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				Zhang Xianliang : 
				Propos sur Xie Jin, maître et ami 
				张贤亮 :
				
				 亦师亦友说谢晋 
				par Brigitte Duzan, 06 mars 2011   
					
						| 
						 
						Zhang Xianliang 
						(张贤亮) |  | 
						Cet article de
						
						
						Zhang Xianliang, 
						publié en juillet 2005 dans la revue  Wenhuibao (《文汇报》), est à la fois un hommage au réalisateur Xie Jin (谢晋), 
						et une réflexion profonde sur le cinéma, la littérature 
						et les conditions de création artistique dans la Chine 
						des trente dernières années.  
						  
						Il est 
						intéressant à plusieurs titres : il commence par un 
						témoignage personnel sur les conditions dans lesquelles 
						il a vu « Le détachement féminin rouge » en 1961 (1), 
						quand ce grand classique de Xie Jin venait de sortir, 
						expliquant par là même la fascination qu’a exercée le 
						film sur toute une génération, au-delà de la notion 
						superficielle et convenue de « cinéma de propagande ». 
						  
						Il se poursuit 
						par une réflexion sur les similarités entre le 
						réalisateur et l’écrivain, similitudes de vie et 
						d’expériences expliquant leur parfaite symbiose sur le 
						plan artistique ;  |  
				
				
				
				Zhang Xianliang donne, 
				au passage, un aperçu des difficultés rencontrées à la sortie 
				des camps, après la chute de la Bande des Quatre.   
					
						| 
						A partir de 
						l’analyse des qualités des œuvres de Xie Jin,
						
						
						Zhang Xianliang 
						développe une réflexion sur la création littéraire 
						autant que cinématographique, jusqu’à l’époque actuelle. 
						Il est remarquable de le voir défendre une liberté de 
						création restreinte, pour lui condition sine qua non 
						d’un véritable talent artistique, que l’on devrait 
						méditer dans le contexte actuel de critique tous azimuts 
						de la censure : comme le condamné, le véritable artiste 
						est libre au milieu de ses chaînes. Opinion qu’il ne 
						faut pas réduire à une défense du régime, comme on le 
						fait souvent… 
						  
						第一次知道谢晋的名字,已是陷入劳改农场的60年代“大饥荒”时期了1。那时,看电影是“受教育”,是改造的补充手段。电影队来了,饥饿的犯人们都被赶出号子,分组排队到打谷场上2。稍有力气的还搬块土疙瘩3当凳子,疲惫不堪的就席地而坐4,病号则干脆睡在地上蜷成一团5,挂在土墙上的白布像船帆一样晃荡,电影的画面真可谓“地动山摇”6,但我 |  | 
						 
						Xie Jin 
						(谢晋) |  
				
				却被一部叫《红色娘子军》的电影所感动。支离破碎的7影片怎能让饿着肚子的人暂时不饿?就因为斑驳杂色之中有一股“气”,有一种“神”,如同一幅成为古董的国画或拓片8,时光不能磨灭其间的神韵9,这正印证了10中国传统的美学原理。从此,谢晋这名字就印在我脑海里。   
					
						| 
						01 
						“大饥荒”时期 
						 dà jīhuāng shíqī  la 
						période de la « grande famine », celle causée par le 
						Grand Bond en avant, au début des années 1960. 
						02  
						打谷场 dǎgǔchǎng
						 aire de battage (servant de lieu de réunion dans les villages) 
						03  
						土疙瘩 tǔgēdā
						
						 motte de terre  
						04  
						疲惫不堪的 
						píbèibùkānde  
						usé, épuisé 
						席地而坐 
						xídì'érzuò  
						être assis par 
						terre 
						05  
						蜷成一团 
						quánchéngyìtuán  
						roulé en boule, recroquevillé 
						06  
						地动山摇 
						dìdòngshānyáo  
						litt. ‘la terre 
						tremblait et les montagnes vacillaient’, expression 
						tirée du « Voyage en Occident » (《西游记》) 
						où elle décrit la force d’un combat. 
						07 
						支离破碎的 
						
						zhīlípòsuìde 
						 brisé en mille 
						morceaux 
						08 
						拓片 
						tàpiàn
						
