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                  | 
				
				Wang Anyi 王安忆   
				
				I. Présentation générale 
				par Brigitte Duzan, 5 septembre 
				2010, actualisé 31 
				août 2023 
				  
					
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						Wang 
						Anyi (王安忆) 
						est née en 1954 à Nankin, mais la famille déménagea 
						l’année suivante à Shanghai, ville natale de sa mère : 
						c’est là qu’elle a grandi, et c’est là qu’elle vit 
						toujours. Auteur prolifique, capable de se renouveler 
						constamment, c’est cependant Shanghai dont elle a fait 
						son thème de prédilection, et dont elle est devenue 
						l’écrivain emblématique. Célébrée, à son corps 
						défendant, comme héritière de 
						
						Zhang Ailing, et 
						symbole vivant du nouveau  
						
						
						haipai,
						elle participe de l’engouement actuel pour la 
						ville. 
						  
						Riche 
						d’une centaine de nouvelles courtes, une trentaine de 
						nouvelles « moyennes », une douzaine de romans, onze 
						volumes d’essais et autres recueils, son œuvre, 
						cependant, mérite d’être approfondie au-delà de ce label 
						réducteur, et au-delà des quelques titres qui ont été 
						traduits.   |  | 
						
						 
						Wang Anyi 
						(王安忆) |    
				Etudes 
				interrompues par la Révolution culturelle 
				  
				Wang Anyi est 
				née dans une famille qui la prédisposait à une carrière 
				littéraire. Sa mère, 
				Ru Zhijuan 
				(茹志鹃), 
				était elle-même un écrivain célèbre, et son père, Wang Xiaoping 
				(王啸平), 
				dramaturge et cinéaste.
				 
				  
					
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						Poème de Baijuyi |  | 
						Dès 
						l’âge de quatre ans, elle révèle des talents précoces : 
						elle est capable de réciter des poèmes classiques, dont 
						« Le Chant des regrets éternels », long poème narratif 
						du poète de la dynastie des Tang Bai Juyi (白居易), 
						dont elle se souviendra, bien des années plus tard, en 
						écrivant son roman le plus célèbre qui en porte le 
						titre. La maison étant pleine de livres, elle prend très 
						tôt l’habitude de s’endormir en lisant. 
						  
						En 
						1957, cependant, l’histoire, et la politique, font une 
						première incursion dans sa vie : son père est accusé 
						d’être ‘droitiste’ et expulsé du Parti. La Révolution 
						culturelle, ensuite, interrompt brutalement ses études 
						en 1969, alors que, à 
						 |  
						quinze 
				ans, elle vient juste de terminer le 
				collège. Elle en a tiré le sujet de son premier roman, « Au 
				collège en 1969 » (《六九屆初中生》), 
				dont la première partie est essentiellement autobiographique. 
				Elle a d’ailleurs fait du nombre 69 le symbole des 
				bouleversements de l’époque, avec ses deux chiffres dont l’un 
				est l’image renversée de l’autre.  
				  
				Elle-même 
				considère cependant que ce fut peut-être là un coup du sort : vu 
				le peu d’estime où étaient tenues à l’époque les études 
				littéraires et artistiques, et les problèmes liés à ce genre de 
				professions dont ses parents avaient eux-mêmes fait l’amère 
				expérience (son père d’abord, puis sa mère, critiquée dès 1966 
				pour des écrits considérés comme trop sentimentaux), ils 
				l’avaient orientée vers un cursus scientifique ; sans la 
				Révolution culturelle, Wang Anyi ne serait peut-être jamais 
				devenue écrivain. 
				  
				Portée par 
				l’enthousiasme caractéristique du moment, elle se porte 
				volontaire pour aller « à la campagne », et part travailler la 
				terre dans une commune populaire du district de Wuhe (五河县),
				
				au nord-est de l’Anhui, district 
				pauvre, mais qui avait l’avantage d’être à proximité d’une voie 
				ferrée reliant la bourgade à Shanghai. Une fois sur place, la 
				réalité fait vite retomber l’exaltation initiale, mais l’épreuve 
				est pour elle de plus courte durée que pour la plupart de ses 
				condisciples de la même génération. 
				  
				Comme elle 
				savait jouer de l’harmonica, elle réussit en 1972 à entrer dans 
				la troupe culturelle de Xuzhou (徐州地区文工团), 
				au nord-ouest du Jiangsu. Elle y apprend le violoncelle et y 
				fait la connaissance de son futur époux, le directeur de la 
				troupe, Li Zhang (李章). 
				Elle commence à écrire pour tromper le temps et vaincre le 
				sentiment d’ennui claustrophobe qu’elle ressent dans ce petit 
				monde clos. Elle en tire le sujet d’une nouvelle, « Vie dans une 
				petite cour », qui raconte les détails triviaux de l’existence 
				quotidienne des artistes d’une troupe, avec commérages et 
				disputes conjugales. La nouvelle sera adaptée au cinéma en 1981 
				sous le titre « Notre petite cour » (《我们的小院》), 
				comme travail de fin d’études, par un groupe d’élèves de 
				l’Académie du cinéma de Pékin sous la direction de Tian 
				Zhuangzhuang (田壮壮) ; 
				il dira de la nouvelle : « Elle donne l’impression de chercher 
				dans les coins obscurs à la lumière d’une bougie, et laisse un 
				arrière-goût comme du thé épicé. »  
				  
				En 1976, elle 
				publie aussi, dans la revue « Les arts et les lettres du 
				Jiangsu » (《江苏文艺》), 
				son premier recueil d’essais intitulé « En avant » (《向前进》). 
				Mais après 
				la mort de Mao, puis la chute de la Bande des Quatre, en 1978, 
				elle peut enfin rentrer à 
				Shanghai où elle obtient un poste dans un journal pour enfants : 
				« Enfance » (《儿童时代》). 
				Li Zhang obtient également son transfert et devient éditeur 
				d’une revue musicale.  
				
