Histoire littéraire

 
 
 
     

 

 

Brève histoire de la littérature du Nord-Est : le génie du lieu

par Brigitte Duzan, 3 août 2025

 

Depuis les années 2010, on parle de plus en plus de « littérature du Nord-Est » (Dongbei wenxue 东北文学), avec un sens d’identité collective qui n’existe pas, ou pas autant, dans d’autres régions. On parle même de « renaissance culturelle du Nord-Est » (Dongbei wenyi fuxing 东北文艺復兴), expression utilisée pour la première fois en 2019, lors d’un spectacle, par le rappeur Gem (Dong Baoshi 董宝石) [1].

 

 

Le quartier des ouvriers de Shenyang

hier et aujourd’hui

 

 

Si l’on pouvait parler de renaissance, c’est que la région avait été sinistrée, à la suite de la politique de réformes drastiques instaurée par Deng Xiaoping au début des années 1990. Cette renaissance s’est traduite dans tous les domaines culturels et artistiques, mais tout particulièrement en littérature [2]. Le renouveau littéraire est symbolisé par le trio d’écrivains Shuang Xuetao (双雪涛), Ban Yu (班宇) et Zheng Zhi (郑执), baptisés « Les trois mousquetaires de Tiexi » (Tiexi san jianke铁西三剑客), ce Tiexi étant le quartier emblématique de Shenyang dont ils sont originaires, celui-là même filmé par Wang Bing (王兵) dans son documentaire de 2003 « À l’ouest des rails » (《铁西区》).

 

Témoins pendant leur jeunesse des fermetures d’usines et des licenciements massifs dont la génération de leurs pères a été brutalement victime après avoir été le fleuron de l’industrie nationale du temps de Mao, les écrivains de la région nés dans les années 1980 dépeignent dans leurs récits les conséquences traumatiques de ce désastre économique et social. Il en résulte toute une littérature, essentiellement constituée de nouvelles et novellas, dont le style peut être qualifié de « post-avant-gardiste ». Mais, fermement ancrée dans cette région spécifique du nord-est, elle est malgré tout indissociable de la littérature qui l’a précédée, également marquée par les contingences historiques, et peut-être tout simplement par l’esprit du lieu, ce genius loci que les anciens Chinois vénéraient localement sous le nom de tudi shen (土地神) ou tudi gong (土地公).

 

I. Le contexte historique (19e et 20e siècles)

 

La Mandchourie entre Chine, Russie et Japon

 

Influence croissante de la Russie…

 

Au 19e siècle, le Nord-Est de la Chine qui était jusque-là peuplé de Mandchous et de quelques autres groupes ethniques non-han [3] subit une brutale colonisation chinoise, et se sinifia à partir essentiellement des provinces du Shandong et du Zhili (直隶), province créée sous les Ming, au 14e siècle, qui s’étendait grosso modo, pour sa partie nord, sur le territoire de l’actuelle province du Hebei et fut dissoute en 1928. Pendant longtemps, comme il était interdit aux femmes de franchir la Grande Muraille, la population venue s’installer sur les terres du Nord-Est resta en majeure partie masculine, ce qui favorisa son assimilation. Au cours du temps, les mode de vie évoluant, l’administration des Huit Bannières devint obsolète, les institutions et la culture chinoises se développèrent et la langue mandchoue disparut peu à peu au profit du chinois.

 

À la fin du 19e siècle, cependant, l’influence russe s’accrut sensiblement, la pression politique exercée sur la Chine par l’Angleterre, l’Allemagne et le Japon incitant le gouvernement chinoise à rechercher une alliance avec la Russie. En 1878, toutes les restrictions à la migration des populations chinoises en Mandchourie furent supprimées ; puis, en 1896 fut signé un accord entre la Chine et la Russie pour la construction d’un chemin de fer transsibérien d’Irkoutsk à Vladivostock, ce qui entraîna un nouvel essor de la région. La ville de Harbin devint alors le centre régional de la culture russe. La région devint une riche zone céréalière, tandis que l’industrie accusait un certain retard par rapport au reste du pays, le textile et l’industrie alimentaire étant les principaux secteurs industriels. Les ouvriers constituaient une faible partie de la population, et c’étaient surtout des travailleurs saisonniers ou occasionnels – dont beaucoup de femmes – qui gardaient un lien avec leur village.