						 estampage d’une inscription lapidaire ou d’un bronze 
						09 
						神韵 
						shényùn
						
						charme, grâce 
						10 
						印证 
						yìnzhèng
						
						 confirmer, corroborer  |  |  
						Le détachement féminin 
						rouge,  
						film de Xie Jin |    
					
						| 
						1. La première 
						fois que j’ai entendu le nom de Xie Jin, c’était pendant 
						la période de la « grande famine » des années 60, alors 
						que je venais d’intégrer un camp de rééducation par le 
						travail à la campagne. A cette  
						époque-là, le 
						cinéma était considéré comme une activité éducative, 
						c’était un complément des méthodes de rééducation. Une 
						fois l’équipe de projection arrivée, les prisonniers 
						affamés furent appelés, et répartis en groupes sur 
						l’aire de battage. Ceux qui avaient un peu de forces se 
						firent  |  | 
						 
						Photo du film |  
				des sièges avec des 
				mottes de terre, ceux trop épuisés pour le faire s’assirent par 
				terre, et les malades, quant à eux, s’étendirent carrément par 
				terre, roulés en boule ; le tissu blanc qui avait été accroché 
				sur un mur de terre tremblait comme une voile de bateau, écran 
				de toile qui semblait comme agité par des éléments en furie ; et 
				moi, pourtant, j’ai été ému par le film : c’était « Le 
				détachement féminin rouge ». Comment un film dans un aussi 
				mauvais état peut-il faire oublier temporairement à des affamés 
				qu’ils ont le ventre creux ? C’est parce que, au milieu des 
				images multicolores, on sent une  force (气), un souffle spirituel (神) comme ceux que l’on perçoit en regardant un tableau chinois 
				traditionnel ou un estampage 
				d’inscription lapidaire ; il y a là un charme que le temps ne peut 
				effacer et valide le principe esthétique de l’art traditionnel 
				chinois. J’ai ensuite gardé le nom de Xie Jin gravé dans ma 
				mémoire. 
				  
				20年后,1981年,谢晋突然与我联系,要将我的小说《灵与肉》请李准老师改编,拍成叫《牧马人》的电影。虽然平反后的两年间我已获过文学奖,见了一点世面1,认识了一些文坛宗师,但谢晋来找我,对我来说还是另有一番意义,“久仰”2二字决非空泛之词3。见了面,他对小说原著者的尊重,使我坚定了我走文学这条并不容易走的崎岖4小道的自信。今天,也许我在中国文坛算得上一个站得住的人物,但17年前,刚刚走出劳改队,精神和神经仍是“弱不禁风”5。电影的“受众”比起小说来更为广泛,观众数以亿计,《牧马人》获得成功,我的知名度大增,这才鼓起了我后来一次次“闯禁区”6的勇气。在当代中国社会,享有一定的知名度往往能享受到一定的精神自由,而精神自由是文学创作最不可少的条件。所以,我可以这样说,谢晋在促使我的精神解放上起了不小的作用。这也是直到今天我对他仍怀着感激之情7的一个原因。 
				  
				01 
				见世面 
				jiànshìmiàn 
				voir le monde, cad 
				enrichir son expérience 
				02 
				久仰 
				jiǔyǎng
				
				 litt. 
				que l’on connaît de réputation depuis longtemps, donc que l’on 
				est honoré de rencontrer. 
				03 
				空泛之词 
				kōngfànzhīcí 
				 mot vide de sens, 
				sans signification précise 
				04 
				崎岖qíqū 
				inégal, accidenté 
				05
				弱不禁风 
				ruòbùjīnfēng 
				 frêle, faible (au 
				point de ne pas pouvoir résister au vent) 
				06 
				闯禁区 
				chuǎngjīnfēng
				 s’endurcir, 
				s’aguerrir pour résister au vent  
				07 
				感激之情 
				gǎnjīzhīqíng 
				sentiment de reconnaissance 
				  