				  
				
				En 1980, 
				elle bénéficie d’une formation dispensée par l’Association 
				nationale des écrivains chinois et, en 1981, publie une 
				nouvelle, « La pluie, cha cha cha » (《雨,沙沙沙》),
				qui 
				raconte
				
				l’histoire d’une jeune fille qui part sous la pluie en espérant 
				revoir le garçon qu’elle a rencontré ; c’est une nouvelle 
				empreinte d’un doux romantisme qui préfigure une longue série 
				sur la quête féminine de l’amour et du bonheur, mais le 
				romantisme en moins. Personne encore n’avait osé prendre pour 
				thème les émois intérieurs d’une adolescente : c’est un succès, 
				la carrière de Wang Anyi est lancée.  
				
				  
				Ecrivain 
				d’avant-garde, chantre des sentiments intérieurs et du désir 
				féminin 
				  
				Peintre 
				réaliste de la vie de tous les jours 
				  
				Ses premiers 
				écrits relèvent cependant du mouvement « de recherche des 
				racines » (‘寻根文学’)
				succédant, dans les années 
				1980, à la ‘littérature des cicatrices’ (‘伤痕文学’). 
				Comme les écrivains de sa génération, elle apporte son 
				témoignage des souffrances et désillusions subies pendant dix 
				ans, et du terrible retour à la réalité ensuite, comme si ces 
				dix ans, justement, n’avaient servi à rien : simplement à former 
				une génération inapte à une quelconque réinsertion dans une vie 
				normale. C’est ce qu’elle décrira dans sa nouvelle « Destination 
				finale » (《本次列车终点》). 
				  
				Elle y dépeint 
				par petites touches la dure réalité qui accueille un jeune qui 
				revient enfin chez lui, à Shanghai, après dix ans à la campagne, 
				une réalité qui n’a rien à voir avec le rêve doré qui l’avait 
				aidé à tout supporter pendant tout ce temps-là. L’appartement de 
				sa mère est exigu, reflétant la surpopulation de la ville, les 
				jeunes qui reviennent n’ont pas de travail, lui n’a que celui 
				que lui a laissé sa mère en partant à la retraite, et il lui 
				faut une heure et demi de trajet dans des bus bondés pour y 
				aller. La difficulté des conditions de vie crée des conflits : 
				la vie à Shanghai n’est pas facile, se dit-il, en se rappelant 
				avec nostalgie l’école où il enseignait, les élèves qu’il a 
				quittés sans même leur dire au revoir, et la jeune fille qu’il a 
				aimée… Le rêve du retour à Shanghai est remplacé par le rêve du 
				passé, comme si le rêve était la seule chose qui pouvait aider à 
				vivre. Mais surtout se profile la question amère et lancinante : 
				est-ce que tous les sacrifices réalisés au long de ces dix 
				années valaient vraiment la peine. 
				  
				En 1982, la 
				nouvelle ‘de taille moyenne’ « La fuite du temps » (《流逝》), 
				primée en 1982, est une œuvre concise, structurée sur le 
				principe du parallélisme, qui
				décrit 
				la vie d’une femme, Ouyang Duanli (欧阳端丽), 
				de son mari et de ses trois enfants, pendant la Révolution 
				culturelle et après. Tous leurs biens leur sont enlevés, elle 
				doit travailler en usine, mais quand elle pourrait 
				« s’enrichir », et améliorer son existence, elle continue le 
				travail auquel elle s’est habituée. Finalement, sa vie se réduit 
				à attendre que passe le temps (流逝), 
				une heure, puis un mois, puis une année, puis une existence 
				entière, sans plaisir et sans joie, comme quelqu’un qui se 
				contente d’avaler un bol de gruau froid, rapidement, simplement 
				pour ne pas avoir faim.  
				  
					
						| 
						Elle 
						participera ensuite, avec plusieurs autres romans et 
						nouvelles, dont  « Le petit bourg des Bao » (《小鲍庄》), 
						en 1985, au mouvement général d’évocation du passé et 
						des traditions gommées par la Révolution culturelle. 
						Dans un passé incertain préservé dans la mémoire 
						collective, le petit bourg des Bao a été détruit par une 
						inondation catastrophique, entraînée par la négligence 
						de certains qui avaient mal entretenu les digues. Le 
						village, semble-t-il, continue à souffrir de cette 
						ancienne faute, les habitants ne connaissant pas de 
						répit dans leurs malheurs, jusqu’à ce que, lors d’un 
						autre déluge, le sacrifice d’un jeune garçon tentant de 
						sauver son grand-père vienne racheter la faute initiale. 
						La nouvelle est donc un éloge des valeurs 
						traditionnelles de solidarité et de responsabilité 
						collective, discours qui commençait à se généraliser 
						dans le contexte de la course à l’enrichissement lancée 
						par Deng Xiaoping. Mais la satire affleure lorsque le 
						jeune garçon est institutionnalisé en héros national par 
						l’appareil de propagande du Parti… |  | 
						 
						« Le petit bourg des 
						Bao » (《小鲍庄》) |  
				  
				Elle aurait pu 
				continuer dans cette veine, sans se démarquer beaucoup de la 
				tendance générale, lorsque, en 1983, elle eut la chance de 
				partir aux Etats-Unis, avec sa mère, participer au programme 
				international de recherche sur l’écriture de l’université de 
				l’Iowa. Elle y découvre d’autres possibilités d’expression, et 
				abandonne alors la peinture et la critique sociale pour se 
				tourner vers la psychologie des personnages et, avec chacune de 
				ses nouvelles, créer un monde intérieur, individuel et 
				personnel. Elle revient en fait vers sa veine initiale, celle de 
				la « Pluie cha cha cha », mais en l’approfondissant et en lui 
				donnant une touche personnelle qui va contribuer à sa célébrité. 
				  
