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« Vents amers », de Harry Wu : d’un camp à l’autre pendant vingt ans,

la vie-mode-d’emploi du laogai par un rescapé

par Brigitte Duzan, 8 septembre 2022

 

« Vents amers » a été publié aux Etats-Unis en anglais sous le titre « Bitter Winds » en 1994, et traduit en français l’année suivante [1]. C’est un témoignage unique. Témoigner, Harry Wu (Wu Hongda 吴弘达) s’était promis de le faire pendant ses dix-neuf années d’enfer dans divers camps de réforme par le travail, les camps de laogai ; c’est cette détermination qui lui a donné la force de survivre. Sitôt en mesure de le faire, une fois arrivé aux Etats-Unis, il a consacré tout son temps à préserver la mémoire de tous ceux, innombrables, qui ne sont pas sortis vivants de ces camps.
 

 

Vents amers, design de couverture Fabienne Verdier

 

 

Il s’agit d’un témoignage qui explique les ressorts inhumains de ce système carcéral, dans une sorte de spirale infernale où tout espoir de libération était peu à peu réduit à néant, de campagne politique en crise politique, tandis que la faim annihilait tout sentiment humain. Les écrits de Zhang Xianliang (张贤亮), les nouvelles de Yang Xianhui (杨显惠), les films de Wang Bing (王兵), entre autres, témoignent de l’horreur de ces camps ; Harry Wu en donne une version personnelle, factuelle et documentée. « Vents amers » est la vie-mode-d’emploi du laogai.

 

 

Bitter Winds

 

 

L’absurdité au pouvoir

 

Pour celui qui se nommait encore Wu Hongda, comme pour beaucoup d’intellectuels, tout a commencé en 1957, au soir de cette malheureuse campagne des Cent Fleurs où tant d’entre eux se sont trouvés piégés. On est toujours sidéré de lire comment ces intellectuels, souvent communistes dans l’âme, se sont retrouvés droitiers, et envoyés en camp. Pour un mot de travers, ou un quota à remplir.

 

1957 : droitier

 

Alors que le mouvement de critique lancé par Mao démarrait très lentement, la Ligue de la Jeunesse appela les étudiants à s’exprimer librement comme le demandait le président. On leur distribua des feuilles de papier quadrillé réglementaires. Et comme Wu Hongda ne se manifestait pas et séchait les réunions de la Ligue pour participer aux entraînements de l’équipe de baseball dont il faisait partie, le chef de la Ligue organisa une réunion pour lui. Piégé, il énonça dix « problèmes », dont deux surtout seront retenus contre lui : d’une part la sévérité de la campagne de 1955 « contre les contre-révolutionnaires cachés » [2] dont il savait surtout que son frère aîné, soupçonné d’être un espion, en avait été une cible, et d’autre part la confiance placée par la Chine dans le grand frère soviétique qui venait d’écraser dans le sang l’insurrection de Budapest, révolte populaire spontanée contre le régime communiste hongrois.

 

 

Le mouvement de purge des contre-révolutionnaires cachés, affiche de juillet 1955

 

 

Vu la violence des critiques auxquelles Mao ne s’attendait pas, les cours furent suspendus en mai 1957. À la mi-septembre, la campagne anti-droitiers se déchaîna. Wu Hongda avait en outre des antécédents familiaux infamants : son père était un capitaliste notoire à Shanghai, catholique de surcroît. D’escalade en escalade, en octobre, il dut remettre son autocritique et le 20, une affiche le proclamait contre-révolutionnaire, désormais paria. Il n’était pas seul : dans son Institut de géologie, sur cinq mille personnes, plus de cent professeurs et quatre cents étudiants furent comme lui étiquetés droitiers. Mais ils attendaient encore que soit annoncé leur châtiment.

