Jia Hangjia 賈行家
Présentation
par Brigitte
Duzan, 9 août 2025
Né en 1978
à Harbin, Jia Hangjia (賈行家)
fait partie du groupe d’écrivains représentatifs de la
« nouvelle littérature du Dongbei » (Xin Dongbei wenxue
新东北文学),)
aux côtés du trio iconique de ses cadets de Shenyang,
Shuang Xuetao (双雪涛),
Ban Yu (班宇)
et
Zheng Zhi (郑执).
Mais il est surtout essayiste.
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Jia
Hangjia (photo zhuanlan.zhihu) |
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Il a été
rocker et blogger, mais il n’a ouvert un compte WeChat qu’en
novembre 2016, quand c’est devenu nécessaire dans la vie
courante, y compris pour commander ne serait-ce qu’un plat
au restaurant. Il a longtemps eu la réputation d’un conteur
sarcastique d’histoires drôles (“冷嘲段子手”),
mais aujourd’hui qu’il publie sur papier et non plus en
ligne, son ton a changé. Il s’est rappelé ce que disait
Shen Congwen (沈从文)
à
Wang Zengqi (汪曾祺) :
« Il ne faut jamais être sarcastique, cela n’a pas de sens »
(你永远不要冷嘲,这个东西没有意义。).
Cet humour froid est bon pour ceux qui n’éprouvent pas de
passion. La moquerie cache un complexe d’infériorité, mais
c’est un moyen pour beaucoup de se rendre populaire
.
En fait,
il dit avoir gardé un manque d’estime et de confiance envers
lui-même qui vient de l’anxiété ressentie pendant son
enfance, qui fut une période de grande incertitude due aux
fermetures d’usines et aux licenciements qui ont affecté ses
parents et tout son entourage. Quand on a beaucoup perdu
dans sa jeunesse, selon lui, cela suscite une sorte de
dérision. Mais il admire les écrivains capables de passion,
ceux dont les écrits vibrent littéralement d’émotion ; dans
le Nord-Est, dit-il,
c’est ce qu’on appelle « shua » (“涮”).
En fait, les Chinois ont l’habitude de ne pas montrer leurs
émotions, et il est ainsi.
Jia
Hangjia expliquant les conséquences des fermetures d’usines
et des licenciements sur la population de Harbin dans les
années 1990 et jusqu’à aujourd’hui (avril 2018)
https://www.youtube.com/watch?v=czzIMwqYhhg
Il garde
une profonde nostalgie de la vie à Harbin quand il était
jeune : une ville où tout était calme et lent, une vie
identique de jour en jour, sans surprise. Aujourd’hui, les
vieilles maisons ont disparu, les petites boutiques, les
vieux restaurants ont fermé, tout ce qui faisait la qualité
de la vie dans le passé. Yangzhou, par exemple, est une
ville pour laquelle les gens du Jiangsu n’ont pas une
admiration particulière ; la ville a commencé à décliner
depuis le milieu de la dynastie des Qing, mais malgré tout
son mode de vie n’a pas disparu. C’est cette triste
nostalgie, reflet d’un monde disparu, que l’on retrouve dans
ses écrits.
Ses livres
sont des recueils d’histoires qui racontent ses souvenirs,
ses observations, ses réflexions. Ce sont des histoires de
gens qui tentent de vivre une vie décente, au jour le jour.
Ils semblent aussi insignifiants que la poussière, et
pourtant ils donnaient forme au monde. Aujourd’hui, tout est
bien plus compliqué, plus incertain finalement. Et comme
c’est le cas pour les autres écrivains du Dongbei de sa
génération,
Shuang Xuetao (双雪涛), Ban
Yu (班宇)
ou Zheng
Zhi (郑执), le
monde qu’ils évoquent et leurs personnages frappés par le
chômage ont tellement de similitude avec celui d’aujourd’hui
pour les jeunes générations que leurs écrits en trouvent
d’autant plus d’intérêt.
Principales publications
- Octobre
2016 : « Poussière » (Chéntǔ《尘土》).
Recueil de
trente essais divisés en trois parties : « Hommes »
【人】,
« Monde »
【世】et
« Voyage »
【游】.
Les hommes
sont aussi bien les ancêtres que les parents, les amis et
les voisins dont l’auteur tente de retrouver les âmes ; le
monde est celui de Harbin et sa région, dans toute sa
tristesse et sa beauté ; le voyage est celui qui mène de la
poussière à la poussière. Le langage est poétique autant que
philosophique et en fait un témoignage littéraire sur la vie
dans le Nord-Est de la Chine en ce début de 21e
siècle.
Le recueil
a été sélectionné par Sina Lecture parmi ses dix meilleurs
livres de l’année 2016 (“2016年度新浪好书榜·年度十大好书”).
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Chéntǔ《尘土》oct.
2016,
Presses de l’université normale du Guangxi
广西师范大学出版社 |
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- Août
2018 : « Griffonnages » (Liáocǎo《潦草》).
Recueil de
courts récits comme autant d’observations de tranches de
vies classées en seize rubriques intitulées « marché » (市井"),
« à la campagne » ("乡里"),
« paysage » ("风物"),
« impermanence » ("无常"),
etc. Le style est original ; chacune des rubriques est
annoncée par le signe #.
À
l’origine, Jia Hangjia a sérialisé les textes sur NetEase
Weibo, à raison de notes de 160 caractères par jour sur sa
vie quotidienne. Il n’avait pas l’intention de les publier,
mais ils ont attiré l’attention. Depuis 2018, le recueil a
un score de 8 sur Douban Littérature (non fiction). Ce qui
était au départ l’expression d’observations au gré des jours
et au fil du temps est devenu un « monument contre l’oubli »
("对抗遗忘的纪念碑").
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Liáocǎo《潦草》août
2018, Shanghai
Sanlian Shudian上海三联书店 |
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- Juillet 2022 : « Les secrets de la
comédie » (Xiju de mimi《喜剧的秘密》)
Recueil,
coédité par Jia Hangjia, de discussions avec des humoristes
spécialistes de spectacles « seul en scène » (tuō kǒu xiù
脱口秀)
particulièrement populaires dans le Nord-Est. Né d’un
programme éponyme de la revue bimensuelle Dandu (《单读》),
le recueil tente de cerner les contours de ce monde très
spécial en soulignant les efforts visant à l’authenticité,
dans la vie comme sur scène.
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Xiju de mimi《喜剧的秘密》juillet
2022,
Lettres et arts de Shanghai上海文艺出版社 |
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- Juillet 2022 : « Tout le sable du monde »
(Shijie shang suoyou de shazi《世界上所有的沙子》)
Premier
numéro d’une nouvelle collection de « dialogues sur la
culture, la littérature et les arts » (文化、文学和艺术的九场对话)
lancée par Jia Hangjia à partir d’articles quotidiens sur
l’appli internet Dedao App (得到App).
Réflexions sur la vie, l’histoire et la société, les liens
entre littérature et réalité, le tout ponctué de petites
anecdotes dans le genre des notes au fil du pinceau (biji
笔记)
d’autrefois.
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Tout
le sable du monde 《世界上所有的沙子》
juillet 2022, éditions Xingxing
新星出版社 |
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