Histoire littéraire

 
 
 
           

 

 

Brève histoire du wuxia xiaoshuo

Annexe

          Les montagnes et monastères associés aux récits de wuxia

par Brigitte Duzan, 26 mars 2015

         

Beaucoup de récits de wuxia sont l’histoire de personnage appartenant à des monastères ou des écoles situés dans des sites célèbres, les deux plus connus étant d’une part les temples et monastères du mont Wudang (武当山) et d’autre part le monastère Shaolin (少林寺), l’un, situé dans le Hubei, et lié au taoïsme, l’autre, dans le Henan, rattaché au bouddhisme.

         

I. Le mont Wudang

         

Origines historiques

 

Le mont Wudang

           

Le mont Wudang ou Wǔdāng Shān (武当山) est l’une des quatre montagnes sacrées du taoïsme [1], située au nord-ouest du Hubei, au sud de la ville de Shiyan (十堰), les monastères et temples du centre taoïste se trouvant plus spécialement dans le district de Danjiangkou (丹江口).

         

Associé au dieu Xuanwu…

                        

L’autel du dieu Xuanwu

 

Ce complexe de monastères est associé, pour des raisons historiques, au dieu taoïste Xuanwu (玄武), " le sombre (ou mystérieux) combattant ", encore appelé Zhenwu Dadi, " le grand empereur vraiment martial " (真武大帝), un dieu très puissant, capable de contrôler les éléments et réputé maîtriser toutes sortes de pratiques magiques, donc particulièrement vénéré par les adeptes d’arts martiaux.

          

Selon la tradition la plus ancienne, il était un prince, dans le nord du Hebei, du temps

de l’empereur Jaune. En grandissant et vieillissant, il ressentit de plus en plus de compassion à l’égard des gens du peuple et de leur vie misérable. Alors il décida de se retirer sur une montagne lointaine pour cultiver le Dao.

                        

Une version ultérieure a ajouté des détails supplémentaires, en faisant un boucher ressentant au cours des jours tellement d’affliction et de remords à l’idée de tous les animaux qu’il avait tués qu’il se retira sur une haute montagne, la suite étant mêlée d’éléments bouddhistes, dont l’apparition de Guanyin venue lui remettre ses péchés.

         

Xuanwu est représenté comme un guerrier en habit impérial, serrantune épée dans la main droite. Cette épée, il l’aurait emprunté à Lü Dongbin (吕洞宾), l’un des Huit Immortels du panthéon taoïste, pour subjuguer un terrible démon. Ayant constaté la puissance de l’arme, il n’a pas voulu la rendre. Et comme elle revient automatiquement à son propriétaire dès qu’on la relâche sa prise, Xuanwu est obligé de continuer à la tenir bien serrée.

         

et à l’empereur Yongle

         

Les origines de l’association du dieu avec le mont Wudang datent de la dynastie des Ming, mais les premiers bâtiments sont bien plus anciens. Le premier temple, celui des Cinq Dragons (五龙宫), a été érigé là par l’empereur Taizong (唐太宗). D’autres ont été rajoutés sous les Song et les Yuan, mais le complexe le plus important a été construit par l’empereur Yongle, troisième empereur de la dynastie des Ming (永乐帝).

         

Il avait initialement accepté le choix, par son père, de son jeune neveu

 

Les ruines du temple des Cinq Dragons

Zhu Yunwen (朱允炆) comme successeur sur le trône. Mais, quand celui-ci, devenu l’empereur Jianwen (建文帝), commença à éliminer ses oncles et à favoriser les lettrés confucéens, il se rebella, supprima son rival et monta sur le trône en 1402, proclamant l’an 1 de l’ « ère du Bonheur éternel » (永乐年号).

                      

Bien qu’il soit réputé pour avoir favorisé également taoïsme, confucianisme et bouddhisme, et qu’il soit aussi réputé avoir été un fervent bouddhiste, l’empereur Yongle pensait devoir sa victoire sur son neveu à la protection et à l’aide du dieu Zhenwu. Il a donc fait construire un vaste ensemble de bâtiments sur le mont Wudang, à l’endroit où le dieu était supposé avoir atteint l’immortalité.