 

1958-1960 : l’attente de la sentence

 

Début février 1958, pour les fêtes du Nouvel an chinois, alors que plusieurs de ses camarades avaient déjà été envoyés travailler à la campagne, on lui annonça qu’il était placé sous la surveillance « des masses », avec interdiction de quitter le campus. En juin 1958, il put cependant participer à des recherches sur le terrain, dans le Shandong, avec sa promotion ; il y resta cinq mois et dit avoir alors découvert l’étendue de la pauvreté et du sous-développement dans les villages, privés d’électricité et d’eau courante. À son retour à l’Institut en décembre, il rédigea une autocritique sincère, reconnaissant avoir grandi dans une famille aisée, loin des préoccupations des masses.

 

Il savait cependant que cela ne changerait rien pour lui qu’il lui serait impossible de trouver du travail et même de se marier. Il décida de fuir. Mais le projet, conçu avec un ami, avorta. De mars à avril 1960, il subit des séances de lutte pour avoir tenté d’échapper à la « surveillance des masses ». Alors qu’approchait la date de remise des diplômes de l’année, une nouvelle réunion, le 27 avril, mit fin à cette période d’attente ; au bout d’une vingtaine de minutes d’accusations, un officier de la Sécurité publique en uniforme finit par faire son entrée pour annoncer la sanction : Wu Hongda était condamné à la « rééducation par le travail ». Il fut illico emmené, avec quelques vêtements roulés dans sa couette, au poste de police, et de là au centre de détention de Beiyuan (北苑收容所) où étaient rassemblés les prisonniers avant leur transfert dans les camps de travail.

 

Départ immédiat, sans aucun procès, sur une simple mesure administrative de détention, pour une période indéterminée. Ce flou juridique en l’absence de droit pénal allait permettre de surseoir indéfiniment à la libération des détenus toujours étiquetés droitiers [3]. Cette opacité du système carcéral s’ajoutait aux conditions de détention pour briser l’esprit du détenu, la faim finissant de le déshumaniser.

 

Le camp, la faim

 

Harry Wu montre comment, à chaque nouvelle campagne politique, les droitiers contre-révolutionnaires comme lui étaient les premières cibles, ce qui repoussait d’autant l’espoir de sortir du camp. Le sort des détenus semblait régi par le hasard, souvent absurde.

 

De la mine à la ferme, d’une absurdité à une autre

 

À Beiyuan, le Bureau de la sécurité l’affecte directement à un travail de manutention, puis de contrôle dans l’usine chimique attenante à la prison, ce qui lui laisse une certaine « liberté ». Il reçoit la visite de son frère aîné qui lui annonce que la famille l’a dénoncé et a coupé tous les ponts avec lui. Le monde se réduit soudain à l’usine. Or, un jour, il s’assoupit sur une fiole qu’il doit surveiller, le mélange est inutilisable, il est roué de coups et renvoyé dans le centre de détention pour y travailler au four à briques.

 

À l’approche de la fête nationale, en octobre 1960, le centre est submergé de nouveaux arrivants car la police pékinoise procède à des razzias dans la capitale pour nettoyer les rues des indésirables, mendiants et autres poussés là par la faim. Pour réduire la surpopulation carcérale, les camps de réforme par le travail sont incités à venir recruter. Wu Hongda est pris pour aller travailler dans une aciérie au nord de la Grande Muraille, l’aciérie de Yanqing (延庆) [4]. Mais, quand ils arrivent sous la neige, affamés, on leur demande ce qu’ils viennent faire là : la fabrication a été interrompue, rien n’est prévu pour eux. L’aciérie avec ses annexes (briqueterie, mines de fer) était gérée par la Sécurité publique et fonctionnait avec de la main-d’œuvre carcérale. Mais, à cause du Grand Bond en avant, la Chine du Nord était privée d’électricité, sauf exceptions dont Pékin ; tout le site avait été déclaré « tombé de cheval ». Non seulement il n’y avait pas de travail, mais il y avait en outre pénurie de vivres : la famine sévissait dans tout le pays.

