秃树墩上坐下来,喘了很久,胸前才轻松,但是,浑身燥热,好像无数条热虫子在棉袄里爬,他把手从领口伸进去,挺吃力地去抓。一个小姑娘抱着一只很大的红花瓷碗,碗紧扣在胸前,生怕它打了。

小姑娘站在很厚的下水道盖上。她说:你是要饭的吗?
男孩突然吼一声:去!
小姑娘跳下井盖,抱着她的碗,跑了。

[alors il s’enfuit en courant, en bondissant au milieu des voies… finalement il s’assoit sur une souche, à l’entrée d’une allée… tout son corps le démange… une petite fille tenant un grand bol de porcelaine contre sa poitrine, lui demande s’il est là pour mendier… il la chasse et elle s’enfuit]
 

有个女学生找到男孩家,短头发都抿在脑瓜后面,像个没有头发的人。女学生问了男孩的名字以后说:你过来。
他们一前一后,走过门柱,来到院子的角落。
女学生说:我是你哥的同学,在北京的时候,他让我回来一定告诉你,他可能不回来了,有人说他去了新疆,也有人说去了苏联。

 

Une étudiante a fini par trouver la maison du petit garçon ; elle a les cheveux tellement tirés en arrière du crâne qu’elle semble ne pas en avoir. Après avoir demandé son nom à l’enfant, elle lui dit : viens.

Il la suit dehors, dans un coin de la cour.

Je suis une camarade de classe de ton frère, lui dit-elle ; quand nous étions à Pékin, il m’a fait promettre de venir te dire qu’il ne reviendrait peut-être pas ; selon certains, il est parti au Xinjiang, selon d’autres en Union Soviétique.


男孩感觉周围存在着的一切都在褪色,树木马路栅栏,日本人遗留的鸟一样的红色消火栓都一瞬间化掉了,世界就是灰白的一团,包括他自己。
女学生拿出两只梨,把它们放到他的手上,重新感觉到了凉,男孩又回了人间。
女学生说:吃梨,我从北京带过来的。然后她拨一绺垂下来的头发说:听说你哥不回来是因为你爸妈,我和你说的,可不能告诉任何人,要是真上了苏联,就犯了大错,你这么小,懂吗?
男孩懂不要去火车站,哥哥不会坐火车来。他一个人在胡同里乱走,哥哥告诉过他,这个城里没有一条死胡同。傍晚居然来了点金色,天空亮得透明。以前和哥哥一起走过很多陌生的胡同,哥哥一个指头一个指头地摘手套,是圆号手的白手套。男孩总问:迷路了吧,能找回家吗?哥哥总说,所有的胡同都能走通,没有死胡同。现在,男孩是一个人往家的方向走,越走越快,一慢下来,身上就觉得虫子爬。

 

L’enfant a l’impression que le monde entier autour de lui est en train de perdre ses couleurs, les arbres, la rue, la barrière, même la bouche à incendie rouge, semblable à un oiseau, qu’ont laissée les Japonais, s’est ternie en un clin d’œil ; le monde est devenu une masse grisâtre, et, dans ce monde, lui aussi.

L’étudiante prend deux poires et les lui met dans les mains ; elles sont froides, et leur contact le ramène à la réalité.

Mange-les, dit l’étudiante, je les ai rapportées de Pékin. Puis ajoute en repoussant une mèche de ses cheveux qui est tombée : j’ai entendu dire que, si ton frère n’est pas revenu, c’est à cause de tes parents, mais tout ce que je te dis là, ne le répète à personne. S’il est vraiment parti en Union soviétique, il a commis une grosse faute, mais tu es si petit, tu comprends ?