				2. Vingt ans plus tard, 
				en 1981, j’ai soudain été contacté par Xie Jin qui voulait faire 
				adapter ma nouvelle « L’âme 
				et la chair » ; après avoir fait écrire le 
				scénario par Li Zhun, il tourna ce qui devint  « Le gardien de 
				chevaux ».  Bien que ce fût deux ans après ma réhabilitation, 
				après que j’eusse obtenu un prix littéraire et élargi quelque 
				peu mon horizon, et mes connaissances des cercles littéraires 
				chinois, lorsque Xie Jin vint me voir, ce fut pour moi un 
				événement plein de signification : l’expression « être 
				profondément honoré », dans ce cas, n’était pas une simple 
				formule. Lorsqu’il me vit, il m’exprima toute son admiration 
				pour ma nouvelle, et cela me raffermit dans ma détermination à 
				poursuivre dans la voie pleine d’écueils de la littérature. 
				Aujourd’hui, j’ai peut-être conquis une place notoire dans le 
				monde littéraire chinois, mais, il y a dix sept ans, alors que 
				je venais tout juste de sortir de camp de rééducation, j’avais 
				encore l’esprit et les nerfs extrêmement affaiblis. Le public 
				que touche un film  est bien plus étendu que le lectorat d’une 
				nouvelle, les spectateurs d’un film se comptent par centaines de 
				milliers ; en outre, « Le 
				gardien de chevaux » a eu beaucoup de succès, 
				si bien que ma notoriété s’est accrue, et c’est cela qui m’a 
				donné le courage de continuer contre vents et marées. Dans la 
				société chinoise d’alors, seule une certaine notoriété conférait 
				quelque liberté d’esprit ; or la liberté d’esprit est justement 
				la condition indispensable à toute création littéraire. Ainsi, 
				je peux dire que, par ses encouragements, Xie Jin a exercé une 
				influence non négligeable sur la libération de mon esprit. C’est 
				l’une des raisons pour 
				lesquelles je continue encore aujourd’hui à lui garder une 
				grande reconnaissance.  
				  
				以后和谢晋的交往频繁起来1,年年要见几次面,于是大致知道他是怎样走过那条并不比我轻松的道路的。关于他的事,他本人很少和我谈,倒是从李准老师那里听来的多。每一件事都让我感慨2,我常常暗自将他与我对比,他虽然侥幸3没进过劳改队,但在“大牢笼”4中,其艰辛比我有过之而无不及。李准老师每讲一事,我总想:我要碰上这事我能挺得住挺不住?老实说,他碰到的有些事要放在我身上,我大概很难挺得过去。八方风雨集于一身,外患加上内忧5,生活中所有的遭遇无不令人感到自身的脆弱,周围没有任何东西可以让你支撑,整个人生都是那么无助和绝望,而在这种境遇中还要生产一种称为“精神产品”的电影,如果不是将电影艺术当作自己生命本身,生命中的一切,怎能挺得过去?这不由得令我对他又产生了几分崇敬。 
				  
				01 
				频繁 
				pínfán  fréquent  
				02 
				感慨 
				gǎnkǎi 
				 soupirer (avec 
				émotion)  
				03 
				侥幸 
				jiǎoxìng 
				heureux 
				04 
				牢笼 
				láolóng 
				 chaînes, fers 
				05 
				外患内忧 
				wàihuàn nèiyōu 
				 agression 
				extérieure / soucis intérieurs 
				  
				3. Par la suite, j’ai 
				eu de fréquents contacts avec Xie Jin, nous nous sommes 
				rencontrés plusieurs fois par an, et j’ai appris à mots couverts 
				qu’il avait eu un parcours aussi difficile que le mien. Mais il 
				ne parlait pas beaucoup de ce qui lui était arrivé ; en fait, 
				c’est Li Zhun qui m’en a raconté le plus. Chaque nouvel épisode 
				me tirait des soupirs, et je le comparais avec mes propres 
				expériences ; il est vrai qu’il 
				n’a heureusement pas 
				été envoyé en camp de rééducation, mais, pour ce qui concerne 
				les « chaînes », celles qu’on lui a mises ont été bien plus 
				éprouvantes que les miennes. Chaque fois que Li Zhun m’en 
				parlait, je me demandais : si j’avais eu à affronter cela, 
				aurais-je été capable de résister ? En fait, si l’on 
				m’avait infligé pareil 
				traitement, j’aurais vraisemblablement eu du mal à le supporter. 
				Quand mille calamités vous tombent dessus, que la pression 
				extérieure s’ajoute aux tourments intérieurs, on en ressent une 
				extrême fragilité, sans aucun recours autour de soi qui puisse 
				aider à faire face, entraînant un sentiment de totale 
				impuissance et de désespoir face à l’avenir. Dans ces 
				conditions, si l’on veut réaliser un film que l’on puisse 
				qualifier de « produit de l’esprit », comment y parvenir si ce 
				n’est en faisant de l’art cinématographique l’essence même de 
				son existence, la totalité de son existence ? Je ne peux 
				m’empêcher d’en ressentir un profond respect à son égard. 
				 