 

 

La gare de Harbin vers 1940 : Harbin est

écrit en caractères russes (Хар бин)
(photo tirée d’un livre japonais sur la Manchourie)

 

 

… Puis du Japon

 

Cependant, à la fin du 19e siècle, c’est le Japon qui s’affirme comme puissance dominante dans toute la région. À l’issue de la première guerre sino-japonaise, en 1894-1895, le traité de Shimonoseki (17 avril 1895) consacre la victoire japonaise en octroyant au Japon la presqu’île du Liaodong, au sud de la Mandchourie. Mais ce gain territorial doit finalement être rétrocédé à la Russie qui augmente peu à peu sa présence dans la région : en 1900, après l’écrasement de la révolte de Boxers, elle obtient de l’empire chinois un protectorat sur la Mandchourie et continue de réclamer de nouveaux avantages à la Chine. Le Japon se lance alors dans un vaste programme d’armement.

 

C’est la question de la Mandchourie qui provoque la guerre de 1904-1905 qui, après une bataille meurtrière en mars 1905 à Mukden (l’actuelle Shenyang), se conclut par la victoire écrasante du Japon. Cette victoire (outre la Révolution de 1905 en Russie) donne un coup de frein à l’expansion russe dans l’Extrême-Orient sibérien, et dans le Nord-Est chinois : pour ce qui concerne ce dernier, le traité de Portsmouth accorde au Japon un bail sur la péninsule du Liaodong, outre le contrôle du chemin de fer de Mandchourie du sud avec les privilèges que possédait la Russie dans la région. La Mandchourie était ainsi divisée en deux sphères d’influence, russe au nord, japonaise au sud ; mais, durant la Première guerre mondiale, la Russie a été effacée de la carte régionale par les États-Unis et le Japon.

 

Après la chute de l’empire chinois et la fondation de la République de Chine, de 1912 à 1932, pendant la période dite des Seigneurs de la guerre, la région est dominée par la faction armée mandchoue dite Clique du Fengtian (fèngxì jūnfá 奉系军阀), la province de Fengtian (奉天省) étant celle de Mukden. Cette « clique » est soutenue par le Japon, mais elle est vaincue en mai 1928 par les troupes du Guomingdang à la suite de l’Expédition du nord (běi fá 北伐).

 

L’invasion japonaise et le Manchukuo

 

Le 19 septembre 1931, après « l’incident » de Mukden qui détruit une partie de la voie ferrée, commence l’invasion japonaise de la Mandchourie. En mars 1932 est établi l’État fantoche du Manchukuo (满洲国), avec à sa tête le dernier empereur de Chine, Puyi (溥仪). Poursuivant leur politique expansionniste, le Japon déclenche en 1937 la seconde guerre sino-japonaise qui se termine par la capitulation du Japon en août-septembre 1945.

 

Cependant, c’est l’invasion de la Mandchourie par les Soviétiques à partir du début du mois d’août qui met un terme à l’administration japonaise sur la région. C’est l’une des plus importantes opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale, tant dans sa phase de préparation, marquée par le déplacement d’environ un million d’hommes et des quantités importantes de matériel sur plus de 9 000 km à travers la Sibérie, que dans sa phase opérationnelle, le champ de bataille faisant plus de 4 000 km de large et 800 de profondeur [4]. Elle se solde par une victoire soviétique contre l'armée japonaise du Guandong. C’est l’un des principaux évènements qui ont contribué à pousser à la capitulation japonaise, le 15 août 1945.

 

La Mandchourie était alors une région riche. Elle avait une population de 43 millions d’habitants, du charbon et du fer alimentant une industrie sidérurgique moderne, ainsi que des usines de caoutchouc synthétique et des arsenaux. Même la nourriture ne faisait pas défaut : blé, maïs et soja étaient cultivés sur le sol fertile de la Mandchourie centrale. Mais les troupes japonaises avaient été redéployées pour défendre les principales îles japonaises, celles qui restaient étaient de moindre qualité qu’au début de la guerre.

 

Lors de la conférence de Yalta en février 1945, Staline profita de la situation. Voulant éviter un massacre des troupes américaines lors de l’invasion du Japon, Roosevelt signa avec lui un accord secret prévoyant l’entrée en guerre de l’URSS dans les trois mois suivant la capitulation allemande, et ce en contrepartie de gains territoriaux, plus une exploitation conjointe avec la Chine des chemins de fer de l’Est de la Chine et de la Mandchourie du sud. C’est cependant le bombardement atomique de Hiroshima qui, surprenant tout le monde, déclencha l’invasion de la Mandchourie par les troupes soviétiques, ordonnée par Staline dans la nuit du 8 au 9 août, décision unilatérale sans l’accord de la Chine. Mais, lorsque le Japon annonça sa capitulation le 14 août, l’URSS continua ses opérations militaires afin d’étendre au maximum son pouvoir en Asie en détruisant l’administration japonaise en Mandchourie.