Ce que l’enfant comprend, c’est que ce n’est plus la peine qu’il aille à la gare ; son frère ne reviendra pas par le train. Il erre sans but dans le quartier ; son frère lui a bien dit que, dans cette ville, il n’y a pas de cul-de-sac. Vers le soir, contre toute attente, apparaît une teinte dorée dans le ciel d’une clarté transparente. Dans le passé, il a arpenté bien des allées inconnues avec son frère, ce frère qui retirait doigt par doigt les gants blancs qu’il mettait pour jouer du cor. Il lui demandait sans cesse : on n’est pas perdus ? on va pouvoir rentrer à la maison ? Et son frère lui répondait : tous les hutongs ont des issues, il n’y en a pas qui soient des culs-de-sac. Maintenant, l’enfant rentre tout seul chez lui, et il marche de plus en plus vite parce que, dès qu’il ralentit, il sent des insectes ramper sur tout son corps.


男孩光溜溜地1站在家里,衣裳都脱了,像条白蚂蚱2
天呵,他看见很多虫,千军万马,在他刚脱掉的内衣衣缝里往外爬。
哥,我生虱子了!男孩自言自语。
假如哥哥还在,会从他的房里伸出头说:我看看,不是真的吧,我就来。
哥,真是虱子!男孩又说。
哥哥说:我来帮你。
男孩说:它们是吃血的吗,吃我的血它们。
哥哥的声音没了,因为他不在。

1. 光溜溜 guāng liūliū nu comme ver, nu et glissant, lisse

( liū est déjà associé à l’enfant, au sens de s’esquiver, filer – comme un voleur - c’est le terme utilisé pour exprimer sa fuite en catimini après le vol de la veste)

2. 蚂蚱 màzha (dial.) criquet – c’est aussi un terme associé à l’enfant depuis le début, pour sa petite taille.

 

Le petit garçona enlevé ses vêtements, il est nu comme un ver, dans la maison, tel un criquet blanc.

Dieu du ciel, il voit une multitude de bestioles, une armée entière qui saute des coutures des sous-vêtements qu’il vient d’enlever.  

Frère, j’ai attrapé des poux, dit l’enfant en lui-même.

Si son frère était là, il passerait la tête par la porte de sa chambre et lui dirait : je vais jeter un œil, tu me racontes des histoires, j’arrive.

Frère, ce sont vraiment des poux, dit encore l’enfant.

Je vais t’aider, répond son frère.

Ce sont des bêtes qui sucent le sang, non ? dit l’enfant, ces bêtes-là ont sucé le mien.

Mais son frère reste muet : il n’est pas là.


这个时候,房门开了,冷风和一个戴棉帽子的人钻进来。这人长得高大。
男孩说:你是谁?
戴棉帽子的人说:这么冷,衣裳都扒光了,这是咋的了?
光身子的男孩很害怕,躲在靠背椅后面问:你是谁?
空房间里回荡着声音。戴棉帽子的人说:我和你爸是一个单位里的,认识你爸十年了。上个月我来过,给你放下五块钱,一元一张的。

男孩把地板上他的衣裳连胶鞋都拖到身体旁边,他说:凭什么给五元钱?
戴棉帽子的人说:不是我的钱,是组织发给你们的生活费,你哥呢?
男孩说:我哥上北京串连1
,毛主席都接见他了。

1. 串连 (“大串连”) chuànlián (dà chuànlián) : la Grande Rencontre [2]

 

A ce moment-là, la porte s’ouvre, un vent glacial s’engouffre dans la pièce, en même temps qu’un homme portant un chapeau de coton, un homme très grand.

Qui es-tu ? demande le petit garçon.

Il fait un froid terrible, ici, dit l’homme au chapeau, pourquoi t’es-tu déshabillé ?

L’enfant, tout nu, a très peur et va se cacher derrière le dossier d’une chaise : qui es-tu ? demande-t-il.

Le son de sa voix résonne dans la pièce vide. Je suis un collègue de travail de ton père, explique l’homme au chapeau, je le connais depuis dix ans. Je suis venu le mois

 

Le grand rassemblement de Gardes rouges

du 18 août 1966 place Tian’anmen à Pékin

dernier t’apporter cinq yuans, en billets d’un yuan.

Le petit garçon ramène vers lui les vêtements et les chaussures qui sont par terre et demande : pourquoi tu m’as apporté cinq yuans ?

 

Ce n’est pas mon argent, répond l’homme au chapeau, c’est une allocation qu’on vous a accordée. Mais où est ton frère ?