 

Les deux-cents prisonniers sont hébergés pendant trois mois dans la mine de fer désaffectée de Yingmen (营门铁矿) [5],  l’ordinaire consistant en petits pains faits de paille de maïs et de sorgho… La mort commence à frapper début janvier 1961. Alors, pour centraliser les opérations, les cinq-cents prisonniers de Yanqing sont regroupés sur le site proche de la mine de Xihongshan (西红山铁矿) dont les baraquements avaient été construits par la main-d’œuvre pénitentiaire au début du Grand Bond en avant, en 1958. Faute de vivres, on distribue des cigarettes aux prisonniers. Puis est instauré un rationnement avec un système de quotas. La nourriture devient une obsession.

 

La faim

 

La faim pousse à tout, à l’agressivité, au chapardage, et aux troubles en général. Le corps s’affaiblissant, les causes de décès se multiplient, parfois en commençant par un simple rhume, une plaie infectée, une diarrhée incontrôlable. Et plus question d’espérer des colis de l’extérieur : au printemps 1961, c’est toute la Chine qui souffre de la famine. Une épouse héroïque venue avec un sac de farine de blé pour son mari se le fait voler dans la nuit : elle avait économisé sur ses propres rations. On retrouva le corps de son mari peu après, au pied d’une falaise derrière la mine : il ne voulait plus que sa femme économise ses rations pour lui [6].

 

Et soudain en avril, on leur annonce de but en blanc que tous les prisonniers de la mine vont être transférés… Wu Hongda se retrouve à la ferme de Qinghe (清河农场), section 583. La nourriture est encore plus rationnée : un petit pain au lieu de deux et une louche de soupe. Les petits pains sont à 80 % de rafle de maïs fermentée, avec double cuisson à la vapeur pour augmenter le volume. Apparaissent les premiers symptômes d’œdème et les morts se multiplient, de dysenterie pour la plupart. La journée de travail est réduite à six heures et les quotas de production sont supprimés. Tomber sur un trou de rat avec ses provisions pour l’hiver devient une aubaine inespérée. Les bagarres et vols de nourriture se multiplient d’autant.

 

 

L’entrée de la ferme de Qinghe

 

 

La situation est tellement grave quand arrive l’été que, début août 1961, la Sécurité publique de Pékin dont dépend la ferme ouvre une section 585 baptisée « Centre de lent rétablissement ». C’est d’abord pour rétablir l’ordre et prévenir des émeutes, mais cette nouvelle directive est présentée comme devant permettre aux prisonniers de pouvoir à nouveau travailler car, s’ils ne travaillent pas, ils ne peuvent pas se réformer… Glorieux résultat de la réforme sur le travail : à l’examen médical, Wu Hongda pèse 36 kilos. Ceux qui sont transférés dans le Centre ne peuvent plus qu’à peine bouger. La vie s’installe au ralenti ; quand un prisonnier ne s’assoit pas à l’heure du repas, c’est qu’il est mort. Les corps sont emportés dans un char à bœufs dans l’immense cimetière de la ferme, dénommé section « 586 », d’abord dans des cercueils en planches de récupération, puis dans des nattes, et enfin simplement enroulés dans leur couette [7].

 

En attendant, la situation sanitaire s’améliore peu à peu, mais les principes de travail dans la ferme restent identiques, réglementés par un protocole rigoureux. L’espoir un moment entretenu que les droitiers seraient libérés s’effondra bien vite.

 

D’un camp à l’autre

 

De Qinghe à Tuanhe

 

En avril 1962, quelques droitiers de la section 584 se voient octroyer le statut de « travailleurs libres » [8]. En juin, l’ensemble des droitiers, remis de la famine, de la ferme de Qinghe sont transférés à la ferme de Tuanhe (团河农场), au sud de la capitale. Ils doivent faire la moisson, semer le maïs d’automne, s’occuper des cultures maraîchères. Plus de rumeurs de libération : l’espoir fait place à de nouvelles tensions, bagarres et frustrations.

