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Zhang Ailing / Eileen Chang 张爱玲

1920-1995

Présentation

par Brigitte Duzan, 28 juillet 2010, actualisé 26 avril 2021

 

Zhang Ailing (张爱玲) est l’un des emblèmes de la littérature de Shanghai, de ce haipai si difficile à définir qu’il reste, comme dans les années trente, une notion honnie ou adorée selon la personne qui en parle [1]. Zhang Ailing est plutôt du bon côté des choses, dans cette querelle littéraire, mais, de manière très shanghaienne, sa popularité est, et a toujours plus ou moins été, un phénomène de mode teinté de scandale.

 

Typiquement, l’engouement récent pour son œuvre date des lendemains de la vague d’enthousiasme côté occidental, de curiosité et d’opprobre côté chinois, que suscita la sortie du film d’Ang Lee « Lust. Caution » (色、戒), Lion d’or de la Mostra de Venise en 2007 : tout le monde sait aujourd’hui qu’il est adapté d’une des nouvelles de Zhang Ailing qui, illico traduite et publiée, ou ressortie des archives, fut un succès mondial de librairie.

 

Zhang Ailing (张爱玲)

  

Zhang Ailing fut urbi et orbi intronisée « master of the short story » par ‘The New Yorker’, reconnaissance qu’aucune des quatre précédentes adaptations cinématographiques de ses nouvelles n’avait réussi à susciter : il n’y manquait pas le génie, mais le soufre. Aujourd’hui que la vague est retombée, reste une œuvre fascinante où l’on devine en filigrane les événements qui ont marqué et l’auteur et son époque, et une vie marquée par la trahison, l’exil et la solitude.

 

Père opiomane, mère absente, famille chaotique

 

Zhang Peilun, grand-père

de Zhang Ailing

 

Zhang Ailing est née en septembre 1920 à Shanghai, dans une famille aux antécédents prestigieux tant du côté maternel que paternel. Son grand-père maternel, Huang Yisheng (黄翼升), était un commandant des forces navales chinoises, son grand-père paternel, Zhang Peilun (张佩纶), également. Pendant la guerre franco-chinoise [2], en août 1884, alors que ce dernier était responsable de la défense du Fujian, sa flotte fut totalement détruite. Après un temps d’exil, il revint à Pékin où il obtint un poste de secrétaire auprès de Li Hongzhang (李鸿章), alors personnage très influent à la cour impériale, habile général qui se révélera cependant piètre négociateur, mourant en 1901 après avoir signé le Protocole de paix, désastreux pour la Chine, qui mettait fin à la révolte des Boxers.

 

C’était un adversaire politique de Zhang Peilun, mais il apprécia ses talents, et lui offrit l’aînée de ses sœurs en mariage, malgré leur différence d’âge et l’opposition

de sa mère. De cette union naquirent deux enfants, Zhang Zhiyi (志沂) et Zhang Maoyuan (), le père et la tante de Zhang Ailing.

 

Ses parents déménagèrent à Tianjin quand elle avait deux ans, et, l’année suivante, en 1923, son père, déjà opiomane, ayant pris une concubine, sa mère partit en Angleterre, puis voyagea en Europe. C’était une femme qui avait été élevée à l’ancienne et avait les pieds bandés, ce qui ne l’empêcha pas de skier lorsqu’elle passa par les Alpes suisses. C’était surtout une femme extrêmement libre, ouverte aux idées modernes, qui eut une forte influence sur la personnalité de Zhang Ailing enfant, d’autant plus que son père était le type presque caricatural de l’autocrate chinois de la fin des Qing : entretenant une concubine, fumant de l’opium et sujet à des accès de violence impromptus. On a l’impression de deux personnages tirés d’une de ses nouvelles.

 

Outre sa mère, sa tante, Zhang Maoyuan, eut également beaucoup d’influence sur elle. Elle ne se maria qu’à l’âge de 78 ans, et les mauvaises langues l’avaient appelée

 

Zhang Ailing avec sa tante Zhang Maoyuan

« la super vieille fille » (“超级剩女”). En fait, à l’âge de 25 ans, on l’avait envoyée étudier en Angleterre, et elle avait connu là bas un autre étudiant, brillant, dont elle était tombée amoureuse ; mais il était déjà fiancé et s’était marié l’année suivante. Elle garda cependant contact avec lui toute sa vie, et, quand sa femme mourut, l’épousa enfin. C’était par ailleurs une femme de tête, qui écrivait des éditoriaux pour la télévision, et gagnait un bon salaire. Avec sa mère et sa tante, Zhang Ailing avait deux modèles de femmes de caractère, libres et modernes.  

 

Sa mère revint en 1927, son père ayant promis d’arrêter l’opium et de renvoyer sa concubine. Ils revinrent vivre à Shanghai, mais son père ne tint pas ses promesses. Finalement, les parents divorcèrent en 1930, et les enfants, Zhang Ailing et son petit frère Zhang Zijing (张子静), qui avait un an de moins qu’elle, restèrent avec leur père, qui se remaria. Sa mère repartit en Angleterre, avec sa plus jeune belle-sœur, et ne revint qu’en 1937. Zhang Ailing alla alors la voir, et resta deux semaines avec elle ; quand elle revint, elle se disputa avec sa belle-mère, sur quoi son père la battit et l’enferma. Elle resta tout l’automne et l’hiver ainsi, malade et sans soins médicaux. Finalement, aux alentours de la fête du Printemps, elle réussit à s’enfuir, revint chez mère et ne remit plus jamais les pieds chez son père. Elle avait juste dix-huit ans.

 

Etudes perturbées par la guerre

 

Saint Maria girls’ school, début 20ème siècle

 

Elle est allée à l’école dès quatre ans, à Tianjin, dans une école privée traditionnelle (私塾 sīshú). Ensuite, lorsque la famille revint s’installer à Shanghai, après le retour de sa mère, celle-ci lui fit donner des leçons de peinture, de piano et d’anglais. C’est aussi l’époque où Zhang Ailing découvrit les classiques de la littérature chinoise, en particulier « Le rêve dans le pavillon rouge » (《红楼梦》) qui exercera une grande influence sur la formation de son style littéraire. Sa mère choisit ensuite pour elle une école de

filles fondée par des protestants, Saint Maria Girls' School (圣玛利亚女校), école réputée de l’élite fortunée shanghaienne d’où sont sorties nombre de célébrités, y compris des actrices de cinéma [3]; c’est alors qu’elle fut inscrite sous le nom de Zhang Ailing (张爱玲), alors qu’elle s’appelait Zhang Ying (张瑛) [4].  Elle y entra à l’automne 1931.

 

Elle termina le secondaire l’été 1937, alors que commençait la bataille de Shanghai. En novembre, la ville était occupée par les Japonais ; elle demanda une bourse pour partir étudier à l’université de Londres où elle aurait dû partir en 1939, mais la guerre l’en empêcha. Faute de pouvoir aller en Angleterre, elle partit à Hong Kong, qui était encore libre ; elle étudia la littérature à l’université de Hong Kong, rencontrant là celle qui devint son indéfectible amie, Fatima Mohideen (炎樱).