				Pionnière de 
				la peinture de la subjectivité féminine   
				Le tournant 
				décisif dans la carrière de Wang Anyi est ainsi, en 1987/88, la 
				publication de ce qu’on a appelé sa « trilogie de l’amour » 
				(三恋) : 
				« Amour sur une colline dénudée » (《荒山之恋》), 
				« Amour dans une petite ville » (《小城之恋》)
				et 
				« Amour dans une vallée enchantée » (《锦绣谷之恋》), 
				trois nouvelles ‘de taille moyenne’ qui font l’effet d’une bombe 
				dans les milieux littéraires chinois, et sont unanimement 
				saluées par la critique.     
					
						| 
						 
						« Amour sur une colline 
						dénudée » 
						 (《荒山之恋》) |  | 
						
						Les trois 
						nouvelles ont été le plus souvent traduites dans le 
						désordre, il y a pourtant une progression dans les 
						thèmes et l’écriture qu’il est important de préserver.
						   
						La 
						première, « Amour sur une colline dénudée », est 
						l’histoire, d’abord décrite en parallèle, d’un jeune 
						violoncelliste que la vie a rendu veule et qui végète 
						dans un bureau, et d’une jeune fille dont le seul 
						plaisir dans la vie semble être d’aguicher les hommes 
						autour d’elle ; les deux destins finissent par se 
						rejoindre, avec des conséquences évidemment 
						dramatiques : entraînés dans un amour sans issue, ils se 
						suicident en haut de la montagne qui surplombe leur 
						ville, lieu mythique où aurait été écrit « Le voyage 
						vers l’Ouest »… ce qui fait confluer leur histoire 
						d’amour avec le mythe. |  
				  
					
						| 
						La 
						seconde, « Amour dans une petite ville », est une 
						histoire d’amour fou entre deux membres d’une troupe de 
						danse au temps de la Révolution culturelle, écrite avec 
						la même sorte de frénésie que celle qui habite les corps 
						des deux jeunes qu’elle décrit. Il y a une grande 
						violence dans ces pages, une violence brute, sans aucune 
						nuance de morale, l’amour et le désir y apparaissant 
						comme les forces mêmes de la vie. Ici, la conclusion est 
						plus positive, mais reste ambiguë : la jeune femme tombe 
						enceinte, et trouve dans son enfant le sens de son 
						existence ; comme c’est une expérience qu’elle ne peut 
						partager, son histoire d’amour s’achève là. La nouvelle 
						semble donc prolonger la précédente en posant l’amour 
						comme une passion libératrice, mais une effervescence 
						sans lendemain, sens sur lequel la nouvelle suivante, et 
						donc l’ensemble de la trilogie, semblent se conclure. |  | 
						 
						« Amour dans une petite 
						ville »  
						(《小城之恋》) |  
				  
					
						| 
						
						 
						« Amour dans une vallée 
						enchantée »  
						(《锦绣谷之恋》) |  | 
						La 
						troisième, « Amour dans une vallée enchantée », 
						est en effet comme la maturation des deux précédentes : 
						une femme qui s’ennuie chez elle rencontre, lors d’un 
						congrès, un écrivain taciturne qui la fascine et 
						l’attire , 
						et, dans un paysage de montagnes et de brumes, cette 
						passion soudaine et secrète illumine le monde autour 
						d’elle, pratiquement sans échange verbal ou contact 
						physique. La traductrice française de la nouvelle, 
						Yvonne André, en a donné un superbe commentaire : « Le 
						roman de Wang Anyi a la beauté de ces peintures 
						chinoises où le trait à l’encre noire s’appuie sur le 
						vide pour suggérer l’élan de la vie et des sentiments ; 
						elle y dépeint ce moment suspendu où le cœur s’accorde 
						parfaitement au paysage et y puise dans le silence la 
						confirmation de son idéal. »  
						La passion est ici plus éthérée que dans les deux autres 
						nouvelles, mais elle apporte la même vitalité, le même 
						sentiment de libération, 
						 |  
				
				même s’il est ici comme né du 
				paysage, et destiné à mourir une fois épuisé le charme qu’il 
				exerçait. 
				
				  
				
				Wang Anyi fait 
				ainsi figure de pionnière dans un style moderne qui se rattache 
				indirectement aux grands romans de la dynastie des Ming, dont, 
				bien sûr, le « Rêve dans le pavillon rouge » (《红楼梦》), 
				avec des références occidentales, et en particulier, selon les 
				dires mêmes de Wang Anyi, « Madame Bovary » pour « Amour dans 
				une vallée enchantée ».    
				Pionnière, mais 
				non isolée, car elle fait partie d’un groupe de femmes écrivains 
				plus âgées qu’elle mais partageant les mêmes préoccupations, 
				comme Zhang Jie (张洁), 
				autre prix Mao Dun, qui fut l’une des premières à dépeindre les 
				ravages émotionnels causés chez les femmes par les préceptes de 
				la ‘nouvelle société’. Wang Anyi est donc à replacer dans un 
				mouvement qui commença à aborder des sujets jusqu’ici 
				interdits : les pathologies émotionnelles nées de la répression 
				sexuelle et du manque de vie personnelle, les souffrances nées 
				de désirs réprimés, et du mariage ressenti comme un devoir pour 
				se conformer aux us et conventions sociales. Les problèmes 
				valaient tout autant pour leurs homologues masculins, mais ce 
				sont ces femmes qui ont lancé la discussion sur les rapports 
				entre politique et vie personnelle, avant que n’éclate le 
				mouvement de réflexion sur la culture à la fin des années 1980. 
				Etait ainsi soulevé le problème de la subjectivité et de ses 
				mécanismes en dehors du théâtre politique, essentiellement 
				masculin : une subjectivité posée en termes féminins.   
					
						| 
						La 
						trilogie de Wang Anyi est devenue un classique du genre, 
						prolongé par une série de nouvelles et romans sur des 
						thèmes proches : romans explorant des destinées 
						individuelles, comme  « Minnie » (《米尼》), 
						née d’une expérience originale de séjour en prison avec 
						des détenues qui lui racontèrent cette histoire, ou 
						réfléchissant sur la vie familiale, avec des personnages 
						féminins à la recherche d’amour mais y 
						perdant 
						souvent leur carrière, leur dignité, ou davantage 
						encore. 
						  