 

Libération soviétique, victoire communiste

 

Bien que n'ayant pas de troupes en Mandchourie, Tchang Kaï-chek, de son côté, voulait éviter que les Japonais se retirent trop tôt, et que la région passe sous le contrôle des communistes. Il fait donc transmettre aux troupes japonaises restées sur place l'ordre de ne pas remettre leurs armes aux communistes et d'attendre l'arrivée des soldats du Guomindang. Il ne peut cependant empêcher qu'une partie des territoires conquis par l'armée soviétique en Mandchourie soient investis par les troupes communistes qui gagnent ainsi de précieuses bases d'opération tandis que la guérilla communiste locale opère sa jonction avec les troupes régulières du Parti. Les communistes chinois installent leur pouvoir à Harbin et de là s'étendent vers le sud. Les nombreuses familles japonaises qui, sur incitation du gouvernement japonais, étaient venues coloniser la région à partir de 1938 sont renvoyées chez elles, dans des conditions souvent tragiques [5].

 

 

Expulsion des colons japonais de Mandchourie en 1946

 

 

La conquête de la Mandchourie par les communistes est définitive à la fin de 1948 ; c’est l'un des faits décisifs marquant la fin de la guerre civile chinoise. C’est dans le nord-est qu’ont lieu les premières expériences de Réforme agraire [6]. C’est aussi, entre autres, du studio japonais du Manchukuo que provient le plus ancien studio de cinéma chinois, celui de Changchun (长春电影制片厂) : il est en effet né de la fusion d’une partie du studio japonais avec le studio de Yan’an (延安电影制片厂) évacué à Changchun en 1949 et celui du Nord-Est (东北电影制片厂), fondé le 1er octobre 1946[7], où en 1947 sont réalisés les premiers films d’animation de la période communiste.

 

De Mao à Deng Xiaoping et après : de la gloire au désastre, de la stabilité à la précarité

 

Les communistes s’étaient donc battus pour conquérir cette région géostratégique du Nord-Est au lourd passé, mais aux riches ressources. Il fallait commencer par tout reconstruire.

 

Années 1950 : planification et reconstruction

 

Alors que le Dongbei est une région au sol noir fertile qui en fait une riche zone agricole[8], après la fondation de la République populaire, l’accent a été mis sur son industrialisation : c’est devenu une région pionnière de l’économie planifiée. Le Dongbei est ainsi devenu « le fils aîné (de l’industrie) de la République » (gengheguo (gongye) zhangzi 共和国工业长子) selon le titre honorifique que lui a décerné le président Mao.

 

Une industrie sur le mode soviétique

 

Les débuts de l’industrie y datent cependant de l’occupation japonaise. Dans les années 1930, quand le Japon a envahi la Chine, il a construit un immense complexe militaro-industriel au sud de Shenyang (alors Mukden), dans la zone de Tiexi (铁西区). C’était alors l’avant-garde industrielle. À la fin de la guerre, en 1945, la production industrielle de Mandchourie dépassait celle du Japon lui-même, ce qui valut à Tiexi le surnom de « Ruhr de l’Orient » (“东方鲁尔”). 

 

Après la fondation de la République populaire, le premier plan quinquennal a été lancé en 1953, sur le mode soviétique et avec l’assistance soviétique. La zone de Tiexi reconstruite est devenue le moteur de la modernisation du pays. Le « village des ouvriers » (《工人村》) où a grandi Ban Yu et qui est le titre de son premier recueil d’essais a été inauguré en septembre 1952 :  les 72 bâtiments de trois étages avaient été conçus par des experts soviétiques et incarnaient en Chine le rêve d’une belle vie avec l’électricité et le téléphone à tous les étages. Les premiers occupants étaient pour la plupart des dirigeants d’entreprise, des travailleurs modèles, des membres des professions intellectuelles supérieures ou des techniciens qualifiés. Le quartier était la fierté des ouvriers, par ailleurs glorifiés pour leur rôle central dans l’économie du pays. Dans les années 1960 et 1970, Shenyang était une ville moderne, dont l’urbanisation avait commencé très tôt.