				  
				90年代初,有些报刊开展了所谓“谢晋模式”的讨论,这是很正常的。可是讨论中有人对谢晋的电影艺术睨而视之1,贬为“煽情”2,我读了很感不平,几乎拍案而起3要写篇文章。但终因对电影艺术的生疏无从下笔4,怕“郭呆子帮忙越帮越忙”5,何况谢晋也并不需要我“帮忙”。今天,我只想以一个普通观众的身份说:中国电影我的确看得不多,为什么我办了个影视城居然6还不多看中国电影?因为我偶尔看看中国电影,多数要让我睡觉:电影语言干瘪7,画面构图缺乏美感,“蒙太奇”拖沓8(许多过场在我这个外行看来都应剪掉),服装、化妆、道具粗制滥造9,虽然我们不能像《泰坦尼克号》10那样精细到电影中用的碟子11少了泰坦尼克号的标记就推倒重拍,但至少时代总要交代清楚吧,而不少中国电影(尤其是电视连续剧)受香港电视连续剧的影响,画面中的服装、化妆、道具让你搞不清剧情和人物是在什么年代。香港电视连续剧是纯娱乐性的...。内地电影、电视连续剧带有“教育”任务,人们当然有权要求它符合情节所需的真实性。更让我看不下去的是演员的表演,真可谓“叹为观止”12,很多演员连“死”都不会“死”,临“死”前还要找块干净的地方慢慢躺下(这里我想起谢添老人在《洪湖赤卫队》13中“死”的表演,可作为“死”的典范),简直叫人不忍卒“睹”14。谢晋导演的影片除了早期的几部,几乎我全看过,我以为,尽管以今天的眼光看,因当时的政治条件不得不带有某种遗憾,但它们全部都是中国电影史上的保留剧目15,有几部还可称为经典15。其原因就在于谢晋的每一部影片无不贯穿着16“情”。在没有高科技可以运用,没有大投入,剧本也算不上特别优秀,表演艺术基本上已程式化17,服装、化妆、道具也并不精良,而且特别强调“政治标准”的影片,要让观众看得进去并且感动,不靠剧中人物的情感吸引人还能靠什么?“煽情”是一种很高超的艺术本领,是任何一种艺术门类的重要技巧18。谢晋就能牢牢地19把握这种艺术技巧,运用自如20,而且这“情”中还必须避讳21最重要的爱情元素。在没有限制的完全自由状态下创作出优秀作品,还不能算艺术家有本事,在有限的、不自由的空间创作出观众读者喜爱的作品,这才是艺术家的高明之处;在不自由中争取精神自由,这个过程最能锻造出高的人格境界。打个不太适当的比喻,就像堤坝下的“管涌”22一样,那一小孔中冲出的水,力度是最大的。 
				  
				01 
				睨视 
				nìshì  
				regarder de travers    
				02 
				贬为 
				biǎnwéi
				
				réduire 
				à  煽情shānqíng
				
				 qui 
				suscite l’émotion, larmoyant  
				03 
				拍案而起 
				
				pāi'àn'érqǐ 
				frapper 
				la table et se lever (pour décrire un mouvement de colère) 
				04 
				生疏 
				shēngshū
				
				 distant, 
				peu familier 
				无从 
				wúcóng 
				 ne pas savoir comment…05 “郭呆子帮忙,越帮越忙” guō dāizi bāngmáng, yuèbāng yuèmáng expression
 