 

Hong Kong, cependant, tomba aux mains des Japonais en décembre 1941, un semestre avant la fin de l’année universitaire, et Zhang Ailing dut rentrer sans son diplôme à Shanghai. Elle tenta de terminer son cursus à Saint John's University (圣约翰大学), ancienne université anglicane qui commença à admettre des étudiantes en 1936 ; elle avait depuis 1905 le statut d'université américaine, ses diplômés pouvaient donc s'inscrire en troisième cycle aux Etats-Unis, ce qui attirait les meilleurs

 

Saint John’s university

étudiants de Shanghai, mais aussi les plus riches. Et là, ce sont des problèmes financiers qui obligèrent Zhang Ailing à abandonner. Elle se consacra désormais entièrement à l’écriture. 

 

Talent précoce

 

Elle avait commencé à écrire très tôt, en 1931, à l’âge de onze ans. L’ambiance délétère de sa famille, entre un père opiomane et une mère longtemps absente, avait contribué à faire d’elle une enfant peu bavarde et solitaire, qui oubliait souvent livres et cahiers et négligeait ses devoirs, mais possédait un talent littéraire hors du commun que l’école encouragea et développa.

 

A la fin de l’année 1932, sa première œuvre parut dans le journal de l’école dont le titre était tout un programme : 《凤藻》fèngzǎo, les ornements de style du phénix. C’était une nouvelle qui s’appelait ‘la malheureuse’ (《不幸的她》) et était accompagnée de quelques mots expliquant que l’auteur était une élève de douze ans du premier cycle, ce qui n’était pas évident à première lecture, témoin cet extrait :

人生聚散,本是常事,我们总有藏着泪珠撒手的一天!

         Si l’existence humaine est incertaine, elle a en fait une constante,

         il arrive forcément un jour où il nous faut passer la main en cachant nos larmes ! [5]

 

Dans ce même journal, elle publia ensuite des essais, dont un, encore une fois, sur un sujet peu courant chez une élève d’une quinzaine d’année, le crépuscule et la vieillesse (《迟暮》), et, en 1937, un article sur « les progrès du dessin animé » (《论卡通画之前途》). Dans un autre journal publié par les élèves, elle publia encore une nouvelle sur un thème pastoral, « Le bœuf » (《牛》), et même une nouvelle sur un sujet historique classique, immortalisé depuis par Chen Kaige dans un film éponyme traduit par « Adieu ma concubine » (《霸王别姬》: dans cette nouvelle, elle tenta de faire une synthèse du style classique chinois et des techniques modernes d’analyse psychologique occidentale qui lui valut l’admiration de son professeur…

 

Lors de son séjour à Hong Kong, elle publia, dans la revue ‘le vent de l’ouest’ (《西风》), une courte nouvelle intitulée « Mon rêve de talent » (《我的天才梦》) dans laquelle elle écrit :

         我是一个古怪的女孩,从小被目为天才,除了发展我的天才外别无生存的目标。

Je suis une enfant peu ordinaire, depuis toute petite je suis considérée comme douée, et n’ai eu d’autre but que de développer ces dons.

 

A son retour à Shanghai, tout cela va porter ses fruits et elle va devenir en très peu de temps l’écrivain en vue et à la mode, un écrivain apolitique, dont les écrits, comme en apesanteur, font du conflit qui fait rage un simple fond de décor accidentel pour des histoires d’amour douces-amères.

 

Écrivaine renommée, déjà, à vingt trois ans

 

Zhou Shoujuan (周瘦鹃)

 

A Shanghai, après avoir abandonné l’espoir de terminer ses études, elle gagna sa vie en écrivant pour diverses revues : une revue anglaise pour laquelle elle rédigea des critiques de théâtre et de cinéma, et deux revues de mode, également en anglais : « le 20ème siècle » (《二十世纪》) et « Chinese Life and Fashion » (《中国的生活与服装》).

 

C’est en 1943 que sa carrière prit brusquement une autre dimension, grâce à une heureuse rencontre : celle d’un important éditeur de Shanghai à l’époque : Zhou Shoujuan (周瘦鹃). Il fut longtemps dédaigné pour avoir appartenu au mouvement littéraire post-1911 dit des « canards mandarins et papillons » (《鸳鸯蝴蝶), connu pour ses romans d’amour d’un sentimentalisme larmoyant ; il fut toutefois aussi un traducteur qui non seulement fit connaître nombre d’œuvres étrangères en Chine, mais contribua aussi à y introduire les procédés

narratifs modernes. C’était, dit-on, un écrivain dont on avait parfois du mal à savoir si ce qu’il écrivait était de sa plume ou traduit, mais c’était un cas plus général qu’on pourrait le penser, en une époque où les traductions avaient tendance à prendre des tournures très chinoises et les écrits chinois à emprunter des accents étrangers.

 

Il éditait un magazine populaire appelé « Violette » (《紫罗兰》), faisant de cette fleur l’emblème de la femme moderne et, partant, d’une nouvelle littérature populaire dans la lignée du meilleur haipai. Zhang Ailing y publia ses premiers textes de la décennie, ces années quarante qui marquent, déjà, l’apogée de son talent. Cela la rendit immensément populaire, mais eut aussi l’effet inverse de la dévaloriser aux yeux des critiques pendant longtemps, jusqu’à ce que tout le mouvement soit reconsidéré, à partir de la fin des années 1980. Zhou Shoujuan lui-même fut assassiné par des Gardes rouges en 1968.

 

Dès 1943, Zhang Ailing publia dans sa revue, en épisodes successifs, deux nouvelles en forme

 

« Violette » (《紫罗兰》)

de diptyque qui ont  Hong Kong pour cadre : « Deux brûle-parfums »  (《沉香屑:第一炉香/第二炉香》), qui préfigurent les nouvelles qui vont suivre : « Les tuiles vernissées » (《琉璃瓦》), « Bouclage »  (《封锁》), « Changement de tenue » (《更衣记》), « Thé au jasmin » (《茉莉香片》), mais surtout deux de ses chefs d’œuvre : le premier connu sous son titre anglais « Love in a Fallen City » (《倾城之恋》) et le second  « La Cangue d’or » (《金锁记》).

 

1. « Love in a Fallen City », courte nouvelle qui se passe à Hong Kong juste avant que la ville tombe aux mains des Japonais, rappelle la première partie d’« Encens de bois d’aloès ». Une jeune Shanghaienne qui vient de divorcer, Bai Liusu (白流苏), accablée par les critiques et reproches de sa famille pour laquelle son divorce est une honte, vit des moments difficiles qui la rendent méfiante envers toute nouvelle relation. Un riche homme d’affaires de Hong Hong de passage à Shanghai, Fan Liuyuan (范柳原), célibataire enjoué et sympathique, la rencontre par hasard et tente en vain de faire sa conquête. Bai Liusu, cependant, pour échapper au climat oppressant de son environnement familial, décide sur un coup de tête de partir le voir à Hong Kong. La rencontre n’est pas fructueuse, mais, lorsque les Japonais commencent à bombarder la ville, Fan Liuyuan revient protéger la jeune femme, et la guerre, finalement, les rapproche.

 

« Love in a fallen city »

(《倾城之恋》)

 

la pièce de théatre

(mise en scène d’Ann Hui)

 

C’est une nouvelle qui a tout de suite eu un immense succès. Zhang Ailing y dépeint un personnage féminin meurtri par un premier mariage désastreux, au bord du désespoir, évidemment inspiré de la situation familiale qu’elle-même a vécue dans son enfance et sa jeunesse. Par ailleurs, la guerre n’est pas ici une catastrophe, mais un événement salvateur. Dans la Shanghai des années quarante, occupée par les Japonais dont les bombardements avaient fait des milliers de morts, la nouvelle apparaissait comme un pied de nez à l’histoire, ce qui contribua certainement à son succès.