 

 

Un hôtel luxueux de Shenyang en 1982 :

l’hôtel Huibin sur la rue Changjiang (长江街)

 

 

Une vie autour de l’usine

 

Selon, entre autres, les souvenirs de cet enfant du pays qu’est Ban Yu[9], la vie des ouvriers tournait entièrement autour de l’usine, y compris la vie culturelle, dans un système parfaitement intégré qui assurait une grande stabilité. Quand tombait le salaire, à la fin du mois, la fiche de paie comportait certaines sommes allouées à des dépenses spécifiques : quelques yuans pour le coiffeur ou le bain, et une allocation mensuelle pour la lecture, livres et journaux. Toutes les familles allaient régulièrement à la bibliothèque de l’usine pour emprunter des livres, surtout des romans d’aventures et de wuxia et les grands classiques comme « Au bord de l’eau » (《水浒传》). Ils aimaient la danse et la musique ; beaucoup jouaient d’un instrument, comme on le voit dans les films comme « The Piano in a Factory » (《钢的琴》) de Zhang Meng (张猛) – autre enfant du pays, né dans le nord du Liaoning.

 

 

Les ouvriers regardant les nouvelles à la télévision à 10 heures

du matin, à un comptoir du Centre commercial Zhongxing

 

 

Comme le fait remarquer Ban Yu, la vie de l’ouvrier lui laissait, après sa journée de travail, un temps de loisirs qui lui permettait de pratiquer un art ou un autre, rejoignant la thèse développée par Jacques Rancière (publiée en 1981) : « La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier » ; selon lui, au cœur de de l’émancipation ouvrière est la rupture du temps répétitif qui enferme l’ouvrier dans le cycle sans fin du travail et du repos, avec une dimension intellectuelle et esthétique.

 

 

La place de Tiexi en 1989

 

 

C’est cette remarquable stabilité qui a soudain volé en éclats lorsque Deng Xiaoping a lancé sa politique de réformes au début des années 1980. La première faillite d’une entreprise d’Etat depuis la fondation de la République populaire a été déclarée le 3 août 1986 ; elle faisait des pertes depuis plus de dix ans mais n’avait qu’une centaine d’employés. Les faillites et fermetures d’usines se sont multipliées quand Deng Xiaoping a relancé et amplifié son programme de réformes après son « voyage dans le sud » (Nan xun 南巡) [10], au printemps 1992.

  

Années 1990 : réformes

 

Tandis que priorité était donnée au développement de certaines zones côtières de l’est et du sud, le Dongbei a subi de plein fouet les mesures d’assainissement des industries d’État obsolètes et déficitaires. Les usines ont fermé et les ouvriers se sont brusquement retrouvés au chômage, avec quelques centaines de yuans pour seule rétribution de dizaines d’années de labeur. C’était un effondrement brutal de leur statut, et un changement tout aussi brutal de leur mode de vie. La désillusion a été d’autant plus grande.

 

Dans un contexte de développement économique accéléré du reste du pays, le Nord-Est est devenu le « Rust Belt » de la Chine, avec toute une population au chômage ayant perdu ses repères et, sans espoir pour l’avenir, plongeant dans l’alcool, la violence et la délinquance. Au début des années 2000, le district de Tiexi offrait le spectacle de désolation et l’atmosphère de désespoir que montre le documentaire de Wang Bing tourné là entre 1999 et 2001. Près de 150 000 ouvriers avaient perdu leur emploi ; plus de mille grandes et moyennes entreprises publiques étaient surendettées[11].

 

 

À l’ouest des rails Tiexi qu

 

 

2003 : plan de revitalisation

 

C’est dans ce contexte socio-économique très sombre qu’en 2003 a été adopté le « plan de revitalisation du Nord-Est » (振兴东北老工业基地), sous l’égide du nouveau président Hu Jintao (胡锦涛) et de son premier ministre Wen Jiabao (温家宝). Un nouveau district de Tiexi a été créé, avec autonomie de gestion, la vente des terrains offrant une manne inespérée, même si c’étaient des terrains pollués qui ne valaient pas grand-chose. Le déménagement des entreprises a dégagé des recettes dont une partie a permis de rembourser les dettes des entreprises, et une autre partie à payer des dédommagements aux anciens salariés licenciés. Des quartiers insalubres ont été réhabilités ; les ouvriers ont dû payer cher leur nouvel appartement, mais ont récupéré leur mise ensuite quand les prix de l’immobilier se sont envolés.