				
				意思不说您也知道,想必这位郭先生必定是位愣头愣脑的主儿,脑子里少根弦的那种人。他来帮你做事,那是只会添乱的。 
				Note :
				Daizi (呆子) 
				signifie « fainéant idiot ». C’est le surnom donné par le singe 
				Sun Wukong (孙悟空), pour l’insulter, à 
				l’un des personnages du « Voyage en Occident » (《西游记》) : 
				Zhu Bajie (猪八戒). 
				Guo Daizi, quant à lui, est devenu l’emblème de l’idiot ; il 
				apparaît dans le roman de Jin Yong (ou Louis Cha 
				金庸) 
				« La légende du héros chasseur d’aigles » (ou Legend of the 
				Condor Heroes) (《射雕英雄传》). 
				06 
				居然 
				jūrán 
				 de manière inattendue, 
				contrairement à toute attente 
				07 
				干瘪 
				gānbiě 
				 ridé, ratatiné / 
				ennuyeux 
				08 
				“蒙太奇”méngtàiqí
				 montage
				
				 拖沓 
				
				tuōtà
				
				 qui 
				traîne, lent 
				09 
				粗制滥造 
				cūzhìlànzào  
				bâclé, grossier, sans soin 
				10 
				泰坦尼克号 tàitǎnníkèhào
				 Titanic 
				11 
				碟子 
				diézi  
				petite assiette, soucoupe 
					
						| 
						12 
						叹为观止 
						tànwéiguānzhǐ 
						 à couper le 
						souffle, qui suscite une admiration sans borne 
						13 
						谢添 
						Xiè Tiān 
						(1914-2003),  réalisateur du film 
						《洪湖赤卫队》Hónghú 
						chìwèiduì 
						 « La brigade 
						rouge du lac Honghu », film sorti en 1959, pour le 10ème 
						anniversaire de la fondation de la République populaire, 
						dont l’histoire retrace un épisode de la ‘guerre civile 
						révolutionnaire’ en 1930. 
						14 
						不忍卒睹 
						
						búrěnzúdǔ 
						
						 ne pas supporter de regarder la mort (normalement parce 
						que c’est trop horrible, ici parce que c’est mal joué !) 
						
						15 
						保留剧目 
						bǎoliú jùmù 
						 pièce du 
						répertoire   
						经典 
						jīngdiǎn  grand classique 
						16 
						贯穿 
						guànchuān 
						être traversé par, imprégné de 
						17 
						程式化 
						chéngshìhuà
						
						 stylisé 
						18 
						技巧 
						
						
						jìqiǎo 
						
						 technique  
						
						19 
						牢牢地 
						láoláode  
						fermement 
						20 
						运用自如 
						yùnyòngzìrú  
						maîtriser parfaitement |  | 
						 
						Affiche du film « La 
						brigade rouge du lac Honghu » |  
				21 
				避讳 
				bìhui
				
				 éviter, 
				éluder 
				22 
				堤坝 
				dībà 
				 digue, barrage  
				管涌 guǎnyǒng 
				 (从管道中涌流出来)
				fuite d’eau
				   
				4. Au début des années 
				90, des journaux ouvrirent un débat sur ce qu’on a appelé le 
				« modèle Xie Jin », 
				c’est en soi très 
				normal. Au cours de ce débat, cependant, certains critiquèrent 
				l’art cinématographique de Xie Jin, en le réduisant à du 
				sentimentalisme ; cela m’énerva, et je fus à deux doigts de 
				frapper un grand coup et écrire un article, mais, comme, 
				finalement, je n’ai pas une connaissance approfondie du cinéma, 
				j’ai eu peur de faire plus de mal que de bien, et Xie Jin, de 
				toute façon, n’avait pas besoin de mon « aide ».  
				  
