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Zhuangzi ou Maître
Zhuang
Présentation
par
Brigitte Duzan, 29 juin 2020
De
son vrai nom Zhuang Zhou (莊周
/
庄周),
Zhuangzi (莊子/庄子)
est un penseur qui aurait vécu à l’époque des Royaumes
combattants, au 4e siècle avant Jésus-Christ, et
serait l’auteur d’un texte fondamental du taoïsme appelé de son
nom et connu comme tel : le Zhuangzi, texte devenu
représentatif du taoïsme sous les Han, avec le Laozi.
Un
personnage à l’existence incertaine
On
ne sait pas grand-chose du personnage, et on ne peut même pas
assurer qu’il ait vraiment existé. Les rares données concrètes
que l’on possède sur lui viennent de ce que rapporte Sima Qian (司马迁)
au chapitre 63 de ses
« Mémoires
historiques » (《史记》).
Zhuangzi serait originaire du district de Meng (蒙)
de l’Etat de Song (宋国),
aujourd’hui Mengcheng (蒙城县),
dans le nord-ouest de l’Anhui. Il aurait vécu à l’époque des
rois Hui de Wei (魏惠王,
389-319 av. J.C.)
et Xuan de Qi (齐宣王,
350-301
av. J.C.).
Il serait donc contemporain de Mencius, mais sans l’avoir
apparemment jamais rencontré.
Il
aurait occupé un poste administratif de second ordre, mais,
selon le chapitre Qiushui (秋水)
du Zhuangzi, aurait refusé celui de premier ministre que lui
aurait offert le roi Wei de Chu (楚威王).
Selon Sima Qian, le roi lui aurait envoyé des cadeaux pour
appuyer son offre, mais Zhuangzi aurait répondu en riant que
tous ces présents étaient beaucoup pour lui et que le poste
offert était des plus honorables, mais « avez-vous vu les
animaux destinés aux sacrifices ? On les engraisse pendant des
années, et on leur passe de riches ornements pour qu’ils soient
dignes d’entrer dans le temple. Quand le temps du sacrifice
arrive, ils préféreraient être restés petits cochons. »
Zhuangzi préféra donc sa liberté, et il aurait ainsi terminé ses
jours retiré du monde, mais proche du peuple.
Un
ouvrage littéraire fondamental
Le Zhuangzi est l’expression de la pensée de ce
personnage énigmatique, mais c’est un ouvrage
remarquable par sa qualité littéraire. La version
actuelle est principalement due au penseur taoïste
Guo Xiang (郭象)
qui a vécu pendant la période 252-312 de la période
des Jin de l’Ouest (西晉)
et en a été le premier éditeur et glosateur. Il est
cependant possible qu’il ait simplement poursuivi
les travaux d’un autre lettré, Xiang Xiu (向秀).
Quoi qu’il en soit, il est considéré comme
appartenant au courant dit Xuanxue (玄学),
ou « Etude du mystère », un courant rejetant le
dogme confucianiste lié à la chute de la dynastie
des Han, mais sans rejeter totalement la pensée de
Confucius en tant que sage ayant atteint le
dao
.
Guo Xiang n’a conservé que 33 chapitres sur
les 52 que comportait le texte du temps des Han, les
19 écartés n’ayant pas été jugés d’origine fiable ou
de qualité suffisante, et il a structuré les autres
en fonction de leur contenu :
- Il
a choisi pour les placer en tête les sept
chapitres |
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Zhuangzi |
considérés comme les plus importants, et pouvant être
attribués à Zhuangzi lui-même : ce sont les chapitres
internes (neipian
內篇),
et ces chapitres-là, au moins, sont considérés comme étant
antérieurs au Laozi (《老子》) :
on n’y trouve aucune référence ni à Laozi ni à son ouvrage,
contrairement aux autres chapitres.
- Suivent
15 chapitres externes (waipian
外篇),
- Puis
11 chapitres divers (zapian
杂篇)
dont beaucoup sont sans doute apocryphes.