Mon frère est parti à Pékin pour la Grande Rencontre1. Il a vu Mao Zedong.

戴棉帽子的人摘下了帽子,他有密实的头发,穿一双厚底的翻毛大头鞋,似乎是一个很怕冷的人。他说:你这是干啥,耍单片儿呢1,你这一身薄皮拉骨2的不是火龙衫吧3
男孩小声说:虱子。他其实很想哭,但是,不能当着一个陌生人哭,更不能光溜溜一丝不挂地哭。他必须得故作坚强。
摘了帽子的人到厨房里去烧开水,煤气灶孔被灰堵了,他弄出挺大的响声去吹火。后来,他把男孩的内衣都塞到盛满开水的饭锅里去煮,搞得厨房热气腾腾。
那人问:你天天去火车站干什么?
男孩说:接我哥哥。

那人又问:这铁路制服咋来的?
男孩说:瞅人没看见拿的。
那人突然放大声音从厨房出来说:啥叫拿的,没人看见拿了,就是偷!
男孩看见这是一个和父亲年纪差不多的大人,长脸,脸上有胡子。

1. 耍单() shuǎ dān’r (dial.) porter des vêtements très légers en hiver

2. 薄皮拉骨 báopí lāgǔ (fam.) n’avoir qu’une mince pellicule sur les os = que la peau sur les os

3. 火龙衫 huǒlóngshān  litt. ‘la chemise du dragon de feu’ - histoire populaire d’un avare qui se fait extorquer de l’argent pour une prétendue « chemise de dragon » sensée le rendre invincible contre le froid.

 

L’homme enlève son chapeau, révélant une masse de cheveux épais ; il porte des grosses chaussures à semelles épaisses, fourrées de laine, comme quelqu’un qui craint le froid.

Qu’est-ce que tu fais, à te balader tout nu comme ça en plein hiver ? demande l’homme. Maigre comme tu es, avec juste la peau sur les os, tu crois qu’elle va suffire à te protéger du froid ?

C’est que j’ai attrapé des poux, dit l’enfant d’une toute petite voix. En fait, il a très envie de pleurer, mais il ne peut quand même pas pleurer devant un étranger, et encore moins pleurer tout nu. Il faut qu’il ait l’air fort.

L’homme qui n’a plus de chapeau va dans la cuisine faire bouillir de l’eau ; mais la ventilation de la cuisinière à gaz est bouchée par des cendres, alors il souffle à grand bruit pour attiser le feu. Puis il prend les vêtements de l’enfant et les met dans un faitout plein d’eau qu’il fait bouillir, ce qui dégage une vapeur qui emplit toute la pièce.

Pourquoi vas-tu à la gare tous les jours ? demande-t-il.

Pour chercher mon frère, répond l’enfant.

L’homme demande encore : et cette veste des chemins de fer, elle vient d’où ?

Je l’ai prise pendant que personne ne regardait, dit l’enfant.

L’homme hausse soudain la voix, et hurle de la cuisine : comment cela prendre ? Prendre pendant que personne ne regarde, cela s’appelle voler !

L’enfant regarde l’homme : il est à peu près de l’âge de son père, avec le même visage allongé, et la même moustache.


很快,那人帮男孩找齐了棉衣和内衣,戴上他的棉帽子,准备离开。外面是北方冬天黄昏时候特有的紫灰相间的天色,玫瑰花瓣内蕊的颜色。戴上棉帽子,人显得更加高,他摸索着找门把手,他说:天冷了,别出去乱跑,不是自己的东西不能动。
说过这话,他忽然走近男孩,他说:小子,你记住,别的不说,你,要当一个好人。
现在,墙上的马克思,恩格斯,列宁,斯大林还是藏在玻璃后面,看着这个披条黄绿色毯子的男孩,他们四个之间离得那么近,谁也不看谁,从来不交谈,而他们每一个和男孩之间一点关系都没有。

[une fois l’enfant habillé, l’homme part après lui avoir fait la morale. Marx, Engels etc… regardent, mais chacun de son côté, sans lien entre eux ni avec l’enfant]