 

Avec la redécouverte de Zhang Ailing dans les années 1980 à Hong Kong, la nouvelle a connu une nouvelle vogue avec l’adaptation cinématographique qu’en a faite en 1984 la réalisatrice Ann Hui (许鞍华) qui a soigneusement préservé le caractère incident de la guerre dans l’histoire et l’atmosphère de la nouvelle [6].

 

2. « La Cangue d’or »  (《金锁记》) reprend le schéma classique des grandes sagas familiales de la littérature chinoise, dans le genre du « Rêve dans le pavillon rouge » qu’elle aimait tant, mais en en subvertissant et le style et le ton [7] : le personnage principal est ici féminin, une femme que son mariage a rendue amère et cruelle.

 

Cao Qiqiao (曹七巧) a été mariée toute jeune à un marchand d’huile de sésame, riche mais tuberculeux. De statut inférieur, elle devient le souffre-douleur de la famille de son mari. Lorsque celui-ci meurt, elle devient riche à son tour, mais ses années de souffrance ont altéré son caractère. Elle a été amoureuse de son beau-frère, un vaurien fini, et, en luttant contre cet amour, a fini par se fermer à tout sentiment humain, à s’enfermer dans la cangue d’or du titre. Elle est ainsi devenue

 

« La cangue d’or »  (《金锁记》)

froide et cruelle, même, ou plutôt surtout, envers ses enfants, et en particulier envers sa fille dont elle fait échouer le mariage avec une sorte de plaisir morbide et auto-destructeur.

 

Toute trace de sentiment a disparu dans ce roman, reste un monde froid, impitoyable, qui fait frémir plutôt que pleurer, sauf, furtivement, à la toute fin du roman, lorsque, enfermée dans sa folie solitaire, avec pour toute compagnie sa pipe d’opium, Qiqiao songe à son passé au moment de s’endormir :

"七巧似睡非睡横在烟铺上。三十年来她戴着黄金的枷。她用那沉重的枷角劈杀了几个人,没死的也送了半条命。她知道她儿子女儿恨毒了她,她婆家的人恨她,她娘家的人恨她。

« Qiqiao était étendue, à demi endormie, près de sa pipe d’opium. Cela faisait trente ans, maintenant, qu’elle portait sa cangue d’or. Avec les lourds coins de cette cangue, elle avait tué plusieurs personnes, et celles qui restaient n’étaient qu’à moitié vivantes… »

(elle est consciente que toutes ces personnes, toute sa famille, la détestent - elle remonte alors jusqu’en haut du bras le bracelet de jade trop large pour son poignet desséché, en se remémorant au passage la beauté de ses bras quand elle était jeune, à laquelle elle-même n’arrive plus à croire…)

七巧挪了挪头底下的荷叶边小洋枕,射上脸去揉擦了一下,那一面的一滴眼泪她就懒怠去揩拭,由它挂在腮上,渐渐自己干了。" 

Qiqiao redressa le petit oreiller de style occidental, avec des feuilles de lotus sur les bords, sur lequel était posée sa tête, et, y enfonçant son visage, le caressa d’une joue ; sur l’autre resta accrochée une larme qu’elle se sentit trop lasse pour essuyer, et qui, peu à peu, y sécha d’elle-même… » 

 

C’est un personnage perverti par le malheur, qui rappelle celui de « Thé au jasmin » (《茉莉香片》), l’une des nouvelles publiées en 1943. Ce Yan Chuanqing (聂传庆) est obsédé par l’idée que son professeur aurait pu être son père car il avait autrefois été le tuteur de sa mère et l’avait aimée, mais les différences de conditions sociales l’avaient empêché de l’épouser ; cette obsession devient réellement maladive, comme une sorte de complexe freudien exacerbé, et le rend cruel, en retour, avec la fille du professeur, Yan Danzhu (言丹朱), qu’il prend un mauvais plaisir à faire souffrir puisque, dans son esprit, si le professeur avait pu se marier avec sa mère, c’est lui qui aurait été son fils, et il n’y aurait pas eu de Danzhu… 

 

C’est ce même univers malsain qui est poussé encore plus loin dans « La Cangue d’or », justifiant les qualificatifs de 凄凉qīliáng et 苍凉cāngliáng, sombre et désolé, que Zhang Ailing affectionnait particulièrement. On est aux antipodes de la ‘littérature de boudoir’ à laquelle on l’a longtemps assimilée.

 

« La Cangue d’or » est sans doute son plus grand chef d’œuvre. Elle devait elle-même lui accorder une importance particulière puisqu’elle l’a personnellement traduite en anglais dès 1955, une fois installée aux Etats-Unis. Récemment, l’œuvre a fait l’objet d’adaptations au théâtre et à l’opéra qui contribuent à lui donner le caractère immémorial des grands chefs d’œuvre classiques.

 

a)  Une pièce adaptée du roman a une première fois été mise en scène à Shanghai en 1945. Mais, en 2004, Wang Anyi (王安忆) en écrivit un autre livret, ce qui montre bien l’admiration qu’elle porte à l’œuvre. La pièce a été alors été montée par la réalisatrice Huang Shuqin (黄蜀芹) au Centre d’Art dramatique de Shanghai. Puis, fin 2009, elle fut donnée à Hong Kong, dans une mise en scène d’Ann Hui, beaucoup plus moderne, donnant à l’œuvre une tonalité très actuelle.

 

l’opéra : la scène du jeu de mahjong,

avec la chanteuse Wei Hai-min (魏海敏)

b)  Quant à l’opéra, conçu par la dramaturge taiwanaise Wang Anqi (王安祈) et Zhao Xuejun (赵雪君) en incorporant à l’histoire de « La Cangue d’or » des éléments d’une autre nouvelle, ultérieure, de Zhang Ailing, c’est une pièce d’avant-garde dans le style de l’opéra de Pékin, créée en 2008 par la compagnie Guoguang de Taiwan (国立国光剧团), et qui a été donnée en juin dernier (2010) à Shanghai. L’opéra met l’accent sur la peinture des caractères, et inclut des scènes qu’on n’avait jamais vues à l’opéra de Pékin, dont une scène de mahjong qu’on dirait tout droit sortie des « Fleurs de Shanghai » de Hou Hsiao-hsien, le bruit caractéristique des pièces de mahjong venant rythmer la partition musicale dans laquelle il est intégré [8]. C’est bien une résurgence de l’esprit haipai, pérennisé en le modernisant.

 

Grand chef d’œuvre classique, « La Cangue d’or », tout comme les nouvelles écrites par Zhang Ailing au même moment, reflète à la fois l’extraordinaire maturité littéraire d’une jeune femme qui avait juste vingt trois ans quand elle les a écrits, et l’univers personnel, sombre et torturé, qui était le sien, donnant à son existence un sentiment tragique que son mariage allait accentuer encore.

 

Mariage tragique, période pourtant féconde

 

Mariage et divorce

 

Hu Lancheng (胡兰成)

 

Zhang Ailing a rencontré son premier mari, Hu Lancheng (胡兰成), en 1943, justement : elle avait donc vingt trois ans, et lui trente sept. Hu Lancheng était marié, pour la troisième fois. Ils se marièrent l’année suivante dans la plus stricte intimité ; Fatima Mohideen était la seule amie aux côtés de Zhang Ailing en la circonstance.