         

Association avec les arts martiaux

         

Le mont Wudang est traditionnellement associé à une forme d’arts martiaux liés au taoïsme appelée wudangquan (武当), relevant des pratiques dites « internes » ou neijia (內家).

         

Le wudangquan

         

Le wudangquan regroupe divers styles dont les trois principaux sont : le taijiquan (太极拳), le xingyiquan (形意拳) et le baguazhang (八卦掌), à quoi il faut ajouter l’art de l’épée ou wudangjian (武当剑) [2].

         

La statue de Zhang Sanfeng

sur le mont Wudang

 

Chacune de ces écoles découle de l’enseignement d’un fondateur plus ou moins légendaire, mais le plus intéressant, historiquement, est le premier. Selon la légende, en effet, le taijiquan aurait été créé par un ermite taoïste nommé Zhang Sanfeng (张三丰), disciple du maître Xu Xuanping (許宣平), poète ermite de la dynastie des Tang, que Li Bai (李白) dit avoir cherché en vain à rencontrer sans parvenir à le trouver.

         

Xu Xuanping aurait mis au point des pratiques de contrôle du souffle dites daoyin (导引), précurseurs du qigong, qu’il aurait transmises à son élève.

         

Quant à celui-ci, il est probable qu’il n’ait jamais existé, mais on le trouve, en particulier, dans le neuvième roman de Jin Yong (金庸), « The Heavenly Sword and Dragon Sabre » (倚天屠龙记) [3]. Il y est présenté d’abord comme un disciple de Shaolin, né le 9 avril 1247, soit à la fin de la dynastie des Song, et aurait ensuite quitté Shaolin pour aller s’établir sur le mont Wudang où il aurait eu sept disciples.

         

Le neijia

         

C’est cela même qui le rend intéressant : il aurait créé les pratiques « internes » neijia en opérant une synthèse des pratiques bouddhistes chán de Shaolin avec ses propres pratiques taoïstes daoyin.

         

Le neijia est basé sur la maîtrise de la force interne ou neijing (內劲), et en particulier du souffle qi (), opposé aux pratiques dites externes ou waijing () propres à Shaolin. Le neijia et donc une pratique intérieure, mentale, qui ne se limite pas à des techniques de combat.

         

Une illustration en est donnée dans le film d’Ang Lee « Tigre et dragon » (《卧虎藏龙》) [4].  La jeune Yu Jiaolong (玉娇龙) du film a été formée à l’école de Wudang [5] par sa maîtresse, interprétée par Cheng Pei-pei. Elle est convaincue avoir tellement bien assimilé ces pratiques que l’épée Green Destiny lui revient de droit. Mais elle n’a intégré en fait que les aspects techniques ; il lui reste à acquérir le plus important, la dimension psychologique et morale de cet enseignement, le xiayi (侠义), la droiture et l’intégrité qui font partie de la sagesse taoïste, du Dao.

         

II. Le monastère Shaolin

         

         

(à suivre)

         

       
        


[1] Avec le Qíyūn Shān (齐云山) dans l’Anhui, le Lónghŭ Shān (龙虎山) dans le Jiangxi et le Qīngchéng Shān (青城山) dans le Sichuan. Mais seul le Wǔdāng Shān est associé avec la pratique d’arts martiaux.  

[2] Voir le dernier roman de Liang Yusheng « Une épée de Wudang » (武当一剑).

[3] Le film de 1993 de Yuen Woo-ping, “Taiji master” (太极张三丰), lui est également consacré.

[5] C’est une invention d’Ang Lee qui est dans l’esprit du film ; dans le roman, Yu Jiaolong est formée dans une autre école, celle du mont Jiuhua (九华山), qui est l’une des quatre montagnes sacrées bouddhistes.

        

              
      
       
      
       

 

 

 

 

     

 

 

 

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