						Cette 
						période atteint son apogée avec le chef d’œuvre 
						incontesté à ce jour, qu’est « Le chant des regrets 
						éternels » (《长恨歌》). 
						  
						« Le 
						chant des regrets éternels »   
						Publié 
						en 1995 - incidemment peu avant la mort de Zhang Ailing 
						– et inspiré d’un fait divers assez sordide que Wang 
						Anyi avait lu dans un journal et dont elle a fait la fin 
						de son récit, ce roman est l’histoire en trois parties, 
						ou trois mouvements, de la vie d’une femme,
						Wang Qiyao (王琦瑶), 
						présentée comme « l’archétype des jeunes filles des 
						ruelles de Shanghai » : 
						
						王琦瑶是典型的上海弄堂的女儿。 
						  
						C’est à 
						travers les péripéties de son existence, dans une sorte 
						de huis clos, que nous est dépeinte l’histoire de 
						Shanghai, entrevue à travers des bribes distillées dans 
						le corps du récit, une histoire qui semble parvenir 
						comme un écho lointain des fureurs du monde jusqu’au 
						sein des ruelles de la ville où les gens peuvent trouver 
						refuge et savourer une tranquillité relative, à l’écart 
						des tumultes extérieurs. Si tragédies il y a, elles 
						restent muettes et cachées.   
						C’est 
						un roman empreint de nostalgie, de regrets 
						effectivement, mais quels regrets ? Regrets des mille 
						 |  | 
						
						 
						« Minnie » 
						(《米尼》) 
						  
						
						 
						« Le chant des regrets 
						éternels » 
						 (《长恨歌》) |  
						
				occasions manquées du destin douloureux et d’une femme et d’une 
				ville, mais regrets aussi, certainement, de voir celle-ci perdre ce qui 
				faisait son charme et sa force : la vie paisible et secrète qui 
				se déroulait au fond de ses ruelles. Une folie de modernité sème 
				partout un vent de frivolité ; quand Qiyao, à la fin, invite sa 
				fille et son futur gendre au célèbre restaurant ‘La Maison 
				rouge’, l’image du passé est réduite à un cliché factice devant 
				lequel elle n’est plus que spectatrice nostalgique : le temps 
				est bel et bien perdu. On sent le regard de l’auteur, à ce 
				moment-là, se fondre dans celui de son personnage.    
				  
				Le roman a valu 
				à Wang Anyi d’être proclamée en 1998 « Meilleur auteur féminin 
				de la Chine moderne » ; il a par ailleurs été couronné du prix 
				Mao Dun en l’an 2000, et Wang Anyi a été l’année suivante élue 
				présidente de l’Association des Ecrivains de Shanghai. Le succès 
				du livre, cependant, a eu pour conséquence de figer son auteur 
				dans une image un peu factice : celle de symbole du nouveau
				haipai, ce ‘style de Shanghai’ 
				indéfinissable, qui n’existe en fait que dans les esprits, mais 
				qui est à la mode. Déjà adapté au cinéma par Stanley Kwan, le 
				roman a également fait l’objet en 2003 d’une adaptation 
				théâtrale, au Shanghai Dramatic Art Centre, qui n’a fait que 
				médiatiser encore cet aspect de son œuvre qui la pose en outre 
				en héritière de 
				Zhang Ailing : 
				un mythe, largement fabriqué à Taiwan, qu’elle n’a cessé de 
				réfuter en arguant qu’elle avait écrit dans des styles bien plus 
				divers qu’elle, et que son Shanghai n’a rien à voir avec le 
				sien. 
				  
				Elle a 
				d’ailleurs depuis lors encore élargi ses thèmes en consacrant 
				plusieurs livres non seulement à Shanghai, mais aussi à sa 
				famille, et en préparant un livre qui n’aura encore rien à voir 
				avec ce qu’elle a écrit jusqu’ici. 
				  
				
				Maturité : retour sur le passé et nouvelles recherches 
				stylistiques 
				  
				Années 
				2000 : le passé revisité   
				 La 
				maturité est toujours l’âge des retours sur soi-même et son 
				passé. Ce passé, chez Wang Anyi, passe par les souvenirs de 
				Shanghai. Au cours des dix dernières années, elle a écrit un 
				certain nombre de livres qui ont Shanghai pour centre, soit sous 
				l’aspect fictionnel, soit sous la forme d’essais. 
				   
					
						| 
						En 
						2004, elle a ainsi publié ce qui a été traduit par « La 
						Coquette de Shanghai » (《桃之夭夭》)
						
						qui se passe dans la Shanghai du milieu du vingtième 
						siècle et dont le titre est une référence à un vers du 
						« Livre des odes » qui évoque une jeune fille qui va se 
						marier ; c’est donc un retour sur le mariage comme 
						valeur centrale de la vie d’une femme. Mais l’histoire 
						est aussi celle, au quotidien, d’une femme qui a des 
						relations difficiles avec celles qui l’entourent, une de 
						ces anti-héroïnes des fonds de ruelles qu’affectionne 
						particulièrement Wang Anyi.    
						Elle a 
						aussi écrit des livres dans le style de ceux de
						Chen Danyan, livres 
						d’histoire de la ville abondamment illustrés : par 
						exemple, en 2001, « A la recherche de Shanghai » 
						(《寻找上海》).   
						Mais 
						revisiter l’histoire de Shanghai passe aussi par des 
						incursions dans sa propre histoire familiale. Dans « Vérités 
						et mensonges » (《纪实与虚构》), 
						elle se plonge dans l’histoire de la famille de sa mère, 
						l’écrivain 
						