 

En fait, au printemps 1962, c’est la crise : les impérialistes américains sont soupçonnés de soutenir le régime du Guomingdang et de préparer une invasion de la Chine. Les prisonniers politiques sont considérés comme un facteur de risque ; on dit que le gouvernement chinois s’apprête à les expédier dans les régions reculées loin de la capitale. Mais l’été passe sans rien de nouveau. En fait, lors de leur réunion annuelle à Beidahe, les dirigeants du Parti définissent une nouvelle orientation politique ; afin de réaffirmer son autorité, Mao Zedong annonce une priorité renforcée à la lutte des classes.

 

L’illusion de la libération

 

Pendant l’année 1963, près de la moitié des droitiers arrivés à Tuanhe en juin 1962 sont « libérés », liberté relative, mais impression de liberté quand même car les « prisonniers libres » recevaient un salaire, ils étaient exemptés de l’appel du soir, mangeaient à la cantine comme les ouvriers ordinaires, et ils avaient tous les quinze jours l’autorisation de sortir de la ferme pour aller au restaurant ou au cinéma.

 

Ceux qui restaient, comme Wu Hongda, comptaient les jours en attendant la date du 24 mai 1964 où devaient officiellement prendre fin les peines les plus lourdes prononcées contre les droitiers : trois ans de rééducation par le travail. Le 24 mai se passa sans aucune annonce officielle. En juin, tout espoir était évanoui. Il n’y avait plus aucune raison de penser que la détention s’achèverait un jour. C’est alors qu’est lancée la campagne d’éducation socialiste, afin d’intensifier la surveillance des pratiques administratives, lutter contre la corruption et les abus de pouvoir ; les équipes de travail du Parti devaient renforcer la lutte des classes afin d’éradiquer le révisionnisme.

 

Une année passa ; bien qu’ayant purgé leur peine, les droitiers semblaient oubliés. À l’été 1965, Wu Hongda se joignit à un groupe qui rédigea trois lettres pour rappeler leur existence au Parti et il fit passer les lettres à l’extérieur. Cela lui valut onze jours de cachot dont il sortit anéanti. Encore affaibli, il reprit pourtant le travail six jours plus tard, et la vie continua…

 

La Révolution culturelle

 

Violence à l’intérieur comme à l’extérieur

 

C’est alors que Wu Hongda était toujours à la ferme de Tuanhe, pendant l’été 1966, que se déchaîna la Révolution culturelle. Au début, la ferme constitua en fait une sorte de sanctuaire contre les violences perpétrées dans la capitale. De toute façon, la violence et la cruauté étaient devenues habituelles, les prisonniers étaient insensibles à la souffrance d’autrui. Mais, un jour de septembre, une bande de Gardes rouges fit irruption dans la ferme en scandant des slogans. Il demandèrent le prisonnier le plus récalcitrant et le passèrent à tabac. La trêve était terminée. La barbarie gagna le camp.

 

Nouveau transfert : de la ferme à la mine

 

Un matin de janvier 1967, la police vint ordonner à une partie des droitiers de plier bagage pour aller dans une section mieux gardée de la ferme, jusque-là réservée aux droits communs. L’idée était sans doute avant tout de protéger les prisonniers politiques contre les violences des Gardes rouges. Le règlement était bien plus drastique, mais c’était une sécurité.

 

Et puis, deux mois plus tard, en mars 1967, de manière toujours aussi imprévue, nouveau transfert : retour à la ferme de Qinghe, plus éloignée de la capitale, donc jugée plus sûre.