天亮之前,天空冻得发出响声,火车的汽笛声被全城的人做进梦里,多么疲惫辛苦忧虑惶恐的人,也能在天亮前沉稳地睡一下,也许只有十分钟,完全忘了自己是谁,不知道这个有名有姓的身体正蜷卧在人世间的哪个角落。火车声惊醒了男孩,他向外面走,戴上他哥哥的滑冰帽,粗毛线,是老保姆织的,他们的母亲做不了这些,缝补和做饭都不会。母亲和父亲认为生命是要献给工作的,既不献给衣食,也不献给孩子。滑冰帽把男孩的头显得又圆又小,蚂蚱的头差不多也是那么大。沿着马路边走,一片片踩碎薄冰,冰面一破,脏的积水马上渗出来,新的冰层又开始再结冻。

[l’enfant est réveillé par le sifflement d’un train ; il sort en mettant le bonnet de son frère qu’a tricoté leur grand-mère, leurs parents ne pensaient qu’à leur travail]


男孩夹着偷来的铁路信号员棉袄,把它送回火车道旁的小瓦房门口,想了想,又放到瓦房侧面一垛劈柴上,就在这个时候,1966年下雪了。
又有火车叫,火车心情不好,叫得好像是挣扎。男孩看到一片雪花落在身上。真清楚哦,六棱的花瓣。他很怕那个夹着小旗的信号员突然冒出来。
信号员会说:你拿我这么件破棉袄干啥,才这么一点点儿的人,就不学好,就做小绺,你是欠揍了。
男孩不敢多辩解,他可能会说:不是想偷,就是冷。
信号员也许很凶:你到火车站来干啥,混到铁路上,想搞破坏吗?

[l’enfant rapporte la veste qu’il a volée. C’est l’hiver 1966, et il neige. Il imagine les reproches du cheminot… ]


那件蓝布制服棉袄在雪里,一小会就变成了一片灰白,整个火车站都在灰白里摇晃着。男孩没遇见信号员,火车站跟冻僵了差不多,很多的火车头都停着不动。外出串连的学生都回来以后,车站没什么出车计划。火车站站台还有几个穿铁路制服的人,正在比试哪个能徒手捏碎煤块,这伙人脚下小山一样堆着煤。男孩听哥哥说过,好煤都轻都亮都酥松。他们果然一只手就捏碎一块煤。那些人发觉一个小孩在看他们,立刻变得很凶,挥着黑手说:看啥看啥看啥!快滚,快点滚!这些人的胳膊上原来都戴着红箍。男孩马上跑。

[il laisse la veste sous la neige qui tombe, sans voir son propriétaire, la gare est calme, maintenant que les grands rassemblements sont finis, il n’y a plus de trains qui partent… les cheminots n’ont plus beaucoup de travail… mais soudain ils remarquent l’enfant, l’apostrophent… il s’enfuit en courant]


雪越下越大,它是要在最短的时间里,把这城市打扮成洁白安静的圣城。

雪天的人们都猫在屋子里,只有不知道寒冷的高音喇叭还留在露天,大嘴巴又唱歌又呼口号又念社论又背语录,喇叭的大嘴里接了半下子雪。
雪还没停,有一个拿一把大尺的人,开始在男孩家对面的墙壁上画格子,然后,用褐色的颜料勾轮廓,勾出一个侧身握拳头的人形。渐渐看出来了,那是画了个军人,手臂比真实的人粗多了,有点威风,有点要出手打人。还没给墙上的军人描出五官,画画的就哈手跺脚地跑掉,估计冻得受不了了。男孩很想跑出去,在那个没有五官的白脸上写一句最难听的骂人话,每一个字都要写得大,从这个耳朵一直写到那个耳朵。他真跑出去了,可是,发现那没完成的画实在太高,他根本够不到那张空的白脸。男孩在墙壁下发现满满一盒彩色粉笔,他很快把粉笔盒抱在怀里了。