				Aujourd’hui, je peux 
				simplement énoncer le point de vue du spectateur ordinaire : il 
				est vrai que je n’ai pas vu énormément de films chinois, alors 
				pourquoi se lancer dans mon aventure du studio de cinéma ? Parce 
				que, quand il m’est arrivé de voir des films chinois, j’ai 
				trouvé que la plupart étaient terriblement soporifiques : le 
				discours est ennuyeux, l’image sans attrait, le montage lent (à 
				mon humble avis de profane, nombre de scènes mériteraient d’être 
				coupées), les costumes, maquillages et accessoires sont bâclés ; 
				on ne peut évidemment pas pousser la précision jusqu’à faire 
				comme pour le Titanic, jeter les rushes et refaire une prise si 
				les soucoupes ne portent pas la marque Titanic, mais on pourrait 
				au moins indiquer clairement l’époque de l’action, or nombre de 
				films chinois (et en particulier de séries télévisées) sont 
				influencés par les séries télévisées de Hong Kong, où il est 
				impossible de dire, en voyant les costumes, maquillages et 
				accessoires, à quelle époque se passe l’histoire. Les séries 
				télévisées de Hong Kong sont du pur divertissement… . Les films 
				et séries du continent, en revanche, ont une mission éducative, 
				alors on est en droit d’attendre qu’ils respectent la réalité 
				spécifique du récit. Ce qui me les rend encore plus 
				insupportables à regarder est le jeu des acteurs, le genre 
				ampoulé voulant vous couper le souffle ; la plupart des acteurs 
				ne sont même pas capables de mourir comme il faut, lorsqu’ils 
				approchent du moment fatidique, ils se cherchent un endroit 
				propre où s’allonger lentement (et là, je pense à une séquence 
				du film de Xie Tian « La brigade rouge du lac Honghu », c’est 
				l’exemple type de ce genre de « mort »), on peut vraiment dire, 
				en ce sens, que la mort est insupportable à regarder. 
				 
				  
				5. A l’exception de 
				quelques uns des tout premiers, j’ai vu pratiquement tous les 
				films tournés par Xie Jin, et je pense que, en dépit de tout ce 
				que l’on peut regretter aujourd’hui des conditions politiques de 
				l’époque, ces films 
				sont restés des pièces de répertoire, certains peuvent même être 
				considérés comme de grands classiques. Ceci s’explique par le 
				fait que chacun de ses films est imprégné de « sentiment »  
				(情). 
				Ce ne sont pas des films à grands effets techniques, des films 
				qui ont nécessité de gros budgets, le scénario n’est pas non 
				plus particulièrement sophistiqué, le jeu des acteurs est 
				stylisé, les costumes, maquillages et accessoires ne sont pas 
				extraordinaires, et, qui plus est, ces films soulignent les 
				« normes politiques » [de l’époque] : dans ces conditions, si 
				l’on veut émouvoir les spectateurs, il faut bien le faire grâce 
				aux émotions des personnages, il n’y a pas d’autre possibilité. 
				Susciter l’émotion est du grand art, c’est une importante 
				technique de toute catégorie d’art. Et c’est une technique que 
				Xie Jin maîtrisait à la perfection ; en outre, il fallait 
				encore, parmi les « sentiments », éviter les sentiments amoureux 
				les plus lourds. Quand une œuvre est créée dans des conditions 
				de liberté totale, on ne peut pas vraiment parler de talent ; ce 
				n’est que quand une œuvre est créée dans des conditions de 
				liberté restreinte, et qu’elle est aimée des spectateurs et des 
				lecteurs, que l’artiste atteint un niveau 
				d’excellence. C’est en 
				parvenant à la liberté de l’esprit quand il n’y a pas de liberté 
				que l’on peut le mieux affiner son caractère et repousser ses 
				limites. Pour prendre un exemple pas très approprié, c’est comme 
				une fuite d’eau à la base d’un barrage, c’est en s’échappant 
				d’un trou minuscule que l’eau y acquiert la plus grande force. 
				  
