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Jia Hangjia 賈行家 

Présentation

par Brigitte Duzan, 9 août 2025

 

Né en 1978 à Harbin, Jia Hangjia (賈行家) fait partie du groupe d’écrivains représentatifs de la « nouvelle littérature du Dongbei » (Xin Dongbei wenxue 新东北文学),) aux côtés du trio iconique de ses cadets de Shenyang, Shuang Xuetao (双雪涛), Ban Yu (班宇) et Zheng Zhi (郑执) [1]. Mais il est surtout essayiste.

 

 

Jia Hangjia (photo zhuanlan.zhihu)

 

 

Il a été rocker et blogger, mais il n’a ouvert un compte WeChat qu’en novembre 2016, quand c’est devenu nécessaire dans la vie courante, y compris pour commander ne serait-ce qu’un plat au restaurant. Il a longtemps eu la réputation d’un conteur sarcastique d’histoires drôles (“冷嘲段子手”), mais aujourd’hui qu’il publie sur papier et non plus en ligne, son ton a changé. Il s’est rappelé ce que disait Shen Congwen (沈从文) à Wang Zengqi (汪曾祺) : « Il ne faut jamais être sarcastique, cela n’a pas de sens » (你永远不要冷嘲,这个东西没有意义。). Cet humour froid est bon pour ceux qui n’éprouvent pas de passion. La moquerie cache un complexe d’infériorité, mais c’est un moyen pour beaucoup de se rendre populaire [2].

 

En fait, il dit avoir gardé un manque d’estime et de confiance envers lui-même qui vient de l’anxiété ressentie pendant son enfance, qui fut une période de grande incertitude due aux fermetures d’usines et aux licenciements qui ont affecté ses parents et tout son entourage. Quand on a beaucoup perdu dans sa jeunesse, selon lui, cela suscite une sorte de dérision. Mais il admire les écrivains capables de passion, ceux dont les écrits vibrent littéralement d’émotion ; dans le Nord-Est, dit-il [3], c’est ce qu’on appelle « shua » (“”). En fait, les Chinois ont l’habitude de ne pas montrer leurs émotions, et il est ainsi.

 

Jia Hangjia expliquant les conséquences des fermetures d’usines et des licenciements sur la population de Harbin dans les années 1990 et jusqu’à aujourd’hui (avril 2018)

https://www.youtube.com/watch?v=czzIMwqYhhg

 

Il garde une profonde nostalgie de la vie à Harbin quand il était jeune : une ville où tout était calme et lent, une vie identique de jour en jour, sans surprise. Aujourd’hui, les vieilles maisons ont disparu, les petites boutiques, les vieux restaurants ont fermé, tout ce qui faisait la qualité de la vie dans le passé. Yangzhou, par exemple, est une ville pour laquelle les gens du Jiangsu n’ont pas une admiration particulière ; la ville a commencé à décliner depuis le milieu de la dynastie des Qing, mais malgré tout son mode de vie n’a pas disparu. C’est cette triste nostalgie, reflet d’un monde disparu, que l’on retrouve dans ses écrits.

 

Ses livres sont des recueils d’histoires qui racontent ses souvenirs, ses observations, ses réflexions. Ce sont des histoires de gens qui tentent de vivre une vie décente, au jour le jour. Ils semblent aussi insignifiants que la poussière, et pourtant ils donnaient forme au monde. Aujourd’hui, tout est bien plus compliqué, plus incertain finalement. Et comme c’est le cas pour les autres écrivains du Dongbei de sa génération, Shuang Xuetao (双雪涛)Ban Yu (班宇) ou Zheng Zhi (郑执), le monde qu’ils évoquent et leurs personnages frappés par le chômage ont tellement de similitude avec celui d’aujourd’hui pour les jeunes générations que leurs écrits en trouvent d’autant plus d’intérêt.

 

Principales publications

 

- Octobre 2016 : « Poussière » (Chéntǔ《尘土》).

Recueil de trente essais divisés en trois parties : « Hommes » 【人】, « Monde » 【世】et « Voyage » 【游】.

Les hommes sont aussi bien les ancêtres que les parents, les amis et les voisins dont l’auteur tente de retrouver les âmes ; le monde est celui de Harbin et sa région, dans toute sa tristesse et sa beauté ; le voyage est celui qui mène de la poussière à la poussière. Le langage est poétique autant que philosophique et en fait un témoignage littéraire sur la vie dans le Nord-Est de la Chine en ce début de 21e siècle.

 

Le recueil a été sélectionné par Sina Lecture parmi ses dix meilleurs livres de l’année 2016 (“2016年度新浪好书榜·年度十大好书”).

 

 

Chéntǔ《尘土》oct. 2016,

Presses de l’université normale du Guangxi

广西师范大学出版社

 

 

- Août 2018 : « Griffonnages » (Liáocǎo《潦草》).

Recueil de courts récits comme autant d’observations de tranches de vies classées en seize rubriques intitulées « marché » (市井"), « à la campagne » ("乡里"), « paysage » ("风物"), « impermanence » ("无常"), etc. Le style est original ; chacune des rubriques est annoncée par le signe #.

À l’origine, Jia Hangjia a sérialisé les textes sur NetEase Weibo, à raison de notes de 160 caractères par jour sur sa vie quotidienne. Il n’avait pas l’intention de les publier, mais ils ont attiré l’attention. Depuis 2018, le recueil a un score de 8 sur Douban Littérature (non fiction). Ce qui était au départ l’expression d’observations au gré des jours et au fil du temps est devenu un « monument contre l’oubli » ("对抗遗忘的纪念碑").

 

 

Liáocǎo《潦草》août 2018, Shanghai

Sanlian Shudian上海三联书店

 

 

                - Juillet 2022 : « Les secrets de la comédie » (Xiju de mimi《喜剧的秘密》)

Recueil, coédité par Jia Hangjia, de discussions avec des humoristes spécialistes de spectacles « seul en scène » (tuō kǒu xiù 脱口秀) particulièrement populaires dans le Nord-Est. Né d’un programme éponyme de la revue bimensuelle Dandu (《单读》), le recueil tente de cerner les contours de ce monde très spécial en soulignant les efforts visant à l’authenticité, dans la vie comme sur scène.

 

 

Xiju de mimi《喜剧的秘密》juillet 2022,

Lettres et arts de Shanghai上海文艺出版社 

 

 

                - Juillet 2022 : « Tout le sable du monde » (Shijie shang suoyou de shazi《世界上所有的沙子》)

Premier numéro d’une nouvelle collection de « dialogues sur la culture, la littérature et les arts » (文化、文学和艺术的九场对话) lancée par Jia Hangjia à partir d’articles quotidiens sur l’appli internet Dedao App (得到App). Réflexions sur la vie, l’histoire et la société, les liens entre littérature et réalité, le tout ponctué de petites anecdotes dans le genre des notes au fil du pinceau (biji 笔记) d’autrefois.

 

 

Tout le sable du monde 《世界上所有的沙子》

juillet 2022, éditions Xingxing 新星出版社

 

 


 

[2] Selon son interview avec The Paper lors de la sortie de son livre « Poussière ».

[3] Dans le même interview.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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