						Ru Zhijuan (茹志鹃). 
						Elle a trié les papiers retrouvés à sa mort, dont un 
						manuscrit inachevé de la deuxième partie de son 
						autobiographie, qu’elle a publié. Elle est en train de 
						faire la même chose pour son père, décédé en 2003.
						 
						  
						Le 
						retour sur le passé est aussi un retour sur son 
						adolescence, donc sur la période de la Révolution 
						culturelle, mais vue sous un aspect très personnel : 
						intitulé « Un âge des lumières » (ou « An Era of 
						Enlightenment »《启蒙时代》), 
						le roman – autobiographique - brosse l’histoire d’un
						
						
						groupe de jeunes qui grandissent à Shanghai dans la 
						seconde partie des années 1960, quand la Révolution 
						culturelle vient bouleverser leurs existences ; Wang 
						Anyi les montre poursuivant leurs idéaux et leurs rêves 
						de liberté – d’abord enthousiasmés – abstraitement - par 
						le marxisme et toutes sortes de théories 
						révolutionnaires, puis, au fur et à mesure de leur 
						mûrissement intellectuel et affectif, prenant peu à peu 
						conscience de la vie réelle. C’est un témoignage 
						empreint d’une certaine nostalgie sur une génération 
						marquée du sceau indélébile de l’Histoire. 
						   
						
						Initialement publié en février 2007 dans le magazine 
						Shouhuo (《收获》), 
						le roman a valu à la romancière le prix de l’écrivain le 
						plus remarquable décerné en 2008 au terme d’un concours 
						sponsorisé par le quotidien cantonais Southern 
						Metropolis (南方都市报) ; 
						le roman 
						
						a également été 
						
						finaliste en 2010 du Man Booker Prize. 
						 
						
						  
						
						Avec 
						ce récit, Wang Anyi semble avoir tourné une page : il 
						sonne comme un adieu à un âge révolu. Elle a, depuis 
						lors, encore une fois montré 
						sa capacité à se 
						renouveler constamment. Le ‘China Daily’ titrait en 
						juillet 2010 un article la concernant : « An evergreen 
						writer » 
						
						. 
						Ecrivain toujours vert, et résolument hors des courants 
						et des modes.  
						  
						
						Années 2010 : nouvelles recherches, nouveau style |  | 
						
						 
						« La Coquette de Shanghai 
						»  
						(《桃之夭夭》) 
						  
						 
						« A la recherche de 
						Shanghai »  
						(《寻找上海》) 
						  
						
						 
						Un âge des Lumières Qimeng Shidai |  
				  
				
				Wang Anyi n’a 
				jamais été aussi prolifique 
				qu’au début de la décennie 2010. 
				Elle a publié de nouveaux textes de fiction, mais aussi des 
				essais ; la différence entre les uns et les autres devient 
				cependant de plus en plus floue : son style a évolué, débouchant 
				sur des nouvelles subtiles, de forme très novatrice. 
				 
				  
					
						| 
						1. 
						Sorti en mai 
						2011, Tianxiang
						ou « 
						Senteurs célestes »  
						(《天香》) 
						est une saga familiale originale pendant les deux 
						derniers siècles de la dynastie des Ming, soit les 16ème 
						et 17ème siècles : le roman brosse l’histoire 
						de quatre générations de femmes de la famille Shen (申家) 
						que les malheurs des temps contraignent à faire de leurs 
						broderies non plus un passe-temps mais une activité 
						économique, et qui y réussissent tellement bien qu’elles 
						finissent par créer un style propre. Leurs broderies 
						connaissent la célébrité sous le nom de la propriété 
						familiale : « les broderies du Jardin des senteurs 
						célestes » (“天香园绣”). 
						
						
						  
						
						
						Le roman n’est pas une simple saga familiale sur fond de 
						bouleversements sociaux et historiques ; c’est un 
						témoignage sur une culture spécifique, la culture du sud 
						du delta du Yangzi. La famille Shen du récit est un 
						calque d’une vraie famille, la famille Gu, liée à un 
						style de broderie,  |  | 
						 
						Senteurs célestes Tianxiang |  
						
						
						le style
				Gu (“顾绣”), 
				nourri de la grande tradition des lettrés : inspiré de peinture 
				et de calligraphie.   
				
				
				  
				
				
				Le roman, cependant, n’est pas un simple compendium de culture 
				locale. Il dresse un tableau vivant de la famille, hommes 
				faibles et femmes de caractère, plaçant celles-ci au centre du 
				récit pour en dépeindre les idéaux et les désirs, désirs de 
				fidélité, d’amour et de stabilité, comme toujours chez les 
				femmes sous la plume de Wang Anyi. En ce sens, 
				Tianxiang
				
				est un roman dans la veine du « Chant des regrets éternels » (《长恨歌》), 
				avec des caractères féminins plus subtils et plus complexes que 
				celui de Wang Qiyao, mais dans le même souci de dépeindre une 
				époque par les « rumeurs » des ruelles et des arrières cours, 
				plutôt que par les événements des manuels d’histoire. 
				 