[il neige de plus en plus fort, les gens ne sortent pas, par un temps pareil… mais quelqu’un, dehors, fait un dessin à la craie sur la maison en face de celle de l’enfant : un soldat, le poing levé… mais il part sans le terminer, sans doute parce qu’il a trop froid … le petit garçon voudrait écrire quelque chose sur le visage inachevé, mais il est trop petit … il s’empare de la boîte de craies et rentre en courant chez lui]


大雪飘个不停的这个晚上,男孩在家里进行一个大工程,在四个外国伟人的画像下面他开始勾轮廓。过去,这个位置只属于大人,他和哥哥都不能接近,刚想摸摸凉丝丝的绒布,父亲准会出现,父亲说:回你的房间去,那是大人谈工作的地方。父亲不在,老保姆也会赶走他们。这地方有什么好神圣的,男孩把彩色粉笔全倒在地板上,每一根都掰成两截,这个晚上他要把它们全部用光,红绿黄蓝白都用掉。首先在最低的地方,画满步枪,沙丘,坦克,流着血的战士,炮台,掩体,火光,地雷。雪一遍又一遍地覆盖这城市,男孩不知道他还能给这面白墙画点什么。

[il neige toujours, le petit garçon a dans l’ idée defaire un immense dessin sur le mur de la grande pièce, sous les quatre portraits, chose taboue quand ses parents étaient là… il étale les craies par terre et commence à dessiner le bas : des soldats, des fusils, des forts, des flammes….  Puis il se demande ce qu’il peut faire ensuite…]


突然冒出了一个新想法。男孩要画一个威武的火车头。
没有黑颜色,世上怎么能没有黑颜色?生产粉笔的人连黑色都不知道吗?男孩移动了桌子,桌子上加了椅子,现在,他高高地站着,画一个五彩缤纷的火车头。蓝色的连动杆,蓝色加白圈的车轴,大红的车轮,绿色的车身。火车正喷出各种颜色混合叠加在一起的烟雾。他要把整面墙都满,这将是一个比真火车头还要了不起的火车头。烟雾太多了,只有穿过四个装着人像的镜框,拐到天花板上,现在看吧,这四个外国人也成了这幅巨大火车头的一部分。
第二天中午,屋子里出奇的冷,暖气片在响,但是没有温度。男孩从床上爬起来走到客厅,被自己前一夜画出来的大家伙吓了一跳。这是他画的哦,多么了不起,多么伟大,比他见过的所有焰火之夜都美丽的大家伙。

 

Soudain, il a une idée : il va dessiner une puissante locomotive.

Mais il n’a pas de craie noire. Comment se peut-il qu’il n’y ait pas de craie noire ? Les gens qui fabriquent les craies ne savent-ils pas que le noir existe ? L’enfant tire la table et pose une chaise dessus : maintenant il est assez grand, il peut dessiner une locomotive de toutes les couleurs. Des pistons bleus, des essieux bleus entourés de blanc, de grandes roues rouges, et la locomotive toute verte. Le train crache une fumée en de multiples strates de couleurs vives. Il va couvrir le mur entier, et sa locomotive sera incomparablement plus formidable qu’une vraie. Il y a trop de fumée, elle offusque les quatre portraits, monte jusqu’au plafond. Regarde, maintenant, les quatre étrangers ont été intégrés dans le train.

A midi, le lendemain, il fait incroyablement froid dans la maison. Le radiateur fait du bruit, mais ne chauffe pas. Le petit garçon saute de son lit, va dans le salon, et là, il est sidéré par l’immense fresque qu’il a dessinée pendant la nuit. C’est lui qui l’a faite ! C’est tellement extraordinaire, tellement fort ! Cela dépasse même en beauté tous les feux d’artifice qu’il a pu voir.