				
				  今天走红的年轻一代导演,可以对谢晋的电影艺术有这样或那样的看法。我只想说,这一代人中的绝大多数在今天这种至少是相对宽松1的环境里,有几位能达到谢晋的人格高度?据说中国电影现在在“呼唤大制作”,说穿了2就是要大投入,但中国电影每年统共才有20亿元市场,10亿被国外进口的“大片”取走,剩下的10个亿由年生产的100部中国电影来分,这样算来大投入怎能收回成本?那么怎样挽救中国电影?据我看,“谢晋模式”今天应有更重要的意义,值得好好汲取3。 
				谢晋和我一样,是个“主题先行”者4,这也常常被人诟病5。其实,“主题先行”与信马由缰6,跟着感觉走都能出好作品。具有历史使命感,以民族国家命运为重的艺术家,其感觉总是引导他不由己地就选择与民族国家的命运有关的题材,即通常所谓的“重大题材”。当然,“重大题材”并非写“大人物”或大场面,鸦片战争7是重大题材,在农村老汉和一条狗身上也可折射出8民族和国家的命运。所以,这类艺术家的“主题先行”,与“文革”提倡的“主题先行”完全是两码事9,实际上是一种深层的“跟着感觉走”。谢晋在他从影50周年的座谈会上说,在《拉贝日记》之后10,他一定要拍一部反映“文革”的电影出来。他这艺术宗旨也是我一向遵循的11,大概这就是为什么他又将我的另一篇小说《邢老汉和狗的故事》拍成名曰《老人与狗》的电影的原因。“文革”应该是中国电影一个挖掘不尽的题材,遗憾的是这类成功的中国故事片可说一部也没有,以致这一代年轻人中的绝大多数对中国这一段很重要的历史毫无印象。我以为这简直是中国艺术家的失职12。张艺谋拍了很多被人叫好的影片。我问过周围的人,几乎都说最喜欢的却是他的《活着》(从盗版的光碟13看到的)。为什么?这说明人们还是喜欢“重大题材”。如连续放映谢晋的一系列影片,从题材到题材产生的环境,都能与中国当代史的一部分挂起钩来14。谢晋的电影不仅有“气”、有“神”,还有对民族命运的深沉的关怀。 
				  
				01 
				宽松 
				kuānsōng 
				 détendu, relâché 
				02 
				说穿了 
				shuōchuānle   pour 
				parler franchement, carrément 
				03 
				汲取 
				 jíqǔ  
				puiser 
				04主题 
				zhǔtí  
				sujet, thème (principal) 
				05 
				诟病 
				gòubìng 
				 dénoncer 
				06 
				信马由缰 
				xìnmǎyóujiāng 
				 monter sans tenir 
				les rênes, laisser le cheval aller où il veut = avancer 
				librement 
				07 
				鸦片战争yāpiànzhànzhēng
				 La guerre 
				de l’opium,  film de Xie Jin (1997) 
				08 
				折射 
				zhéshè 
				 se réfracter 
				09 
				两码事 
				liǎngmǎshì 
				 deux choses totalement 
				différentes 
				10 
				《拉贝日记》 : 
				« Les 
				mémoires de John Rabe », publiées fin 1998. John Rabe est un 
				homme d’affaires allemand, considéré comme l’Oskar Schindler de 
				Chine, qui protégea et sauva des civils au moment du massacre de 
				Nankin en décembre 1937. A ne pas confondre avec « The Story of 
				John Rabe » , film de Florian Gallenberger (2008). 
				11 
				宗旨 
				zōngzhǐ
				
				 but, 
				objectif  
				遵循 
				zūnxún 
				 suivre (procédure..), poursuivre (objectif…) 
				12 
				失职 
				shīzhí
				
				 faillir 
				à son devoir, à une mission 
				13 
				盗版的 
				dàobǎnde 
				 piraté   光碟 
				guāngdié 
				