 

Hu Lancheng était un personnage ambitieux, séducteur et trouble, écrivain et calligraphe de quelque renom, mais un ‘traître’ qui se rangea aux côtés de Wang Jingwei (汪精卫), cet ancien révolutionnaire, un temps rival de Chang Kai-chek au sein du Guomingdang, mais qui préféra collaborer avec les Japonais qui l’installèrent à Wuhan à la tête d’un gouvernement fantoche. Hu Lancheng y accepta la charge de ministre de la Propagande, avec la responsabilité d’éditer le journal ‘Dachu bao’ (大楚报), une tentative des

Japonais de se rattacher symboliquement à la gloire de l’ancien Etat irrédentiste de Chu, au temps des Royaumes combattants, pour asseoir leur légitimité.

 

Hu Lancheng partit donc à Wuhan après son mariage, et là, séduisit une jeune infirmière de dix sept ans, Zhou Xunde (周训德), qui alla vivre avec lui. En 1945, cependant, après la défaite du Japon, la mort de Wang Jingwei et la capitulation de ses commandants qui se rendirent au Guomingdang, Hu Lancheng s’enfuit et se cacha à Wenzhou sous un nom d’emprunt. Il séduisit là encore une autre femme, Fan Xiumei (范秀美) : elle avait une quarantaine d’années, n’avait pour tout bagage qu’un diplôme de l’école locale de sériciculture, mais lui offrait la sécurité d’une vie de couple.

 

Zhang Ailing retrouva ses traces et vint lui rendre visite, ce qui fut l’épreuve la plus humiliante de toute son existence. Hu Lancheng lui fit nettement entendre qu’elle constituait pour lui un chapitre clos ; il n’accepta même pas de choisir entre elle et la jeune infirmière de Wuhan, qui était alors en prison et que, de toute évidence, il ne reverrait jamais. Zhang Ailing revint en pleurs à Shanghai, et ils divorcèrent en 1947.

 

Les biographies de Zhang Ailing s’arrêtent en général là, concernant Hu Lancheng. Cependant, il réussit à fuir au Japon où, pendant les années 1950 et 1960, il poursuivit sa carrière d’écrivain et de conférencier. Il eut le cran de publier ses mémoires, « This World, These Times » (《今生今世》), plaçant Zhang Ailing au milieu des huit autres femmes de sa vie, sans distinction ni hiérarchie, et donnant une description détaillée de la rencontre de Wenzhou.

 

Mémoires de Hu Lancheng

 

Le personnage n’aurait en soi guère d’intérêt au-delà de cet épisode biographique, s’il n’avait partiellement fourni à Zhang Ailing l’inspiration à la base de sa nouvelle « Lust.Caution » , et s’il n’avait ensuite poursuivi l’écrivain de son ombre durant des années, jusqu’à sa mort, contribuant à susciter d’autres controverses par la suite. 

 

Publications

 

En attendant, ces années ne marquent même pas un creux dans la production littéraire de Zhang Ailing. Elle publie, en 1944, un premier recueil de ses nouvelles de 1943, sous le titre de « Légendes » (《传奇》), recueil réédité en 1947 avec quelques ajouts, puis fait paraître toute une série d’essais et de nouvelles dans ses revues habituelles, dont « Rose rouge et rose blanche » (《红玫瑰与白玫瑰》) qui sera adaptée au cinéma par Stanley Kwan en 1994 : les deux roses en question sont deux femmes dont s’est épris un homme, l’une éblouissante et prête à tout abandonner pour lui, l’autre d’une fade beauté qu’il préfèrera cependant pour se marier, pour plus de sûreté, et en parfait accord avec la tradition …

 

1950-1951 : Œuvres reniées et remaniées

 

Après son divorce, en 1948, Zhang Ailing se remet à écrire. En 1950, elle publie sa nouvelle « Lust.Caution » (色、戒), désormais célèbre, où se profile l’ombre de Hu Lancheng. Mais l’avènement de la « Chine nouvelle » entraîne un infléchissement dans son œuvre. Dans les années 1950-1951, elle publie dans une revue de Shanghai un roman et une nouvelle "de taille moyenne" dont les chapitres conclusifs épousent l’idéologie nouvelle.

 

Ils reflètent en effet l’atmosphère de la « Libération » : les premières années du régime communiste ne sont pas seulement marquées par la réforme agraire et les campagnes contre les contre-révolutionnaires, mais aussi par la mise au pas des intellectuels et artistes. Certains écrivains cessent d’écrire, d’autres tentent de continuer comme ils peuvent… Zhang Ailing est de ceux-ci.

 

Tombés dans l’oubli, ces écrits seront exhumés et réédités plus tard à Hong Kong et Taiwan sans son accord ; elle va alors les remanier pour les publier dans des versions d’où elle aura expurgé les passages relevant des circonstances particulières de l’époque.

 

1. « Dix-huit printemps »

 

« Dix-huit printemps » (《十八春》) a été publié à Shanghai en épisodes séparés dans la revue Yibao (《亦报》), en 1950-51. C’est le premier véritable roman (长篇小说) de Zhang Ailing, mais publié sous le pseudonyme Liang Jing (梁京), signe que, déjà alors, elle ne le reconnaissait pas comme digne de paraître sous son nom.

 

L’histoire se passe dans la Shanghai des années 1930. Gu Manzhen (顾曼桢) a perdu son père très jeune ; c’est sa sœur aînée, Manlu (曼璐), qui a alors subvenu aux besoins de la famille, en travaillant comme hôtesse dans un night-club. Manzhen a ainsi pu continuer ses études et devenir secrétaire dans une usine.  

 

Elle y retrouve deux anciens camarades de classe et tombe amoureuse de l’un d’eux, le plus introverti, Shen Shijun (沈世钧; fils d’une riche famille de Nankin, il est

 

« Dix huit printemps » (《十八春》)

venu travailler à Shanghai car il ne veut pas de l’héritage paternel. La famille, cependant, voit cette liaison d’un mauvais œil, à cause de la mauvaise réputation de Manlu, et poussent Shijun à se marier avec une cousine. Son père étant tombé gravement malade, celui-ci est rappelé à Nankin, et accepte de reprendre les affaires de son père, par piété filiale. Manzhen se dispute avec lui et ils se séparent.

 

Manlu, de son côté, décide d’épouser un richissime client de son night-club, Zhu Hongcai (祝鸿财; mais, comme elle ne peut lui donner d’enfant et qu’il a un penchant pour Manzhen, elle la fait venir, l’enferme dans la maison, et l’offre à Zhu Hongcai qui la viole un soir qu’il rentre ivre. Emprisonnée et enceinte, Manzhen ne peut contacter Shijun qui, ayant été faussement informé par Manlu qu’elle s’est mariée et se croyant trahi, part à Nankin et épouse sa cousine. Après l’accouchement, Manzhen s’évade de l’hôpital en laissant l’enfant à sa sœur  et part dans une autre ville où elle devient institutrice.

 

Trois ans plus tard, très malade, Manlu réussit à retrouver sa sœur pour lui demander de la pardonner, et surtout de s’occuper de l’enfant à sa mort. Manzhen reste alors avec Zhu Hongcai, pour élever son fils. Dix-huit ans plus tart, après la Libération, elle rencontre Shijun par hasard. Conscient qu’ils ne peuvent revenir sur le passé, ils décident de regarder vers l’avenir et de partir dans le Nord-Est travailler à la reconstruction du pays. Pour éviter de rester seule, l’épouse de Shijun accepte de partir avec eux…

 

2. « Xiao Ai »

 

La nouvelle "de taille moyenne" (中篇小说) « Xiao Ai » (《小艾》) a été publiée dans le même Yibao (《亦报》), du 4 novembre 1951 au 14 janvier 1952. L’atmosphère du début est celui, sombre et cruel, de la « Cangue d’or », mais la fin apporte une note d’espoir totalement inhabituelle chez Zhang Ailing, reflétant l’esprit de la « Libération ».