				
				  
				
				Les romans de 
				Wang Anyi dressent ainsi une histoire des mentalités qui 
				sous-tend la trame de la culture et celle, in fine, de 
				l’histoire. C’est aussi une histoire des désirs, et surtout des 
				désirs féminins, constants et intemporels.  
				 
				
				
				  
					
						| 
						2. Les 
						années 2013-2013 voient la publication de quatre 
						recueils d’essais originaux, définis comme des « 
						recueils de textes non fictionnels » (“非虚构文丛”), 
						où elle poursuit sa réflexion sur le temps et les femmes 
						: 
						Avril 
						2012  L’espace au fil du temps  
						
						《空间在时间里流淌》 
						Août 
						2012  Hommes et femmes, femmes et villes 
						 
						
						《男人和女人,女人和城市》 
						Mai 
						2013  Le bord de mer à Steinhagen 
						
						《波特哈根海岸》 
						
						            Novembre 2013 : Ce soir les étoiles brillent
						 
						           
						
						
						《今夜星光灿烂》 
						  
						« Le 
						bord de mer à Steinhagen » est conçu comme un faux 
						journal de voyage : c’est en fait un voyage de l’esprit. 
						Quant au dernier recueil, il est constitué de 
						
						
						58 
						essais sur les personnalités les plus diverses qui, 
						toutes, ont laissé une trace dans la mémoire, des 
						écrivains, de Ba Jin à d’autres 
						
						 |  | 
						
						 
						Ce soir les étoiles brillent |  
						
						
				beaucoup moins connus, 
				des cinéastes comme Chen Kaige, des relations épistolaires ou 
				même des artisans et des gens de la rue.
				 
				
				
				  
					
						| 
						
						
						3. Cette année 2013 est marquée, par ailleurs, par la 
						publication, en janvier, d’un recueil de nouvelles d’un 
						style très novateur. Il s’agit d’une nouvelle de taille 
						moyenne (中篇小说) 
						et de six nouvelles courtes, récentes et inédites, le 
						recueil étant publié sous le titre de la première : 
						« Cacophonie ambiante » (zhòngshēng 
						xuānhuá 
						
						《众声喧哗》). 
						
						
						  
						
						
						Cette première nouvelle retrace l’histoire de trois 
						personnages apparemment sans relief, mais pourtant peu 
						ordinaires : Ou Bobo (欧伯伯), 
						Nannan (囡囡)
						
						
						et Liuye (六叶). 
						Le premier est un homme déjà assez âgé, ancien 
						réparateur de voitures dont le collègue est mort et qui 
						a ouvert un magasin de boutons ; sa vie est d’un ennui 
						mortel, mais animée par l’arrivée des deux autres. L’un 
						est un jeune garçon dans les trente ans, gardien du 
						quartier, timide et renfermé, affecté d’une infection de 
						la bouche qui le rapproche du vieil homme qui est en 
						train de perdre l’usage de la parole à la suite d’une 
						grave maladie. Quant à l’autre,  |  | 
						 
						Cacophonie ambiante Zhongsheng xuanhua |  
				
				c’est une jeune sans toit ni loi qui vient louer une partie de 
				la boutique de boutons pour vendre des vêtements.  
				
				
				  
				
				
				Les boutons sont évidemment emblématiques : les trois 
				personnages de l’histoire sont comme des boutons dépareillés et 
				bizarres, qui n’ont de place à eux nulle part…. 
				
				
				  
				
				
				Cette nouvelle annonce le ton, très libre, des nouvelles courtes 
				qui suivent, dont l’originalité tient autant au sujet qu’à la 
				forme. La première date de 2008, et a été écrite pour répondre à 
				une commande sur le sujet suivant : une histoire où l’amour sera 
				défini en termes matériels. D’où l’idée exprimée dans le titre : 
				« Je t’aime comme une 
				poupée russe » (《爱套娃一样爱你》). 
				Wang Anyi a ensuite écrit les cinq autres sur un thème 
				similaire ; elles datent de 2012, la dernière de novembre. 
				  
				Wang Anyi 
				s’affirme de plus en plus comme l’une des romancières chinoises 
				les plus novatrices aujourd’hui, bien au-delà du réalisme de ses 
				débuts. Son 
				roman « Incognito » (《匿名》), 
				paru fin 2015 dans la revue Shouhuo, avant d’être publié 
				début 2016 aux éditions Littérature du peuple, est un parfait 
				exemple de sa capacité à se réinventer constamment, en changeant 
				à la fois de style, de construction narrative et de tonalité 
				générale, cette fois en poussant l’écriture vers l’abstraction. 
				  
				Prix Newman 
				2017 
				  
				Le 21 septembre 
				2016, Wang Anyi a été la lauréate - au titre de l’année 2017 -  
				du Newman Prize for Chinese Literature, prix littéraire décerné 
				tous les deux ans par l’Institute for US-China Issues de 
				l’université de l’Oklahoma.  
				  
				Elle est ainsi 
				la cinquième lauréate de ce prix, après
				
				Han Shaogong (韩少功) 
				en 2009 et 
				Mo Yan (莫言) 
				en 2012 pour la Chine continentale, le poète
				Yang Mu (楊牧) 
				et la romancière et scénariste 
				
				Chu Tien-wen (朱天文) 
				pour Taiwan, respectivement en 2013 et 2015.  
				  