				DVD/VCD 
				14 
				挂钩 
				guàgōu  
				être lié à  
				  
				6. Aujourd’hui, les 
				jeunes réalisateurs populaires ont toutes sortes d’opinions 
				concernant l’art cinématographique de Xie Jin. Je ne peux dire 
				qu’une chose : dans le climat pour le moins relativement détendu 
				qui prévaut aujourd’hui, combien y en a-t-il, dans cette 
				génération, qui peuvent atteindre le niveau de Xie Jin ? On 
				entend dire que le cinéma chinois, à l’heure actuelle, « appelle 
				les superproductions », ou, pour parler carrément, ne 
				s’intéresse qu’aux gros investisseurs ; le marché annuel du 
				cinéma chinois représente au total quelque deux milliards de 
				yuans [215 millions d’€], mais la moitié représente les 
				importations de grosses productions étrangères, il reste donc un 
				milliard que se partagent la centaine de films produits en 
				Chine ; dans ces conditions, comment de gros investisseurs 
				peuvent-ils rentrer dans leurs frais ? Et comment sauver le 
				cinéma chinois ? A mes yeux, le « modèle Xie Jin » prend 
				aujourd’hui une signification plus importante que jamais, il 
				serait bon de s’en inspirer.    
				7. Xie Jin et moi 
				sommes pareils : nous donnons la priorité au sujet, et on a 
				souvent dénoncé cette manière de faire. En réalité, suivre une 
				ligne thématique ou aller à l’aventure, en fonction de ce que 
				l’on ressent, tout cela peut donner de bons résultats. Chez 
				l’artiste qui a un sentiment de mission historique, et considère 
				le sort de la nation comme de première importance, ce sentiment 
				le conduit toujours à choisir automatiquement des sujets ayant 
				trait au sort national, c’est ce qu’on appelle souvent les 
				« grands sujets ». Bien sûr, un « grand sujet » ne suppose pas 
				forcément de « grands personnages » ou de « grandes scènes » ; 
				la guerre de l’opium est un grand sujet, mais un vieux paysan et 
				son chien peuvent aussi bien refléter le sort national. C’est 
				pourquoi les sujets choisis par ce genre d’artiste n’ont rien à 
				voir avec les « grands sujets » préconisés pendant la Révolution 
				culturelle, en fait cela consiste à se laisser guider par ce que 
				l’on ressent profondément. Lors d’une conférence donnée pour le 
				cinquantième anniversaire de la fondation de la République 
				populaire [en 1999], après [la parution] des mémoires de John 
				Rabe, Xie Jin a dit qu’il voulait absolument tourner un film sur 
				la Révolution culturelle. 
					
						| 
						Je poursuivais 
						moi aussi un objectif artistique du même ordre, c’est 
						sans doute la raison pour laquelle il a adapté une autre 
						de mes nouvelles, « L’histoire du vieil homme et du 
						chien » (《邢老汉和狗的故事》), 
						et en a fait le film « Le vieil homme et le chien » (《老人与狗》) 
						[en 1993] (2). La Révolution culturelle devrait être une 
						source inépuisable de scénarios, il est regrettable 
						qu’il n’y ait pas un seul film de fiction réussi sur le 
						sujet, et encore plus que la grande majorité des jeunes 
						aujourd’hui n’aient aucune idée de cette période 
						extrêmement importante de l’histoire chinoise. Je pense 
						que les artistes chinois, à cet égard, ont tout 
						simplement failli à leur mission. Zhang Yimou a tourné 
						nombre de films considérés comme très bons. Quand je 
						demande aux gens autour de moi, cependant, tous me 
						disent que le film qu’ils préfèrent (après l’avoir vu en 
						version piratée) est « Vivre ! » (《活着》). 
						Pourquoi ? Cela montre que les gens aiment les « grands 
						sujets ». Mais, si l’on projette les films de Xie Jin 
						l’un après l’autre, les sujets traités forment une suite 
						qui reflète une partie de l’histoire  |  |   
						 
						Affiche du film « L’histoire du vieil 
						homme et du chien »  |  
				de la Chine 
				contemporaine. Les films de Xie Jin n’ont pas seulement de la 
				force, du souffle spirituel, ils ont aussi un lien profond avec 
				le destin national.   
				(1) « Le détachement 
				féminin rouge », œuvre emblématique du début des années 1960, 
				trop souvent réduite à un simple film « de propagande ». Il ne 
				faut pas confondre le film de Xie Jin avec l’opéra modèle sur le 
				même sujet réalisé pendant la Révolution culturelle.  
				Voir :
				
				http://cinemachinois.blogs.allocine.fr/cinemachinois-180738-_le_soleil_se_leve_aussi__et__le_detachement_feminin_rouge___symboles_et_references.htm 
				(je défie quiconque de 
				ne pas être conquis au moins par la musique du générique !) 
				(2)  « Le vieil homme 
				et le chien » (《老人与狗》) 
				se passe au début des années 1970 ; c’est l’histoire d’un paysan 
				qui vit seul avec son chien et dont la vie est soudain 
				bouleversée par l’arrivée d’une jeune fille qui a quitté le 
				Henan où les conditions de vie étaient trop difficiles. 
				L’histoire a quelques similarités avec celle des deux 
				personnages principaux de « L’âme et la 
				chair ».  
				  
				  
				  
				
 
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