Le Zhuangzi, copie de la fin
des Qing, Musée national de Chine |
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Le point commun des différents courants représentés
dans l’ensemble – Daodejing et huanglao
en particulier - est une opposition au
confucianisme, avec l’accent mis sur
l’individualisme, exception faite des chapitres 28 à
31 qui se distinguent du reste et offrent des
ressemblances avec les « Printemps et automnes de
Lü Buwei » ou
Lüshi chunqiu
(《吕氏春秋》). |
Dao et non agir
Le
concept central du taoïsme est le dao (道),
la voie, qui est simplement le cours naturel des choses et qu’il
s’agit de ne pas contrarier, soit par l’action par le discours
fondateur de l’action. Le plus important est d’adopter une
attitude tendant à se fondre dans le dao universel, par
le non-agir ou wuwei (無為/无为),
ce qui ne signifie pas inaction, mais action en symbiose avec la
nature, des choses et des êtres. En ce sens, l’homme est invité
à se libérer tant de son égocentrisme que de ses fantasmes, et
de retourner aux origines pour retrouver sa force vitale dans le
souffle (qi
气/氣)
animant toute chose, et dans le vide du dao, libéré de
toute contrainte.
Le
Zhuangzi a une dimension spirituelle qui repose sur une
démarche individuelle. Par bien des côtés, en posant la question
de la nature de la réalité, de ses aspects trompeurs et
illusoires, il est proche du bouddhisme et lui a servi de porte
d’entrée en Chine, en facilitant l’acclimatation de la religion
par analogie avec le taoïsme.
Qualités littéraires
Le
Zhuangzi est remarquable par ses qualités littéraires. Ce
n’est pas un texte aride et abstrait. Il fourmille de paraboles
et d’anecdotes qui sont une riche source d’histoires diverses,
souvent pleines d’humour, mais aussi d’expressions de type
chengyu.
La plus célèbre de ces histoires en forme de
paraboles se trouve au chapitre II, « Le discours
dur l’identité des choses » (《齐物论》) :
c’est « Le Rêve du papillon », ou « Zhuangzhou rêve
qu’il est papillon » (Zhuāngzhōu mèng dié
庄周梦蝶)
qui pose la question fondamentale pour le taoïste,
comme pour le bouddhiste, de la nature profonde de
la réalité, et de la manière de l’appréhender. |
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L’une des nombreuses illustrations du
Rêve du papillon |
昔者庄周梦为胡蝶,栩栩然蝴蝶也。(自喻适志与!)不知周也。俄然觉,则蘧蘧然周也。不知周之梦为胡蝶与?蝴蝶之梦为周与?(周与蝴蝶则必有分矣。)……此之谓物化。
« Zhuangzi rêva un jour qu'il était un papillon, un papillon qui
voletait ici et là, librement. Mais qui ne savait pas qu'il
était Zhuangzi. Soudain, il se réveilla, et il était là,
Zhuangzi indiscutablement. Mais il ne savait pas s'il était
Zhuangzi qui avait rêvé qu'il était un papillon, ou un papillon
qui rêvait qu'il était Zhuangzi. Entre Zhuangzi et un papillon,
il faut bien qu’il existe une différence ! C'est ce qu'on
appelle la transformation des choses. »
Traductions et essais en français
Il
existe de nombreuses traductions du texte, complet ou non, ainsi
que des essais, de Jean Levi et Jean-François Billeter, chez
Allia.
Petite bibliothèque du Zhuangzi en français, en 14 titres :
https://www.babelio.com/liste/4955/Zhuangzi-Tchouang-tseu
A
lire en ligne
-
Article de Léon Thomas paru dans la Revue de l’histoire des
religions en 1987 : Les états de conscience inhabituels dans le
« Zhuangzi » :
https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1987_num_204_2_2184
-
Texte bilingue anglais-chinois,
trad. James Legge
https://ctext.org/zhuangzi
C’est dans le cadre du Xuanxue qu’ont été
interprétés dans un sens métaphysique les trois textes
du Zhuangzi, du Yijing (易经)
ou « Traité des mutations » et du Daodejing (道德经),
ou « Livre de la voie et de la vertu », soit les « trois
livres de la profondeur ».
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