				La 
				théoricienne, critique et professeur de littérature comparée à 
				l’université de Pékin Dai Jinhua (戴锦华) 
				a expliqué ainsi le choix de Wang Anyi :  
				« Au cours 
				des trente dernières années et plus, Wang Anyi a constamment 
				modifié son écriture et transformé ses orientations littéraires 
				pour produire un spectaculaire corpus d’œuvres qui a créé une 
				réalité de la littérature de langue chinoise s’apparentant à une 
				cité littéraire, voire même une nation. »  
				  
				
				Publications depuis 2017 
				  
					
						| 
						1. En 
						juin 2017, Wang Anyi publie un recueil de trois 
						nouvelles zhongpian ou novellas sous le titre de 
						la première, « Haricot rouge né dans le Sud » (Hongdou 
						sheng Nanguo《红豆生南国》), 
						les deux autres étant « Vers l’ouest, vers l’ouest, vers 
						le sud » (Xiang xi, xiang xi, xiang nan《向西,向西,向南》), 
						et « Partout dans la région » (Xiangguan chuchu《乡关处处》). 
						La deuxième a été couronnée du prix littéraire Zhongshan 
						dans la catégorie nouvelles courtes et moyennes. 
						 
						  
						Le 
						recueil a été fini d’écrire en octobre 2016, après le 
						séjour de six mois que Wang Anyi a fait à New York. Il 
						porte la marque de ce séjour. 
						- Le 
						premier zhongpian, Hongdou sheng Nanguo (《红豆生南国》), est 
						l’histoire de l’enfant d’une famille pauvre du Fujian 
						que ses parents ont « échangé » contre « trois cent 
						catties de râpures de patates douces » (“三百斤番薯丝”). 
						Il se retrouve à six ans dans l’île de Hong Kong avec sa 
						mère adoptive qui, malgré les difficultés, l’entoure 
						d’amour  |  | 
						 
						Haricot rouge né dans le sud |  
				et l’envoie à 
				l’école. Mais toute sa 
				vie est marquée par le sens d’insécurité né des troubles sociaux 
				des années 1950 et 1960 jusqu’à la fin du 20e siècle, 
				et de l’absence de liens ancestraux. Finalement, après l’échec 
				de son mariage, il choisit de revenir dans le sud du Fujian, à 
				la recherche de sa mère biologique.    
				- « Vers 
				l’ouest, vers l’ouest, vers le sud » décrit la vie de deux 
				femmes qui se rencontrent par hasard sur les chemins de 
				l’émigration, de Berlin à New York et jusqu’en Californie, au 
				sud de San Diego, où elles ont finalement créé un restaurant qui 
				marche bien. 
				- Dans la 
				dernière nouvelle, Yue’e (月娥) 
				est une travailleuse migrante au prénom symbolique 
				
				
				 
				originaire de Shaoxing partie travailler à Shanghai où, coupée 
				de son mari et de ses enfants, elle se sent seule et angoissée. 
				Seul le grand-père de la famille où elle travaille lui apporte 
				quelque réconfort et chaleur humaine. 
				  
				2. En septembre 
				2018 est publié le roman Kao Gong ji (《考工记》) 
				dont le titre est emprunté à un traité technique datant des 
				Royaumes combattants, une véritable encyclopédie sans doute 
				écrite pour l’empereur. On comprend le choix du titre en lisant 
				l’histoire. 
				  
				À cause de la 
				guerre, dans les années 1940, le descendant d’une riche famille 
				se retrouve seul dans la vieille demeure familiale désertée et 
				dilapidée. Comme il n’a pas les moyens de l’entretenir comme il 
				faut, il tente de la rendre à l’Etat pour que celui-ci la prenne 
				en charge comme précieux vestige du riche passé de Shanghai et 
				entreprenne les travaux nécessaires…. 
				  
					
						| 
						3. En 
						octobre 2020, le roman « Un couteau, mille 
						caractères » (《一把刀,千个字》) 
						est publié dans le 5e numéro de la revue 
						Shouhuo (《收获》2020年第5期) : 
						il arrive en tête de la liste annuelle des romans 
						établie par la revue. 
						  
						Le 
						roman relate la vie du chef cuisinier Chen Cheng (陈诚), 
						en commençant par ses années de maturité à New York et 
						en déroulant un récit couvrant toute l’histoire 
						familiale sur un demi-siècle et trois générations, entre 
						Chine et Occident. Le couteau est un couteau de cuisine, 
						il symbolise le travail du cuisinier et les mille 
						caractères le travail du pinceau. L’inspiration initiale 
						vient de l’expérience de l’auteure dans un camp d’été 
						pour enfants à la fin des années 1970, mais c’est quand 
						elle a passé six mois aux États-Unis en 2016 qu’elle a 
						trouvé l’environnement idoine pour pouvoir développer 
						ses personnages, à Flushing, un quartier résidentiel de 
						New York dans le Queens (où la population asiatique 
						représente près de 70 % du total).  |  | 
						 
						Un couteau, mille caractères. 2020 |  
				  
				Le véritable 
				personnage au cœur du récit est cependant celui de la mère, tôt 
				disparue, mais qui plane sur tout le récit. Wang Anyi ne lui a 
				pas donné de nom, et le personnage est d’autant plus symbolique 
				qu’elle a expliqué qu’il est inspiré de Zhang Zhixin (张志新), 
				violemment persécutée pendant la Révolution culturelle pour 
				s’être opposée à la Bande des Quatre : arrêtée et emprisonnée en 
				septembre 1969, elle a été brutalement exécutée le 4 avril 1975 
				dans le Nord-Est ; elle avait 45 ans.  
				  
					
						|   
						4. En 
						juillet 2022, la novella « Cinq lacs, quatre mers » (《五湖四海》)
						
						
						 
						est publiée dans le numéro 4 de la revue Shouhuo, 
						puis éditée en livre en août.  En janvier 2023, elle 
						arrive en tête de la liste des novellas de l’année 
						établie par la revue.  
						  
						C’est 
						un zhongpian de 90 000 caractères qui raconte de 
						manière relativement concise et toujours très réaliste 
						l’histoire de deux personnages, Zhang Jianshe (张建设) 
						et son épouse Xiu Guomei (修国妹), 
						sur près de 40 ans, de la fin des années 1970 jusqu’à la 
						période actuelle : l’histoire d’un couple qui sort de la 
						pauvreté et s’enrichit peu à peu pendant les années de 
						réforme et de croissance. 
						  