 

À la fin de l’automne 1969, annonce-surprise : 80 droitiers sont étiquetés « travailleurs libres » et priés de se préparer au départ. Wu Hongda apprend ainsi à sa grande stupéfaction que sa condamnation à la rééducation par le travail a été révoquée ! Trois jours plus tard, il apprend en outre qu’il est affecté à la mine de charbon de Wangzhuang (王庄煤矿) [9], dans le Shanxi. Toutes les sections de la ferme de Qinghe allaient être évacuées. L’explication vint le lendemain : Lin Biao avait ordonné une mobilisation générale dans l’éventualité d’un conflit avec l’Union soviétique ; la sécurité exigeait que tous les prisonniers soient transférés à l’intérieur, loin des régions côtières et des grands centres urbains.

 

La mine faisait partie du laogai, les ouvriers étaient organisés en compagnies calquées sur les modèle des prisons. Harry Wu commente :

« Le piège du système pénitentiaire chinois se referma sur les mille deux cents détenus transférés à la mine de Wangzhuang, connue par l’administration sous le nom de camp de réforme par le travail n° 4 du Shanxi. … En dépit des faibles mesures de liberté qui nous étaient accordées, nous vivions toujours dans la crainte du châtiment, des gardiens et du cachot, signe que la mine de charbon n’était pas un complexe industriel, mais bien un camp de travail. … Mais, plus encore que par le travail et la discipline, nous étions écrasés par le sentiment que notre vie ne nous appartiendrait jamais. » [10]

 

Sans certificat de travail, sans tickets de ravitaillement, sans passeport intérieur, les droitiers « libérés » étaient en fait bloqués à Wangzhuang, indéfiniment. Début janvier 1970, on les informa que la mine avait été placée sous contrôle militaire, comme beaucoup d’autres unités de travail, dans le cadre des mesures prises pour restaurer l’ordre en mettant fin aux luttes de faction, et relancer la production [11]. Un commandant de l’APL et son assistant supplantèrent le commandant du camp et le secrétaire du Parti.

 

En même temps, on présente une femme à Wu Hongda, ils se marient le 22 janvier. On leur attribue un yaodong (窑洞), ces habitations creusées dans le loess. Ils cultivent des choux dans leur cour et élèvent deux poules. Après quinze ans de camp et de galère, c’est un semblant de paix. L’affaire Lin Biao, en janvier 1972, ne rompt pas cette vie tranquille. Au printemps on lui confie un poste avec plus de responsabilités. En 1974, il est même autorisé à rendre visite à sa famille à Shanghai.

 

Epilogue

 

Pourtant, les campagnes ne cessent pas. Mais le vent tourne. Le 8 janvier 1976 parvient au camp la nouvelle de la mort de Zhou Enlai, suivie d’une campagne contre « les déviationnistes de droite » dirigée surtout contre Deng Xiaoping [12]. Et le 10 septembre est annoncé le décès du Grand Timonier. Mais la situation ne commence à s’améliorer qu’en 1978, après le retour au pouvoir de Deng Xiaoping au printemps. En juin, on leur annonce que le problème des milliers de prisonniers politiques toujours incarcérés dans les camps serait résolu par étapes.

 

L’annonce officielle de l’annulation de sa peine lui parvient au début du mois de janvier 1979. On lui trouve un poste de professeur d’anglais et de mathématiques dans la nouvelle école de finance et d’économie du Shanxi, tandis que sa femme obtient un poste de bibliothécaire. Ils quittent la mine le 16 février 1979.

 

Il rend visite à son père, apprenant qu’il avait lui-même été étiqueté droitier et que sa belle-mère s’était suicidée peu après avoir appris son arrestation. Son père meurt en septembre 1980, son plus jeune frère en 1981, dans des conditions suspectes qu’il se met en devoir d’éclaircir….

 

Il quitte la Chine en 1985, atterrissant à San Francisco avec quarante dollars en poche. Il se remarie en 1991 et décide dès lors de se consacrer à faire connaître le vaste réseau de camps et de prisons secrètes où des millions de ses compatriotes avaient vécu dans des conditions inhumaines, sans inculpations ni jugements pour la plupart. Il y a consacré le reste de son existence.