男孩戴上滑冰帽,门被雪顶住,推了很久,他才挤出去。这是一场真正的大雪,比白还白。男孩走得很快,但是没有任何目标,雪钻进胶鞋里,冰他的脚。男孩停在胡同口,真想请个什么人来参观他的五彩火车头,可是没有这样的人,一个都没有。
正忙着滚雪球的一群孩子见到男孩,都停住了,有一个站住,其他的都紧挨着他靠过去,站成一列。煤堆上的积雪一坨一坨落下来,灌进他们精细的脖领里,他们也不动,列队示威一样,盯着男孩。
男孩认识他们,都是一个学校的,有个和他是同班。但是,早不互相说话了。他们中间的头儿说:往死盯他,把他盯走,谁跟他说话,谁不是人。

这群孩子真的一动不动,尽管显示团结紧密,显示他们是个团伙。这时候,过来一辆转弯太急的自行车,撞到了他们的两个大雪球,撞碎了,这一群孩子撒腿去追那辆自行车。

[le petit garçon sort dans la neige, elle pénètre dans ses chaussures… il voudrait inviter des gens à venir voir son dessin, mais il n’y a personne… des enfants font des boules de neige… ce sont des enfants de sa classe, mais aucun ne veut lui parler : celui qui lui parle n’est plus des nôtres, dit l’un…]

男孩向胡同的另外一侧走。雪全落地以后,天空马上晴了,比蓝玻璃还蓝,好像天空很着急,它再也受不了那阴沉了。路边空地上有几个突起来的雪堆,是不同人家的菜窖盖,每一个菜窖里都会藏着白菜,青萝卜,胡萝卜,都是可以吃的。男孩想,能吃一根青皮红心的萝卜该多美。这其实很容易,只要弄掉雪,打开菜窖盖上的砖头和木板,如果是天黑以后,把整个菜窖搬空都没人知道。但是,男孩想到那个戴棉帽子的大人告诉他,要做一个好人。

[le petit garçon va de l’autre côté duhutong, il y a des jardins le long de la route, il pense que ce serait si bon de voler des navets, mais l’homme au chapeau lui a dit d’être bien sage…]


男孩回家的时候,看见家门敞开着。
几个陌生人举着笤帚和鸡毛掸子站男孩家里,空气中飞舞着大颗粒的彩色粉末。
男孩的火车头不见了,墙上一团模糊。画了一夜的火车头变成了粉末,正在满屋飞翔。陌生人是群中学生,右手臂上都佩戴红箍,拿笤帚的一个逼近男孩:你的胆子真大呵,在无产阶级革命领袖画像下面乱涂乱画,花花溜溜的整个火车头,你是想送无产阶级革命领袖快点走吗,站好了,你,你干的这是反革命的勾当,画的画是反革命的画,快低头认罪。
男孩的眼睫毛粘了彩色的颗粒。他想,不能哭。如果他哥哥在,一定会跟这些人辩论,哥哥是高个子的圆号手。可是,男孩已经没有哥哥了。

中学生们看看这个干瘦的小孩,觉得实在无趣。拍打一阵衣服,他们雄赳赳地出门,穿过胡同,笤帚掸子还随手提着,拿它抽打路边的树干,雪堆,停着的自行车,一路见什么抽什么。还是雪了不起,全城的人都在踩它,大地上照样还是雪白。

[il rentre chez lui, et trouve la porte ouverte. La maison est pleine de gens avec des balais et des chiffons, ils ont effacé son dessin… Ce sont des collégiens, avec un brassard rouge au bras droit. L’un d’eux lui dit : tu as un sacré culot de dessiner un train sous le portrait des grands leaders révolutionnaires. Tu veux les envoyer au diable dans ton train ? ce que tu as fait est contre-révolutionnaire, avoue !... L’enfant pense que si son frère était là, il discuterait avec eux, mais il n’a plus de frère…]
 

就在那个下雪的晚上,男孩的父亲死去了。天下正逐渐变白,他躺在一间地下室里。戴棉帽子的人整夜看守地下室,所以他不知道下雪。开始,他在房子里听一阵广播,后来,他起身拿了帽子去隔壁的临时囚室,慢悠悠地开锁,慢悠悠地接近男孩的父亲。他伸出右手,帽子扑落在阴凉的地上,他收回手,手背上留了一片僵硬的冷气,只有很小的一小片,但是暖不过来。他喊来很多人,那些人本来在连夜开会,一下子都涌进囚室。戴帽子的人离开了,一边走一边在棉裤上抹那有一块冰凉的手背。通过很多台阶,他先看见了天空,好奇怪的明亮,晚上怎么会这么亮的?他心里害怕,头上很冷,忘了拿棉帽子了。那帽子在地下室被许多人踩,每个人都表示很气愤,他们说:这是自绝于人民!