 

Xiao Ai a été vendue toute jeune pour devenir la servante d’une femme que son mari ne supporte pas et qui, méprisée et rejetée par la famille, reporte sa hargne sur les serviteurs autour d’elle. Comme Manlu dans « Dix-huit printemps », c’est une consœur de Cao Qiqiao (曹七巧), comme elle aigrie par la vie. Xiao Ai est sa chose et son souffre-douleur. Ayant été violée par le mari, elle est violemment battue, par sa maîtresse aidée d’une concubine ; elle fait fausse couche, perd beaucoup de sang, et, n’étant pas soignée tombe malade.

 

« The Rice-Sprout Song »

 

Son mari s’occupe d’elle avec amour, elle récupère un peu mais ne peut plus avoir d’enfant. C’est à la Libération qu’elle va enfin être soignée ; elle guérit, trouve du travail dans un petit atelier où règne une ambiance chaleureuse, et finit même par avoir un enfant….

 

3. Remaniements et rééditions

 

Zhang Ailing a par la suite désavoué ces deux œuvres et n’a donné son accord à leur réédition qu’après les avoir révisées.

 

- Elle a commencé par « Dix-huit printemps » (《十八春》), en 1966 ; rebaptisé « Amour de la moitié d’une existence » (《半生緣》), le roman a été publié en 1969 dans cette nouvelle version qui comporte plusieurs différences essentielles avec l’original, la première étant que la durée de séparation de Manzhen et Shijun est réduite à quatorze ans ; ceci signifie que la fin ne se passe plus après la Libération, mais après la guerre.

 

Par conséquent, l’atmosphère n’est plus celle, triomphante, des débuts de la Chine nouvelle, mais celle, encore sombre, de la fin de la guerre. Lorsque Manzhen et Shijun se rencontrent, ils ne peuvent que constater qu’ils ont été victimes de leurs familles respectives, mais qu’ils sont bien obligés d’accepter les choses telles qu’elles sont. Il n’est pas question de partir dans le Dongbei ni d’espoir en l’avenir, car, si la guerre contre le Japon est finie, la guerre civile ne l’est pas : nous sommes bien dans l’univers de Zhang Ailing [9].

 

- Quant à « Xiao Ai », la nouvelle était totalement oubliée lorsqu’elle a été retrouvée par hasard en octobre 1986 par un professeur spécialiste de Zhang Ailing, Chen Zishan (陈子善), qui faisait des recherches sur tout autre chose. Il a publié la nouvelle en 1987 dans le Ming Pao (《明报月刊》) à Hong Kong et le Lianhe Bao (《联合报》) à Taiwan, où elle sera ensuite publiée par les éditions Huangguan (皇冠出版社), le tout sous le nom de la romancière et non sous le pseudonyme de Liang Jing.

 

Quand Zhang Ailing apprend cela, furieuse, elle intente un procès à l’éditeur taiwanais qui se termine par un accord à l’amiable. Sur quoi elle révise la nouvelle comme elle avait fait pour le roman, en supprimant les chapitres finaux et en les remplaçant par une fin plus conforme à ses propres exigences littéraires : Xiao Ai adopte l’enfant d’une femme qui a déjà quatre enfants et ne pourrait en nourrir un cinquième.

 

Mais le roman comme la nouvelle montrent bien les tensions auxquelles étaient soumis les écrivains.

 

Départ pour Hong Kong

 

Le climat s’alourdit peu à peu. Dès l’été 1950, et surtout du printemps à la fin de 1951, est engagée la campagne « de réforme de la pensée » (思想改造), d’abord dans les établissements scolaires, puis dans le secteur culturel dans son ensemble. Quand elle se termine, début 1952, le pouvoir central contrôle l’ensemble du secteur éducatif et des moyens d’expression, dont la presse et l’édition. Le politique influant désormais sur le littéraire, Zhang Ailing est muselée. Alors finalement, elle part pour Hong Kong, au printemps 1952.

 

Elle est embauchée comme traductrice par le Service d’information américain, et travaille pour le journal « The World Today » (《今日世界》) où paraissent ses écrits : le recueil de ses nouvelles déjà publié à Shanghai, des traductions (dont celle du livre d’Hemingway « le vieil homme et la mer »), mais surtout deux nouveaux romans, écrits en anglais, dont on dit qu’ils auraient été commissionnés par les Américains tellement ils sont anti-communistes : « The Rice-Sprout Song » (秧歌) et « The Naked Earth » (赤地之恋, littéralement « l’amour dans le pays rouge ») parus en 1954 et en 1955.

 

Le premier, « The Rice-Sprout Song », le plus connu des deux, est une autre saga où Zhang Ailing dépeint l’absurdité du mouvement de réforme agraire du début des années 1950, dans un petit village près de Shanghai. Contrairement aux espoirs des paysans, la redistribution des terres ne signifie pas la fin de la misère et de la faim ; l’absurdité idéologique et administrative, autant que les désastres naturels, fait au contraire planer la menace de la famine. « The Rice-Sprout Song » est l’envers du discours triomphaliste communiste, mais sans tomber dans l’idéologie. Zhang Ailing garde le ton humain qui est le sien pour conter une autre de ses tragédies où le politique est un facteur incident comme la guerre auparavant ; ce qu’elle décrit, c’est la souffrance humaine qui en résulte.

 

« The Naked Earth » est plus complexe et peut-être plus démonstratif ; on sent le désir de Zhang Ailing de témoigner de ce qu’elle a vu et entendu en Chine avant d’en partir, mais le roman garde la qualité d’écriture des

 

« The Rice-Sprout Song »

œuvres précédentes. Il reprend l’histoire au moment de la réforme agraire, pour continuer par la campagne des « Trois Anti » (anti-corruption, anti-gaspillage, anti-bureaucratie) et le mouvement « Résister à l’Amérique et aider la Corée » au moment de la guerre de Corée. L’idée développée ici est que les communistes ont commis une triple trahison dès les premiers moments du régime : trahison des paysans, trahison des étudiants et intellectuels qui les avait soutenus avec enthousiasme et trahison du commun des fidèles qui avaient placé en eux leurs espoirs. Finalement, les seuls capables de survivre dans ces conditions sont ceux qui ont accepté ces trahisons, s’en sont accommodé et ont perdu une part de leur humanité au passage. 

 

Ce n’est cependant pas une thèse, mais un roman, qui a son lot typique d’histoires d’amour, mais qui garde aussi l’imagerie propre à Zhang Ailing, en particulier dans les métaphores de la nature [10].

 

Ces deux livres, le premier surtout, ont fait de Zhang Ailing une idole à Taiwan, où elle a commencé à être connue dès 1956, mais ils lui enlevaient tout espoir de revenir à Shanghai, si elle y pensait encore. Un jour d’automne 1955, elle s’embarqua sur le paquebot ‘President Cleveland’, pour un voyage sans retour à destination des Etats-Unis.

 

Elle avait trente cinq ans et avait écrit ses plus belles pages.