 

 

Wu Hongda, devenu Harry Wu

 

 


 


[1] Vents amers, traduction en français de l’ouvrage écrit en anglais avec Carolyn Wakeman « Bitter Winds, a Memoir of My Years in China’s Gulag » (John Wiley & Sons, 1994), trad. Béatrice Laroche, préface de Danielle Mitterrand, introduction de Jean Pasqualini, couverture Fabienne Verdier, éd. Bleu de Chine, 1994.

[2] Dans les années 1950-1955, une campagne en suit une autre et ce sont chaque fois de véritables purges. Il y a eu une première campagne contre les contre-révolutionnaires en 1950-1953 (zhènyā fǎngémìng 镇压反革命, ou zhènfǎn 镇反), en parallèle avec la fin de la Réforme agraire (土地改革). La nouvelle campagne dont parle Wu Hongda a suivi la campagne de 1951-1952 reprise en 1953 contre « les trois-antis et les cinq antis » (三反五反) : c’est le mouvement dit sùfǎn de lutte contre les « contre-révolutionnaires cachés » lancé en 1955 (fǎn yùndòng 肃反运动,  abrégé de "肅清暗藏的反革命分子" éliminer les éléments contre-révolutionnaires cachés).

[3] Malgré le code de procédure pénale élaboré dès le début de la période d’ouverture, les conditions de détention sont pratiquement toujours aussi opaques. Dai Qing (戴晴), par exemple, se retrouvera dans une situation semblable lorsqu’elle sera emprisonnée en 1989 ; elle a tenté de prévoir son temps de détention en fonction des textes, mais en vain. Elle l’a expliqué en détail dans son texte « Mon incarcération » (《我的入狱》), publié à Hong Kong en 1990.

[4] Immense aciérie reconvertie en parc industriel historique dont les tours soigneusement préservées ont servi de décor impressionnant aux installations des Jeux Olympiques d’hiver 2022.
https://www.world-architects.com/en/architecture-news/reviews/big-air-in-beijing

[5] Répertoriée dans le Laogai Handbook avec la mine de Xihongshan comme dépendant de la prison de Yanqing, code 02-16, p. 54

https://www.ldh-france.org/IMG/pdf/Manuel_de_la_Fondation_de_recherche_sur_le_Laogai_2008.pdf

[6] C’est l’un des rares passages où affleure un semblant d’émotion. L’histoire de cette femme rappelle celle de la « femme du Gansu » à la fin du journal de Zhang Xianliang (张贤亮) « Grass Soup » (《烦恼就是智慧》).

[7] C’est ce que décrit Yang Xianhui (杨显惠) dans son recueil de nouvelles « Chronique de Jiabiangou » (《夹边沟记事》). Et comme à Jiabiangou, les corps dans leurs nattes n’étaient pas enterrés en profondeur, les chiens sauvages venaient déterrer les cadavres…

[8] Ce qui était une liberté toute relative, le droitier restant dans le système des camps, affecté à une unité de travail, sans pouvoir rentrer chez lui. Selon Harry Wu, le statut de « travailleurs libre » équivalait en fait à une condamnation à perpétuité. Voir aussi « Mimosa » (《绿化树》) de Zhang Xianliang (张贤亮).

[9] Laogai Handbook, code 25.05, p. 423.

[10] Vents amers, trad. de l’anglais par Béatrice Roche, Bleu de Chine,  1995, p. 313.

[11] Voir « Renverser ciel et terre, la tragédie de la Révolution culturelle », de Yang Jisheng (杨继绳), Seuil, 2020, XII.3, L’armée prend en main la direction de la Révolution culturelle, p. 331.

[12] Campagne qui suscite son lot de poèmes, avec dix pages de traductions dans le numéro d’août de la revue Littérature chinoise !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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