[le père du petit garçon est mort pendant la tempête de neige… c’est l’homme au chapeau qui gardait la cellule où il était enfermé….son chapeau est tombé dans la cellule quand il a constaté que le père de l’enfant était mort, et il l’a oublié… il a eu peur]


没了帽子的人回家了,第二天早上他叫醒儿子说:你到某街某胡同某号去看看,门口一边一个圆柱子那家,有一个孩子,看他是不是还在家,暖气热不热,有没有吃的,要对那孩子好一点。
他的儿子是中学生,在学校里是带队伍的,经常忙得不能回家。儿子说:外面还下着雪呢。过一会又说:我要上学校,一大帮人都等我呢。
没了帽子的人突然发了很大的火气,他说:什么也别说,你快去,给我瞅瞅那孩子在不在家!

 

L’homme sans plus de chapeau rentre chez lui, et, le lendemain matin, réveille son fils et lui dit : tu vas aller dans telle rue, à tel numéro de telle allée, et tu vas trouver une maison dont la porte d’entrée est encadrée par deux piliers ; là habite un petit garçon ; va voir s’il est chez lui, s’il a du chauffage et de quoi manger, il faut s’occuper de lui.

Son fils est collégien, et chef d’une bande dans son collège ; il est souvent tellement occupé qu’il n’a pas le temps de rentrer chez lui. Il neige encore, dit-il à son père. Et ajoute au bout d’un moment : il faut que j’aille à l’école, il y a plein de gens qui m’attendent.

Alors l’homme sans plus de chapeau se met dans une colère noire : tu n’as rien à me répondre, tu vas tout de suite aller voir si ce petit garçon est chez lui !


执行父亲的指令,中学生最不情愿。他先去了学校,又开会又唱歌,一直拖过了中午,才带了几个同学找到那条胡同,一路上他都在说:有什么了不起,大爷的,还得去看个小屁孩,治治这小崽子,溜大爷亲自跑一趟。有人说踢那小屁孩,另一个说打小屁孩的哑穴。

[le collégien n’en a pas envie, il va d’abord à l’école, tient une réunion, puis vers midi emmène quelques camarades avec lui… en pestant contre le gamin]


小屁孩家里空荡荡的没人,中学生们发现整个墙壁上画着的那个火车头。
有人说:画的真挺像。
又有人说:这得画很长时间。
还有人说:辉煌啊。
最后是带领大家过来的那个儿子说:找家伙,给他抹了,这是反动画。

破坏一些粉笔末实在很快哦,不用几分钟,不费什么力气。直到最后,那个儿子走近男孩说:从今天起,你小崽子,老老实实家里呆着,不许出门。他就是这样完成了父亲的指令。

Quand ils arrivent, la maison est déserte. Ils voient la locomotive dessinée sur le mur.

C’est super bien dessiné, dit l’un.

Cela a dû prendre beaucoup de temps, dit un autre.

C’est formidable, dit un troisième.

Mais le garçon qui les a amenés les rappelle à l’ordre : trouvez de quoi me nettoyer ça, c’est un dessin contre-révolutionnaire.

Nettoyer le dessin leur prend quelques minutes, c’est rapide et ne leur coûte pas grand effort. Finalement, le chef de la bande dit à l’enfant : à partir de maintenant, crapule, tu vas rester gentiment à la maison, tu n’as plus le droit de sortir. C’est ainsi qu’il exécute les ordres de son père.