 

Exilée solitaire

 

Zhang Ailing et Ferdinand Reyher

 

Le reste n’est plus que le dénouement du roman de sa vie. Elle s’installa dans le New Hamspshire et, en août 1956, se remaria avec l’écrivain Ferdinand Reyher, après une fausse couche, ou un avortement, plus probablement, Reyher lui ayant dit ne pas vouloir d’enfant. Ami de Bertolt Brecht, scénariste influent en contact avec le milieu du cinéma, Reyher avait tout pour la fasciner. Mais il avait vingt neuf ans de plus qu’elle ; après une série d’attaques, il resta paralysé et mourut en octobre 1967.

 

Zhang Ailing est devenue citoyenne américaine en 1960. Après la mort de Reyher, elle obtint un poste au Radcliffe College, puis partit travailler à l’université de Californie à Berkeley en 1969, où elle resta jusqu’en 1972, menant une vie de plus en plus recluse et solitaire, refusant même de recevoir les éditeurs qui se pressaient à

sa porte. Même son éditeur de Taiwan communiquait avec elle par fax, devant attendre parfois plusieurs jours avant d’avoir sa réponse car elle utilisait un fax d’un supermarché voisin. Même lorsqu’elle reçut un important prix littéraire à Taiwan, un an avant sa mort, elle refusa de se déplacer, envoyant à la place quelques photos d’elle prises dans les années quarante.  

 

Comme Marlene Dietrich, elle a voulu qu’il ne nous reste d’elle que des photos de ses années de gloire, quand elle était non seulement un écrivain en vue, mais une égérie à la pointe de la mode, dans la Shanghai cosmopolite et brillante des années de guerre.

 

Les fleurs de Shanghai

 

Elle consacra ses dernières années à du travail de recherche solitaire, et en particulier à la traduction en mandarin du roman de Han Bangqing (韩邦庆) écrit en langue de wu (吴语) à la fin du dix-neuvième siècle, « La biographie des fleurs de Shanghai » (海上花列传: hommage à celui qui fut le précurseur du haipai littéraire et en lequel elle reconnaissait ainsi implicitement un maître.

 

Sa traduction de la majeure partie du texte fut publiée en 1983, mais elle travaillait en même temps à la traduction en anglais. Les deux premiers chapitres – sur soixante-quatre - furent publiés à Hong Kong, dans le journal Renditions, en 1982. Mais elle n’en parla plus, donnant l’impression qu’elle avait abandonné le travail. A sa mort, tout le monde pensait que le manuscrit était perdu.

 

Il refit cependant surface de manière inattendue. Après la mort de Zhang Ailing, en 1997, un professeur de l’université de Californie du Sud, Dominic Cheung, voulut faire une exposition en mémoire de la romancière.

Il demanda donc une sélection de manuscrits à l’écrivain et traducteur Stephen C. Soon, fondateur et rédacteur en chef de Renditions, qui était devenu, avec son épouse Mae Soong, le légataire testamentaire de la romancière.

 

Parmi la masse de documents alors exhumés figurait une boîte de manuscrits en anglais, dont le texte sembla d’abord obscur, mais qui, après recherche, s’avéra être celui de la traduction en anglais que l’on croyait perdue : « The Sing Song Girls of Shanghai ». Mais seuls les deux premiers chapitres avaient été révisés, et encore il y en avait deux versions. Il fallait donc faire tout un travail de révision avant de pouvoir l’éditer.

 

Ce fut confié à Eva Hung, qui y passa trois ans et qui explique dans une postface qu’elle y dépensa autant d’énergie que s’il s’était agi d’une traduction originale. Le livre a finalement été publié en 2005, aux presses de l’université de Columbia, avec une préface de David Der-wei Wang d’où sont tirés les détails précédents [11]. Zhang Ailing avait elle-même, en 1981, manifesté l’intention que sa traduction soit publiée là – c’était l’université où enseignait le professeur C.T. Hsia, le précurseur des études sur son œuvre (voir note 10) ; elle avait même accepté la proposition d’écrire une préface, mais sans donner suite ultérieurement.

 

C’est sur la traduction du roman en chinois mandarin par Zhang Ailing que s’est appuyée Chu Tien-Wen (朱天文) lorsqu’elle a écrit le scénario à la base de l’adaptation cinématographique du roman par Hou Hsiao-Hsien (侯孝贤) [12].

 

Autobiographie

 

Pendant ses dernières années, Zhang Ailing a également écrit une autobiographie qu’elle ne se décida cependant pas à publier de son vivant, et qu’elle faillit même détruire en 1992 : « Little Reunion » (《小团圆》). Le livre ne fut publié qu’en février 2009 à Hong Kong et Taiwan, quelques mois plus tard sur le continent.

 

Zhang Ailing y fait le point sur Hu Lancheng, et en particulier sur l’autorité qu’il acquit à Taiwan après

 

« Little reunion » (《小团圆》)

1974 : il vint alors s’y installer et y donner des conférences, à un moment où le Guomingdang cherchait toute sortes de marques de légitimité après la reconnaissance de la Chine populaire

 

L’une des dernières photos publiques

de Zhang Ailing

 

par le président Nixon. Il dut finalement en repartir et mourut au Japon, en 1981. Mais, entre temps, il s’était constitué tout un cénacle de disciples qui créèrent même un journal pour lui, en faisant une sorte d’éminence littéraire qui venait battre en brèche la popularité de Zhang Ailing [13]. Nul doute que cela ait contribué à assombrir ses dernières années.

 

En septembre 1995, elle fut trouvée morte dans son appartement de Los Angeles. Cela faisait près d’une semaine qu’elle était décédée et que sa propriétaire cherchait désespérément à la joindre au téléphone, preuve supplémentaire, s’il en fallait, de la solitude dans laquelle elle vivait.

 

Selon ses vœux, ses restes furent incinérés et ses cendres éparpillées dans le Pacifique. Elle n’a ni descendants ni survivants, et nous laisse en

héritage une oeuvre désormais reconnue comme appartenant aux grands classiques de la littérature chinoise.

 

 

Photos accompagnant l’annonce de sa mort dans ‘Le quotidien du peuple’

 

 


 

Addendum : Zhang Ailing scénariste

 

Zhang Ailing a écrit les scénarios de deux films réalisés par Sang Hu (桑弧) : l’un, « Un amour sans fin » (《不了情》), tourné en 1947, et l’autre, « Vive ma femme ! » (《太太万岁》), sorti l’année suivante, en 1948, et considéré comme l’un des meilleurs films de la période.

 

Sur Sang Hu et Zhang Ailing, voir :

http://cinemachinois.blogs.allocine.fr/cinemachinois-294615-_la_romance_de_liang_shanbo_et_

zhu_yingtai__de_sang_hu_28_janvier_a_paris_diderot__1.htm

  


 

Traductions en français

par Emmanuelle Péchenart 

 

- Deux titres aux éditions Bleu de Chine (couvertures Fabienne Verdier) :

La cangue d’or金锁记juillet 2000
Rose rouge et rose blanche 红玫瑰与白玫瑰décembre 2001

- Aux éditions de l’Aube :

Un amour dévastateur 倾城之恋janvier 2005  (réédité en poche en 2008)

- Chez Robert Laffont :

Lust.Caution色,戒         janvier 2008  

Traduction rééditée aux éditions de poche 10/18 en octobre 2009, accompagnée de trois autres nouvelles parues en 1943 :

-          Bouclage《封锁》

-          La faïencerie《琉璃瓦》

-          Le méridien du cœur《琉璃瓦》

- Aux éditions Zulma :

Love in a Fallen City 《倾城之恋》 mars 2014 (texte révisé d’ « Un amour dévastateur »)

Deux brûle-parfums 《沉香屑:第一炉香/第二炉香》 juin 2015

 