 

Mais tout le monde n’en a pas profité, et les anciens licenciés ont longtemps continué à être une population à bas revenus et faible protection sociale, en outre désorientés par la faillite de leurs usines et leur perte consécutive de repères. Il aura fallu encore une vingtaine d’années pour que la région cesse d’être considérée comme sinistrée.

 

Aujourd’hui, le Dongbei est entré dans l’ère des industries tertiaires. Elles ont représenté 62 % des revenus de Shenyang en 2019[12]. Tiexi, en particulier, est devenu une plateforme touristique utilisant les structures et architectures originales d’anciennes usines pour promouvoir des « industries culturelles » autour de bureaux, studios, expositions et « parcs culturels ».

 

L’industrie est devenue une attraction. En 2013 a été ouvert au public, dans le quartier même de Tiexi, le plus grand Musée industriel de Chine, qui couvre 80 000 m2 et permet de « revivre » l’expérience des ouvriers de la  fonderie et des autres usines d’autrefois.

 

 

Le Musée industriel de Chine de Shenyang

 

 

Cependant, c’est un musée en hommage à la gloire passée de Tiexi, on n’y trouvera rien du déclin dramatique de la zone et du sort des ouvriers et de leurs familles. Mais leur histoire continue pourtant de hanter les vivants, selon l’idée de Marx qui voyait l’ombre des générations disparues peser comme un cauchemar sur les esprits des vivants, dans la lignée de la théorie d’Engels selon laquelle la tradition est une force d’inertie. Walter Benjamin a proposé pour sa part une vision plus dialectique des choses, qui rejoint la muséification de l’histoire industrielle de Shenyang : selon lui[13], le processus traumatique de l’histoire constitue une source de trésors culturels qui a tendance à effacer la violence et la souffrance.

 

Le passé traumatique, tel qu’il survit dans les esprits, comme « trésor culturel », se retrouve dans la littérature et parallèlement au cinéma.

 

 

II. La littérature du Nord-Est.

III. La littérature du Nord-Est et le cinéma.

 

 


[1] Voir : Wu Haiyun, “What Exactly Is the ‘Dongbei Renaissance’?,” Sixth Tone, 26.08.2023.

Gem était avec le rockeur Liang Long (梁龙), chanteur vedette du groupe « Second Hand Rose » (二手玫瑰),

formé en 1999. Mêlant folk et metal dans leurs mélodies, les musiciens de « Second Hand Rose » tout comme Gem sont en fait les héritiers de la tradition populaire du errenzhuan (二人转), forme de dialogue comique propre à la région du Dongbei dont Zhao Benshan (赵本山) est l’un des plus célèbres représentants.

[2] L’autre secteur représentatif de cette renaissance étant le cinéma avec la vogue des films noirs lancée par le « Black Coal, Thin Ice » (《白日焰火》) de Diao Yinan (刁亦男) en 2014, mais aussi toute une série d’adaptations cinématographiques.

Voir : « Le cinéma …. »

[3] Le nom même de Mandchourie étant une création relativement récente, la région étant désignée en langue mandchoue sous les Qing par l’expression « trois provinces orientales » (en chinois dong san sheng 东三省). Mais le territoire lui-même a varié selon les époques et les diverses sphères d’influence.

[4] Voir : Cécile Dauvergne, « August Storm :  l’opération soviétique qui acheva l’empire du Japon », Revue d’Histoire militaire,

[6] Voir le roman de Zhou Libo (周立波) « L’Ouragan » (《暴风骤雨》) publié en deux volumes en 1948-1949, inspiré de sa propre expérience de la réforme agraire en 1946 à Zhoujiagang (周家岗), dans la ville-district de Wuchang (五常), dans le Heilongjiang.

[7] Avec Yuan Muzhi (袁牧之) comme directeur du studio et Chen Bo’er (陈波儿) comme directrice artistique.

[8] Qui donne encore 20 % de la production alimentaire de la Chine (en 2020).

[9] Souvenirs évoqués dans son interview avec Zhao Mengsha : « Northeast China—a Conversation with Ban Yu » (juillet 2020).

[10] Selon un terme qui reprend celui désignant les « tournées d’inspection » des empereurs dans la Chine impériale.

[11] D’après l’article de Courrier international du 8 mars 2008 traduit d’un article du Sanlian Lifeweek (Sanlian Shenghuo Zhoukan 三联生活周刊).

[12] Selon le Bureau des statistiques de la ville.

[13] Voir sa thèse sur la philosophie de l’histoire dans Illuminations, Essays and Reflections, ed. Hannah Arendt (2007).

 

 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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