火车头眨眼就没了,呆在镜框里的四个外国老头,继续用他们灰蓝的眼珠看着男孩,看他睡了20多个小时。这时候已经是雪停了以后的第二天中午,男孩站起来,觉得身上有了力气。找到戴帽子的大人送来的五张纸币。他又出门了,滑冰帽也没戴,耳朵完全冻硬了,像两片冰翅,立在冻得生疼的脸两侧。买了五盒彩色粉笔,他跑步回家,膝盖以下的裤子都白了。

[l’enfant dort vingt heures, il se réveille à midi le lendemain de la tempête de neige, prend les cinq yuans et va s’acheter cinq boîtes de craies de couleur]


又一个大雪之后的早上,人们走出胡同口,那儿有一面高墙,人们都要在哪儿分别向右向左转弯,现在他们停在高墙前面,他们全都惊叫出了声。那片青砖墙上出现了一架巨大的鲜艳的火车头,居然被是画上去的。大人们就是跳起来也摸不到火车头的顶端,在谁也触摸不到的最高处,画的是个少年,他骑在火车头上,举着拳头,穿夏天的衣裳,脸上在笑,很骄傲的样子。火车头的每一个细部都精致无比,即使造火车头的人也挑不出毛病。
我的天呐,是什么人画的,怎么爬到那么高的地方,什么时候画呢?
所有的人都反复说:我的天呐!
哥哥说:你让我坐在火车头上干什么?快让我下去。
男孩说:哥,求你一次,我想每天都瞅见你坐在那上边,你为我多坐一会,让他们都看见。
哥哥笑了,挺直了,不让风把身体吹得晃动。
现在,男孩对着他哥哥以外的一切说:那是我哥,威风凛凛1

1. 威风凛凛 wēifēng lǐnlǐn : on retrouve ici l’expression qui a servi au départ pour dépeindre la majesté imposante d’une locomotive.

 

Le lendemain d’une autre tempête de neige, un matin, les gens sortent jusqu’à l’entrée de leur allée ; il y a là un grand mur où il leur faut tourner soit à droite soit à gauche. Mais, ce jour-là, ils s’arrêtent devant, en criant de stupéfaction. Sur le mur de briques sombres est maintenant dessinée une énorme locomotive aux couleurs éclatantes. Même en sautant, personne ne peut atteindre le sommet de l’engin, là où, tout en haut, est dessiné un jeune garçon, à cheval sur la locomotive, le poing levé ; il est habillé de vêtements d’été, et arbore un grand sourire, d’un air de défi. Tous les détails de la locomotive sont parfaitement rendus, même les ouvriers spécialisés dans la construction ferroviaire ne pourraient y trouver de défaut.

Dieu du ciel, qui a dessiné cela ? comment a-t-il fait pour monter si haut ? et quand l’a-t-il fait ?

Et tout le monde répète : Dieu du ciel !

Pourquoi est-ce que tu m’as mis aussi haut, à califourchon sur la locomotive ? demande le frère. Laisse-moi descendre.

Non, frère, répond le petit garçon, s’il te plaît, je veux te voir assis là-haut tous les jours, reste encore un peu, que tout le monde puisse te voir aussi.

Son frère rit, et s’assoit bien droit, pour que le vent ne le déstabilise pas.

Alors, montrant son frère, l’enfant s’exclame en s’adressant à la ronde : c’est mon frère, il est magnifique !
 

 


[1] Note de l’auteur : ici 小绺 xiǎoliǔ = 小偷 xiǎotōu : un voleur

[2] Première manifestation de masse de la Révolution culturelle, qui a duré d’août 1966 au début de 1967 et qui débute après la Charte en seize points votée par le Comité central du Parti le 8 août, avec pour effet d’élever le mouvement étudiant initial en mouvement de masse ; le 18 août, le grand rassemblement de plus d’un million de Gardes rouges venus de tous les coins du pays à Pékin pour acclamer Mao place Tian’anmen marque le lancement d’une campagne de déplacements massifs de jeunes à travers tout le pays pour se rencontrer et échanger leurs « expériences révolutionnaires », et ce aux frais de l’Etat. On devine, dans le récit de Wang Xiaoni, que le frère du petit garçon est parti à Pékin pour le rassemblement du 18 août, justement.

 


 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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