Signalons chez Calmann-Levy :

Le chant du riz qui lève (秧歌), traduction de l’anglais d’Emy Molinié, 1958 (actuellement indisponible, sauf d’occasion)

 


 

Adaptations cinématographiques 

 

Sept adaptations au cinéma entre 1984 et 2020

 

1. Une nouvelle adaptée en 1988 à Taiwan

 

« Rouge of the North » (《怨女》), adaptée par Fred Tan

Texte : http://www.douban.com/group/topic/13477051/

 

La nouvelle, écrite en 1966, est dérivée du chef d’œuvre qu’est « La Cangue d’or » (《金锁记》), publié en 1943, soit 23 ans plus tôt : Zhang Ailing y reprend, en en changeant les noms, les principaux personnages du roman, en se concentrant plus longuement sur la vie de sa malheureuse héroïne avant son mariage et en développant l’histoire de sa relation avec son beau-frère ainsi que l’histoire de son fils, mais en supprimant le personnage de sa fille. C’est une œuvre bien inférieure au roman initial, qui traduit essentiellement l’état d’esprit de la romancière, alors âgée de cinquante ans et installée aux Etats-Unis, qui vit en ressassant ses souvenirs. La yuan nü du titre (femme pleine de ressentiment, de rancœur), en fait, c’est elle.

 

Rouge of the North

 

Affiche du film

 

L’histoire se passe vers 1910. La femme au centre du récit, ici appelée Yindi (银娣), est poussée par sa situation familiale à épouser le rejeton aveugle et impotent d’une riche famille. Maltraitée par son mari, sa belle-mère et ses belles-sœurs, elle se résigne en espérant hériter d’un peu de la fortune familiale à la mort du malade. Mais ces espoirs sont anéantis ; elle se retrouve avec un modeste pécule, dans une situation sans issue… meurtrie et désespérée, elle devient opiomane et cruelle envers son entourage, et en particulier envers son fils.

 

Le film a été réalisé à Taiwan par Fred Tan (Dan Hanzhang 但汉章), cinéaste taiwanais, né en 1954 à Taipei, qui a commencé sa carrière de réalisateur en 1979 comme assistant de King Hu (胡金铨) pour « Raining in the Mountains » (《空山灵雨》) ; « Rouge of the North » était son troisième film, ce fut aussi le dernier, il est

mort deux ans plus tard, emporté par une maladie soudaine à 41 ans.

 

Il a dit avoir amèrement regretté de ne pas avoir acheté les droits de « La cangue d’or », mais que, quand il s’est rendu compte de son erreur, il était trop tard. Le film se ressent sans doute de cette désillusion. Son atout majeur tient dans le jeu de l’actrice qui interprète le rôle principal de Yindi : Xia Wenxi (夏文汐), actrice alors populaire de Hong Kong dont la notoriété tenait à une série de rôles dans des comédies et mélos des Shaw Brothers des années 1980.

 

Photo du film

 

2. Trois adaptations par Ann Hui et une par Stanley Kwan

 

La réalisatrice Ann Hui (许鞍华) a toujours occupé une place à part dans le cinéma de Hong Kong, comme son « élève » Stanley Kwan (关锦鹏), tous deux faisant preuve, en particulier, de la même sensibilité pour dresser des portraits de femmes et se jouer des genres prédéfinis. Ce n’est pas un hasard si on les retrouve tous les deux dans un mouvement similaire d’empathie avec Zhang Ailing, qui fait de leurs adaptations de ses œuvres des réussites.

 

Trois films d’Ann Hui

 

1984 : « Love in a Fallen City » (《倾城之恋》)

 

Cette nouvelle se passe à Shanghai, puis à Hong Kong juste avant que la ville tombe aux mains des Japonais. Accablée par les critiques et reproches de sa famille,

 

Love in a fallen city

une jeune Shanghaienne qui vient de divorcer, Bai Liusu (白流苏), vit des moments difficiles qui la rendent méfiante envers toute nouvelle relation. Un riche homme d’affaires de Hong Hong de passage à Shanghai, Fan Liuyuan (范柳原), célibataire enjoué et sympathique, la rencontre par hasard, mais tente en vain de faire sa conquête.

 

Affiche du film

 

Bai Liusu, cependant, pour échapper au climat oppressant de son environnement familial, mais aussi parce qu’elle a été touchée par le charme du personnage, décide sur un coup de tête de partir le voir à Hong Kong, alors même que la menace japonaise se précise. La rencontre n’est pas fructueuse, mais, lorsque les Japonais commencent à bombarder la ville, Fan Liuyuan se rapproche de la jeune femme pour la protéger, et la guerre, finalement, scelle leur union.

 

Avec la redécouverte de Zhang Ailing dans les années 1980 à Hong Kong, la nouvelle a connu un regain de popularité avec l’adaptation cinématographique qu’en a faite Ann Hui, qui préserve soigneusement le caractère incident qu’a la guerre dans la nouvelle, ainsi que l’atmosphère créée par la romancière et l’accent mis sur la tension relationnelle et affective.

 

Jamais, peut-être, film n’aura autant dépendu du choix de ses acteurs. Ils sont parfaits : Cora Miao (ou Miu Qianren 缪骞人) dans le rôle de Bai Liusu, et surtout Chow Yun-fat : déployant tout son charme (naturel), il est l’incarnation même de Fan Liuyuan. Ils feront un autre duo de choc l’année suivante dans le premier long métrage de… Stanley Kwan, « Women » (《女人心》).

 

Voir :

 

Photo du film

-   La présentation de la nouvelle, avec extraits (texte original et traduction)

 

-   L’analyse comparée de la nouvelle et du film : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Love_Fallen_City.htm

 

1997 : « Eighteen Springs » (《半生缘》)

 

Ann Hui a adapté la version révisée du roman, celle publiée à Taiwan en 1969.

Voir : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Ann_Hui_Eighteen_Springs.htm

 

2020 : « Love After Love » (第一炉香)

 

Une adaptation par Stanley Kwan

 

1994 : « Red Rose and White Rose » (《红玫瑰与白玫瑰》)

 

Voir l’analyse comparée de la nouvelle et du film : http://www.chinese-shortstories.com/

Adaptations_cinematographiques_ZhangAiling_Rose_rouge_et_Rose_blanche.htm

 

3. Une adaptation par Ang Lee

 

2007 : « Lust.Caution » (《色,戒》)

 

Voir l’analyse de la nouvelle :

http://www.chinese-shortstories.com/Nouvelles_de_a_z_ZhangAiling_Lust_Caution.htm

 

Et l’analyse comparée de la nouvelle et du film :

http://www.chinese-shortstories.com/Adaptations%20cinematographiques_Lust_Caution_

d_AngLee.htm

 


 

A lire en complément :

 

Textes et nouvelles 

 

« Bouclage » 《封锁》

 

« Lust.Caution » 《色•戒》

 

« Adieu ma concubine » 《霸王别姬》

 

« Deux brûle-parfums » 《沉香屑》

 

« Love in a Fallen city » 《倾城之恋》(extraits)

 

« Avec le dessin d’une galette » : un texte de « culture culinaire », traduction avec texte original, présentation et notes explicatives publiée dans le 5ème numéro de la revue en ligne Impressions d'Extrême-Orient : http://ideo.revues.org/433

 


 

Actualités complémentaires :

              

« Naked Earth » de Zhang Ailing publié pour la première foisaux Etats-Unis

 

Duo Zhang Ailing/Stanley Kwan à Paris Diderot vendredi 24 juin

             

Sortie d'un troisième roman autobiographique de Zhang Ailing : The Book of Change

 

« Deux Brûle-parfums », aux éditions Zulma : premières nouvelles de Zhang Ailing    

           


 

Bibliographie

 

Eileen Chang: Romancing Languages, Cultures and Genres, illustrated ed. by Kam Louie, Hong Kong University Press, 2012, 312 p.