						Le 
						roman a été terminé pendant le confinement de Shanghai 
						en avril 2022, et il est possible que le dénouement 
						 pour le moins sombre ait été inspiré de l’atmosphère 
						délétère qui régnait à Shanghai à ce moment-là… 
						 |  | 
						 
						Cinq lacs, quatre mers, 2022 |  
				  
   
				Principale 
				œuvres 
				(les 
				traductions des titres sont données à titre indicatif) :  
				 
				  
				1981 
				《雨,沙沙沙》 
				   
				 Le 
				chuchotis de la pluie 
				1982 
				《黑黑白白》 
				     
				   
				Noir et blanc - Nouvelle pour enfants (儿童文学作品集) 
				1983 
				《流逝》 
				                
				
				 La fuite du 
				temps  
				
				《尾声》               
				Epilogue 
				1985 
				《小鲍庄》             
				Le petit 
				bourg des Bao   
				
				《母女漫游美利坚》 
				 Le voyage en Amérique d’une mère 
				et sa fille(散文集,
				
				
				与茹志鹃合著)
				 
				1986 
				《六九屆初中生》 
				 
				Au 
				collège en 1969 
				
				《黄河故道人》 
				    
				L’homme de 
				l’ancien cours du fleuve Jaune
				 
				1987/88《荒山之恋》 
				       
				Amour sur une colline dénudée                      
				 
				
				《小城之恋》 
				        
				Amour dans une petite ville    
				     
				《锦绣谷之恋》    
				      
				Amour dans une vallée enchantée 
				1988  
				
				《逐鹿中街》           Chasser 
				le cerf au milieu de la rue 
				
				《蒲公英》 
				        (散文集) 
				1989  
				
				《岗上的世纪》       
				Le siècle sur la crête 
				
				《海上繁华梦》      Rêve 
				agité de Shanghai
				 
				1990 
				《米尼》 
				
				          
				       
				Minnie   
				
				                         
				
				《旅德的故事》   
				
				
				长篇游记 
				
				Notes de 
				voyages                                   
				
				      
				 
				1991 
				《神圣祭坛》            L’autel 
				sacré 
				1995 
				《长恨歌》       
				        
				Le chant des regrets éternels  
				2001  
				
				《富萍》 
				                   Fuping                                 
				 
				
				《妹头》
				                 Meitou
				 
				2001  
				
				《弟兄们》       
				        
				Frères 
				
				《剃度》         
				
				        
				La tonsure 
				
				《寻找上海》 
				          
				A la recherche de Shanghai 
				2003  
				
				《阁楼》
				                   La 
				mansarde 
				2004  
				
				《桃之夭夭》      
				
				      
				La Coquette de Shanghai 
				 
				2005  
				
				《遍地枭雄》
				
				
				            Partout 
				de féroces ambitieux 
				2008  
				
				《启蒙时代》            
				L’âge des Lumières 
				 
				2011     
				
				
				《天香》         
				      
				Senteurs célestes 
				2012/2013  
				Quatre recueils de textes « non fictionnels » : 
				               
				
				
				《空间在时间里流淌》 
				L’espace au fil du temps 
				               
				
				
				《男人和女人,女人和城市》 
				Hommes et femmes, femmes et villes 
				               
				
				
				《波特哈根海岸》   
				Le bord de mer à Steinhagen 
				               
				
				
				《今夜星光灿烂》   
				Ce soir les étoiles brillent 
				2013     
				
				《众声喧哗》     
				       
				Cacophonie ambiante (recueil de nouvelles) 
				2015      
				
				《匿名》         
				          
				Incognito 
				2017      
				
				
				《红豆生南国》     
				    
				Haricot rouge né dans le sud 
				2018     
				
				
				《考工记》        
				          
				Kao Gong ji 
				2020     
				
				
				《一把刀,千个字》 
				Un couteau, mille caractères  
				2022      
				
				
				《五湖四海》       
				      
				Cinq lacs, quatre mers  
				  
   
				Traduction 
				en anglais 
				  
				Fu 
				Ping 
				《富萍》tr.
				Howard 
				Goldblatt, 
				Columbia University Press, 2019, 296 p. 
				  
   
				Traductions 
				en français : 
				  
				Aux éditions 
				Bleu de Chine : 
				Amère jeunesse, 
				traduit par Eric Jacquemin, janvier 2004.   
				  
				Aux éditions 
				Philippe Picquier      
				        
				 
				Les lumières de 
				Hong Kong, traduit par Denis Bénéjam, 2001.  
				Le chant des 
				regrets éternels 
				
				《长恨歌》, 
				traduit par Yvonne André et Stéphane Lévêque, février 2006.
				 
				Amour dans une 
				petite ville 
				
				《小城之恋》, 
				traduit par Yvonne André, août 2007.  
				Amour dans une 
				vallée enchantée 
				
				《锦绣谷之恋》, 
				traduit par Yvonne André, octobre 2008 
				Amour sur une 
				montagne dénudée 
				
				《荒山之恋》, 
				traduit par Stéphane Lévêque, mai 2008 
				A la recherche 
				de Shanghai 
				
				《寻找上海》, 
				traduit par Yvonne André, février 2011 
				Le plus clair 
				de la lune 
				
				《月色撩人》, 
				traduit par Yvonne André, janvier 2013 
				
				La Coquette de Shanghai
				
				
				
				
				《桃之夭夭》
				
				traduit par Brigitte Guibaud, mai 2017. 
				
				Histoire de mon 
				oncle (《叔叔的故事》), 
				traduit par Yvonne André, novembre 2020. 
				
				  
 
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