 

1/ Romancing Returnee Men: Masculinity in “Love in a Fallen City” and “Red Rose, White Rose” (pp. 15-32), Kam Louie

2/ From Page to Stage: Cultural “In-betweenness” in (New) Love in a Fallen City (pp. 33-48), Jessica Tsui Yan Li

3/ Eileen Chang and Things Japanese (pp. 49-72), Nicole Huang

4/ The Ordinary Fashion Show: Eileen Chang’s Profane Illumination and Mnemonic Art (pp. 73-90), Esther M. K. Cheung

5/ Betrayal, Impersonation, and Bilingualism: Eileen Chang’s Self-Translation (pp. 91-112), Shuang Shen

6/ Eileen Chang, Dream of the Red Chamber, and the Cold War (pp. 113-130), Xiaojue Wang

7/ Eileen Chang and Ang Lee at the Movies: The Cinematic Politics of Lust, Caution (pp. 131-154), Gina Marchetti

8/ Seduction of a Filmic Romance: Eileen Chang and Ang Lee (pp. 155-176), Hsiu-Chuang Deppman

9/ “A Person of Weak Affect”: Toward an Ethics of Other

 

Eileen Chang: Romancing Languages, Cultures and Genres

in Eileen Chang’s Little Reunion (pp. 177-192), Laikwan Pang

[In the above extract from her autobiographical novel Little Reunion (小團 圓, 2009), Eileen Chang describes the book’s protagonist, Julie Sheng (Sheng Jiuli)— Chang’s literary alter ego—as someone who is not duochou shangan (多愁善感, sentimental). “Chou” means sorrow, worry, and apprehension, and duochou shangan literally means “prone to sorrow.” The term is often used to describe women who are oversentimental about nature, people, and events around them. Duochou shangan has an implicit gender tag, and clearly implies excess, as well as bearing the negative connotations of ignorance and indulgence.]

10/ Romancing Rhetoricity and Historicity: The Representational Politics and Poetics of Little Reunion (pp. 193-214), Tze-lan Sang

11/ Madame White, The Book of Change, and Eileen Chang: On a Poetics of Involution and Derivation (pp. 215-242), David Der-wei Wang

12/ Afterword (pp. 243-248), Leo Ou-fan Lee

Table des matières détaillée : https://www.jstor.org/stable/j.ctt1xw9kh


 

 


[1] Elle est également connue sous le nom d’Eileen Chang, utilisé dans le monde anglo-saxon et dans les traductions de ses œuvres en français par Emmanuelle Péchenart. Le prénom de Ailing (爱玲) lui a été donné par sa mère quand elle avait dix ans : elle était anglophile et a choisi le prénom, bien chinois en soi, pour sa sonorité proche de Eileen. Voir note 4.

[2] Guerre initiée par la France en 1881 pour s’assurer le contrôle du fleuve Rouge entre Hanoi et le Yunnan et qui s’acheva par la défaite de la Chine en 1885.

[3] Transformée en 1952 en ‘Collège de filles n°3 de Shanghai’ (上海市第三女子中学)

[4] yīng, désignant une pierre belle comme du jade, était un rappel du prénom de sa mère : Huang Suqiong (黃素琼), qióng désignant du jade fin et donnant le composé  琼瑛 qióng yīng. C’était une tradition chez les lettrés de la Chine ancienne de donner des noms de jade aux petites filles.   líng en est une autre variante, mais plus léger, plus à la mode, le prénom 爱玲 àilíng suggérant quelqu’un qui aime les choses raffinées, et les bijoux en particulier, avec une note de frivolité, de gaieté aussi, bien shanghaiennes.

Comme l’a remarqué sa traductrice Karen Kingsbury : “even Eileen Chang’s name speaks her dual heritage: a surname linked to the declining patriarchal world of the late imperial scholars and statesmen; and a maternally bequeathed, English-derived given name, with its associations of modern-style female assertiveness.”

(même le nom d’Eileen Chang reflète son double héritage, prénom lié au monde patriarcal en déclin de lettrés et hommes d’Etat de la fin de l’empire, mais aussi prénom légué par sa mère, dérivé d’un nom anglais, et associé au style volontariste de la femme moderne)

[5] Les huit premiers caractères font allusion à la phrase célèbre : 人生如戏,聚散无常” (la vie humaine est comme une pièce de théâtre, incertaine et changeante).

[6] La réussite du film tient pour beaucoup aux deux acteurs principaux : Cora Miao qui ressemble beaucoup à Zhang Ailing et Chow Yun-fat dans un rôle de dandy charmeur et ironique où il fait merveille :

Voir l’analyse comparée nouvelle-film : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Love_Fallen_City.htm

La nouvelle a également été adaptée en un feuilleton télévisé de vingt-cinq épisodes, diffusé sur CCTV début  2009, mais sans réussir à capter l’esprit très subtil de la nouvelle.

[7] On notera la subtilité de la couverture de l’édition ancienne, qui présente les deux personnages féminins dans l’esprit du « Rêve dans le pavillon rouge », mais dans un décor art déco typique des années trente à Shanghai.

[8] Ce qui est peu étonnant car les décors et les costumes sont signés Huang Wenying (黃文英), qui fut un chef opérateur de Hou Hsiao-hsien.

[9] Ce roman, dans sa forme révisée, a été adapté au cinéma par Ann Hui, en 1997.

Voir : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Ann_Hui_Eighteen_Springs.htm

[10] Sur « Naked Earth » et « Rice Sprout Song », voir : “A history of modern Chinese fiction”, de Chih-tsing Hsia, Indiana University Press, 3ème édition 1999, Chapitre 15, p. 389.

La première édition de cet ouvrage date de 1961. Chih-tsing Hsia (夏志清) fut le premier, dès 1957, à reconnaître en Zhang Ailing l’une des meilleures romancières chinoises modernes, sinon la meilleure. Il savait ce dont il parlait : il est né en 1921 à Pudong avant d’émigrer aux Etats-Unis en 1947. Il a pu être le témoin privilégié des succès de Zhang Ailing à Shanghai avant de partir.

Pour « Rice Sprout Song », voir le texte original de Zhang Ailing en anglais :

http://books.google.fr/books?id=CtjfX5nrtH4C&dq=the+rice+sprout+song&source=

gbs_navlinks_s

Et sa version en chinois : http://www.my285.com/xdmj/zhangailing/yg/index.htm

[11] The Singsong Girls of Shanghai, revised and edited by Eva Hung, Columbia University Press, 2005, 535 p.  Foreword by David Der-wei Wang.

[12] Sur Hou Hsiao-Hsien, voir http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Hou_hsiao_hsien.htm

Et sur l’analyse comparée du roman et du film « Les fleurs de Shanghai » :

http://www.chinesemovies.com.fr/films_Hou_Hsiao_hsien_fleurs_de_Shanghai.htm

[13] Voir sur ce sujet l’excellente analyse publiée lors de la sortie du livre dans le journal Asia Times :

http://www.atimes.com/atimes/China/KD29Ad01.html

 

 

   

 

 

   

 

     
 

 

 

 

     

 

 

 

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